Prédation
Suite aux attaques du loup, les éleveurs des Bonnevaux en plein désarroi

Isabelle Brenguier
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Le loup gagne du terrain en Isère. Les nouvelles attaques perpétrées dernièrement dans le massif des Bonnevaux l’attestent une nouvelle fois et inquiètent les agriculteurs du territoire.

 

Suite aux attaques du loup, les éleveurs des Bonnevaux en plein désarroi
La nouvelle attaque de loup qui a eu lieu début février inquiète les éleveurs des Bonnevaux.

Ils ne sont pas en zone de montagne et pourtant, depuis deux à trois ans, les agriculteurs des Bonnevaux ressentent la présence de plus en plus insistante du loup.
« En 2020, les attaques du prédateur se sont multipliés et ont même nécessité l’intervention des lieutenants de louveterie pour des tirs de défense. 2021 débute à peine que cela recommence avec cette première attaque qui a eu lieu à Arzay, dans la nuit du 31 janvier au 1er février et qui a occasionné la mort de sept agneaux », indique Hubert Avril, agriculteur et administrateur de la FDSEA dans le secteur de Bièvre-Isère.
Aujourd’hui, les éleveurs de ce secteur sont sous le choc et très inquiets. « Depuis quelques années, on entend parler d’attaques ou de personnes qui l’ont vu. Du Vercors, il a traversé les Chambarans et maintenant il rôde tout autour », explique Philippe Rimaux, éleveur de vaches laitières à Lieudieu.

Dans ce territoire où l’élevage est prépondérant, les troupeaux sont particulièrement exposés si un prédateur s’installe. Car les bêtes pâturent au pré une large partie de l’année (de début avril à début novembre), dans des parcelles parfois éloignées des exploitations.
Et même quand elles sont dans l’enceinte des bâtiments, elles ne sont pas forcément protégées, car il s’agit souvent de bâtiments semi-plein air.

Bouleversé et découragé

Jérémie Carron est éleveur de brebis à Arzay. Son exploitation est située à 500 m de celle qui a subi la dernière attaque. Pour lui, la pression du loup est la couche qui se rajoute à toutes les autres, celle de trop.
« Notre métier est déjà tellement difficile. Nous devons travailler des heures et des heures, subir la charge administrative, la pression des contrôles, et maintenant le loup. Je ne sens pas que nous sommes soutenus. J’ai cherché à joindre la DDT. Sans succès. Pourtant les services publics devraient être là pour nous aider, pour sensibiliser les uns et les autres au problème, pour expliquer à chacun le rôle qu’il doit jouer. Car, dans un secteur touché par un problème de prédation, s’ensuivent d’importantes tensions locales », déclare l’éleveur, bouleversé et découragé.
Et d’ajouter : « Nous exerçons un métier passion. J’ai 33 ans. Je me suis installé il y a quatre ans uniquement pour cette raison. Je suis encore en phase d’installation puisque je développe mon troupeau progressivement. Mais j’ai presque des regrets. Nous entendons parler de relance ovine, mais dans les faits, personne ne nous soutient. Quand une brebis est tuée par un loup, on nous donne un chèque de 200 euros. Et on nous dit de prendre un patou. Mais ce ne sont pas des solutions. Nous élevons nos animaux parce que nous les aimons. Voir nos bêtes dépiécées, leurs boyaux éparpillés, alors que la veille, nous les avons fait naître, nous les avons nourri, c’est juste horrible ».

Enjeu sociétal

Les éleveurs du secteur attendent une réponse rapide des services de l’Etat. Ils ne veulent pas de nouvelles attaques.
Pascal Denolly, agriculteur à Revel-Tourdan et ancien président de la FDSEA a suivi de près le dossier de la prédation. Il estime que « le problème a sans doute été un peu pris à la légère, quand les premières attaques ont eu lieu. Car le constat a bien été fait qu’il s’agissait d’un loup. On ne peut pas dire qu’on n’était pas au courant. Et aujourd’hui, on sait que la problématique du loup n’est plus circonscrite à la montagne. C’est un enjeu sociétal. Ce n’est pas « juste » une histoire de protection des élevages. C’est de « bien vivre ensemble » dont il est question. Il faut qu’il y ait une réaction à la hauteur de cet enjeu ».