Petite révolution à Valcétri où les producteurs se demandent s'il y aura encore assez de blé après 2020 pour alimenter leur label et les clients de la minoterie du Trièves.
Valcétri, ce sont pourtant des farines de montagne de qualité supérieure à haute valeur protéique valorisées par la minoterie du Trièves à Clelles.
En cinq ans, l'emblavement a été divisé par deux, passant de 739 ha en 2016 à 341 ha en 2020, tandis que le nombre des adhérents chutait de 41 à 26.
« Comment enrayer ce mouvement ? », demande Marc Blais le président du groupement, lors de l'assemblée générale qui s'est déroulée le 19 février à Cornillon-en-Trièves.
Cetification environnementale
Les interrogations sont nombreuses : recruter de nouveaux adhérents, élargir le périmètre (ce qui suppose une refonte des statuts) ou prendre une nouvelle voie, ainsi que l'a proposé La Dauphinoise à la minoterie. La coopérative pousse en effet pour une démarche vers la certification environnementale de niveau 3 ou HVE.
« C'est une décision unilatérale, que le collège des producteurs n'a pas bien vécue. Nous avons l'habitude de fonctionner dans l'échange », a souligné Marc Blais.
Les producteurs de Valcétri ont souhaité poursuivre leur réflexion avec les deux collecteurs, Payre et La Dauphinoise, ainsi que le meunier, comme cela a toujours été le cas au sein du collectif.
Mais il y a urgence. Philippe Corréard a fait part aux producteurs de ses difficultés à répondre à la demande. « J'écrasais 4 000 tonnes de blé il y a 23 ans et 12 500 aujourd'hui. Il y a désormais un vrai décalage avec Valcétri, que je ne peux plus proposer car je n'ai pas la marchandise. Je pense qu'il y a une évolution des cultures dans le Trièves, avec un essor du blé bio, des contractualisations comme sur l'orge brassicole. »
Pour le meunier, la certification HVE est une piste, comme celle d'élargir le périmètre aux producteurs de Matheysine et des Hautes-Alpes, afin de conserver l'appellation blé de montagne. « Les discussions HVE sont en cours, rien n'est décidé », tient-il à rassurer. Il émet l'idée d'un « Valcétri III ».
« Si l'on retrouve une valorisation nette des productions équivalente à Valcétri, alors tout le monde peut aller en HVE », a déclaré Marc Blais, qui reconnaît l'investissement de la minoterie pour la filière.
Le blé Valcétri est actuellement valorisé +19,30 euros la tonne (prix de base). « Cela paie la moissonneuse », a l'habitude de dire le président de l'association.
Quelles contraintes ?
Les participants à l'assemblée générale se sont interrogés sur les raisons de ceux qui boudent Valcétri et l'intérêt à s'inscrire dans une démarche HVE.
Pour La Dauphinoise, c'est une question de contraintes (tour de plaine imposé, date butoir etc.) couplée avec une remise en cause des pratiques culturales. De plus, ses adhérents saisissent l'opportunité qu'offre le collecteur d'un accompagnement vers la certification HVE.
Le collecteur Payre propose d'ailleurs un package « clé en main » pour ses clients afin de les alléger dans leurs démarches pour le cahier des charges Valcétri.
« La démarche HVE ne dédouannera personne des contrôles, audits et enregistrements », a fait remarquer Marc Blais qui considère les tours de parcelles « davantage comme un moment d'échanges qu'une contrainte ».
Il met aussi en balance la question du coût : « Le diagnostic et l'audit HVE sont estimés à 2 100 euros pour trois ans. Le retour sur investissement intervient à partir de 35 ou 40 ha, mais pour les petites surfaces, ce n'est pas possible. » Il oppose à cela les 25 euros acquités à Valcétri, pour ce qui est aussi une démarche de qualité.
Les collecteurs planchent sur une offre commerciale si l'option HVE était retenue. Quant au minotier, il déclare partir « sur les mêmes bases et la même rémunération que Valcétri. Mais je ne peux pas faire mieux ».
Un produit d'exception
Les collecteurs ont engagé des diagnostics dans les exploitations du Trièves et de la Matheysine pour étudier la faisabilité d'une certification HVE. « Les exploitations sont HVE sans le savoir », estime Maël Graff de la SAS Payre. « Les gens peuvent y entrer facilement », confirme Claude Terrier de La Dauphinoise. Les points délicats seront les épandages de fertilisant en zone pentue et la gestion de l'irrigation.
Reste que « Valcétri est une histoire humaine et la première association réunissant tous les producteurs du Trièves », fait remarquer son président.
Pour les adhérents, souvent des « historiques » qui ont noué des liens très forts entre eux, ce virage en accéléré est délicat à négocier.
Ainsi, Bernard Clavel était doublement ému. Après 22 ans de contribution à Valcétri, il a choisi la conversion bio et quitte l'association avec un pincement au cœur. « Valcétri est un produit d'exception et quelle que soit sa forme, il faut qu'il continue », a déclaré le producteur.
Isabelle Doucet
Bilan / Il y aura 50 ha de blé Valcétri de plus en 2020 par rapport à 2019.Une récolte 2019 satisfaisante
La récolte 2019 en blé panifiable supérieur couvre 271 hectares. Onze variétés ont été implantées, notamment des VRM (67%) propres au label Rouge, parmi lesquelles pibrac (17% de l'emblavement) et LG Armstrong (14%). Soleilho reste la variété la plus semée (20%). Pour le collecteur Payre, la variété pibrac « sort du lot, comme soleiho, qui fait moins de paille. Rubisko est en fin de course ». Quant à La Dauphinoise, elle a implanté forcali pour la première année : « Une bonne surprise, c'est encourageant en protéines et en PS », estime le collecteur.Le blé de force a été emblavé sur 88 hectares avec deux variétés : prosa (86%) et togano (14%).
De bons rendements
La collecte totale Valcétri s'élève à 1 972 tonnes, 60 tonnes ayant été déclassées. C'est la variété LG Arsmtrong qui a surtout été écartée.
Les rendements sont supérieurs à l'année précédente : 54,8 qtx/ha après déclassement. Le blé de force présente un rendement moyen de 56,9 qtx/ha et le BPS de 54,1 qtx/ha.
26 producteurs ont participé à la campagne 2020 pour une surface emblavée de 342 ha dont 256 de blé panifiable (10 variétés).
Ces 50 ha supplémentaires comparé à 2019 sont un effet des rotations et de nouvelles surfaces obtenues grâce au package clé en main, de la semence à la récolte (la tonne est rémunérée +14 euros contre 19,30 euros), proposé par la SAS Payre.
Les conditions de semis ont été jugées bonnes.