Crise du coronavirus
Coup dur pour l'appro local isérois

Avec la fermeture des restaurants et des établissements scolaires, c'est tout un pan de l'activité agricole iséroise qui est à l'arrêt. Avec des conséquences directes pour les plateformes d'approvisionnement de proximité.
 Coup dur pour l'appro local isérois

« C'est la cata ! » Pour les plateformes d'approvisionnement locales, la fermeture des établissements scolaires isérois décrétée jeudi dernier par le président Macron est un désastre. Commandes annulées, livraisons retournées, marchandises perdues : l'addition est salée.

Plusieurs dizaines de milliers d'euros pour la seule légumerie du Fontanil. « Nous avions tous nos frigos pleins de produits bruts et transformés pour les livraisons de vendredi matin : nous essayons de les vider », décrit Marianne Molina, la directrice d'Isère A saisonner-AB Epluche, qui fournit exclusivement la restauration collective.

Jeudi 12 mars, le président Macron a annoncé la fermeture des établissements scolaires, et donc celles des cantines, approvisionnées par de nombreux circuits locaux.Les plateformes doivent trouver des solutions pour écouler les marchandises.

Dans toutes les structures iséroises de proximité, le discours est le même. 

« La restauration scolaire, c'est 85 à 90 % de notre activité, déclare Luc Armanet, de la SAS ReColTer. Nous sommes à l'arrêt total. Il ne nous reste que quelques Ehpad. »

Mangez bio Isère n'est guère mieux loti. « La restauration collective représente 80 % de nos volumes, les restaurants 5 à 10% supplémentaires, explique Lydéric Motte, son directeur. Nous avons beaucoup de produits périssables en transit pour lesquels nous cherchons d'urgence une solution de dégagement. »

Transfert de consommation

Si certains fournisseurs, notamment les maraîchers, acceptent de reprendre une partie de leurs marchandises, essentiellement des produits bruts ou non périssables, les produits à date courte, comme la viande ou les laitages, posent problème.

« Nous avons contacté les hôpitaux, indique le responsable de MBI. Sur le papier, l'idée est bonne, mais eux aussi sont en situation de crise. Ils vont à la facilité, et on peut le comprendre. » Lydéric Motte se montre pourtant confiant : « La restauration hors domicile se transfère sur les consommations des particuliers : deux enseignes nous ont appelés pour les approvisionner. »

MBI a également contacté son réseau de particuliers (groupements d'achat, AMAP, magasins de producteurs...) qui a répondu présent, par culture de la solidarité.

Pour ReColTer, le chômage technique des chauffeurs-livreurs est effectif depuis le 16 mars.

En dehors des questions logistiques, l'arrêt brutal de l'activité pose deux autres difficultés aux entreprises : la question des salariés et la gestion des productions à venir.

Pour la première, le chômage partiel ou technique est déjà en place dans certaines structures. Chez ReColTer, tous les chauffeurs-livreurs sont au chômage. C'est l'un des producteurs de la SAS qui assurera les livraisons quand ce sera nécessaire.

Chez Isère A saisonner, la directrice a essayé toute la journée de lundi de se connecter au portail gouvernemental dédié à la demande d'activité partielle : il est complètement saturé.

Chez Mangez bio, l'approvisionnement est en sommeil et le magasinage arrêté, mais l'équipe commerciale reste pour l'instant « mobilisée sur le dégagement ».

Quid des saisonniers ?

Et pour la suite ? C'est le saut dans l'inconnu. Producteur de fruits et membre de la première heure de ReColTer, Luc Armanet s'inquiète pour les semaines à venir. Il se demande comment il va pouvoir récolter ses fraises, d'ici la fin avril. « Les saisonniers d'Espagne, du Maroc ou de Pologne ne viendront pas et ceux qui sont en France vont vouloir rentrer chez eux, anticipe le producteur de Bougé-Chambalu. Je n'ai personne pour le moment. Je relève mes serres pour retarder la maturité de mes fraises, mais qui va les récolter ? »

Son collègue, Denis Chardon, maraîcher et président de la SAS, a d'ores et déjà prévu de réduire ses volumes de production : à quoi bon planter des courgettes et des tomates quand les clients ne peuvent les acheter ?

Cela étant, Luc Armanet veut croire que cet épisode dramatique est une chance pour l'agriculture française. « Je pense que nous entrons dans une nouvelle ère, prédit-il. C'est ce que j'ai entendu dans le discours de Macron jeudi. Nous avons une grosse carte à jouer sur le local. Et ça va dans le sens de ce qui se dessinait déjà en Isère. Il y a aura forcément un après. »

Un après quoi ? C'est toute la question.

Marianne Boilève