Prédation
Marie-Laure Mauny : « J’veux pas que ce soit le loup qui gagne »

En Matheysine, les troupeaux de Marie-Laure Mauny ont subi deux attaques de loup depuis début décembre. Bilan : 58 brebis tuées. L'éleveuse demande un tir de prélèvement avant la fin de l'année.
 Marie-Laure Mauny : « J’veux pas que ce soit le loup qui gagne »

Deux attaques en huit jours. Sur le plateau matheyzin, les troupeaux de Marie-Laure Mauny sont soumis à rude épreuve. A Cognet, le 4 décembre, le loup a croqué 33 brebis. Une semaine plus tard, il a fait 25 autres victimes à Ponsonnas. Le carnage a été découvert au petit jour, dans un pré jouxtant les maisons du village. C'est un voisin qui a donné l'alerte en se levant. Les brebis ne sont pas mortes sur le coup : il a fallu en euthanasier un grand nombre.

A Ponsonnas, le loup a attaqué plus de 20 brebis, mais n'en a dévoré qu'une seule.
(crédit photo : Jean-Marc Laneyrie)

Marie-Laure Mauny est partagée entre désespoir et colère. C'est le quatrième assaut que ses bêtes subissent depuis le mois de juin. Le bilan est lourd : une centaine de brebis perdues en six mois. « On ne sait plus quoi faire... », enrage l'éleveuse en pleurs. Fin août, elle avait fait une demande de dérogation à la DDT pour obtenir un tir de défense simple. Elle a attendu son autorisation durant tout l'automne. Fin novembre, toujours rien. Il a fallu le massacre du 4 décembre pour que la demande aboutisse...

Louvetier sans casquette

La DDT se dit consciente du problème, mais totalement impuissante. « Ils m'ont dit qu'ils ne pouvaient rien faire, qu'ils avaient les mains liées », s'indigne l'éleveuse. Les quotas de prélèvements étant presque atteints au niveau national (il ne reste trois loups à « prélever » avant la fin de l'année), l'administration affirme n'être pas en mesure de faire intervenir les lieutenants de louveterie. Seule solution : réaliser des tirs de défense simple. « J'ai dit aux chasseurs qu'ils pouvaient tirer, car j'ai l'arrêté préfectoral », explique Marie-Laure Mauny. Mais pas un chasseur n'a franchi le pas : « Ils ont peur.  » Un louvetier « sans casquette » devait tout de même passer mardi dernier pour intervenir près du troupeau.

Parquer le loup, pas les brebis

En attendant, l'éleveuse reste seule face à la menace. Mais elle refuse de se soumettre à la loi du loup. « On m'a conseillé de rentrer mes bêtes, mais j'ai encore de l'herbe et 12 hectares à faire pâturer. Mes brebis, j'ai prévu de les rentrer dans deux semaines. Pas avant. On nous oblige à parquer nos animaux. Mais c'est le loup qu'on devrait parquer ! Pour moi, il est hors de question que ce soit lui qui gagne. En début de semaine, j'ai demandé un tir de prélèvement avant la fin de l'année. Il faut que ça remonte au préfet coordinateur. »

L'attaque du 11 décembre s'est déroulée en contrebas du village de Ponsonnas, à proximité des maisons.
(crédit photo : Jean-Marc Laneyrie)

Ce discours de sédition ne passe pas auprès de tout le monde, mais le maire de Ponsonnas l'entend parfaitement. « Il y a des gens qui critiquent cette attitude ; personnellement je la comprends, déclare Jean-Marc Laneyrie. C'est facile de dire qu'il faut s'adapter et rentrer les bêtes. Mais ceux qui disent cela ne comprennent pas que les éleveurs sont pris dans une logique économique. Dans les prés, les bêtes mangent de l'herbe. Dans les bergeries, il faut leur donner du foin. Et ça coûte. »

Soutien aux éleveurs

Depuis les attaques de l'été dans sa commune, l'élu reconnaît avoir été « particulièrement sensibilisé » au problème de la prédation. « J'ai creusé la question et proposé au conseil communautaire de la Matheysine de voter une motion contre la protection du loup pour apporter notre soutien aux éleveurs et faire bouger les pouvoirs publics. Car c'est tout un pan de notre économie agricole qui est en danger », explique Jean-Marc Laneyrie.

Drame

La motion a été votée à l'unanimité (42 communes sur 43) le 24 septembre dernier. L'initiative a eu un certain écho national, mais n'a pas fait bouger les lignes pour autant. En attendant, les éleveurs commencent à se demander si ça vaut la peine de continuer à élever des moutons. Et les élus s'il faut que se produise un drame pire encore que ces carnages à répétition pour que les pouvoirs publics réagissent.

Marianne Boilève