Syndicalisme
Les JA font face à l’agribashing

Isabelle Doucet
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Les JA de l’Isère ont tenu leur assemblée générale à Saint-Honoré en Matheysine et débattu sur le thème de la communication positive. 

Les JA font face à l’agribashing
Michel Kuntz (2e depuis la g.), chercheur au CNRS, Nicolas Sarthou (3e), vice-président JA, Gaël Blard (4e), agriyoutuber et Thomas Judlin (5e), vétérinaire ont participé à la table ronde sur le thème de l’agribashing animée par Jérémy Jalat (1er depuis la g.)

« Expliquer clairement notre métier, en toute transparence, avec des mots simples. » Gaël Blard est jeune agriculteur dans la Drôme et youtuber. Il compte 60 000 abonnés et jusqu’à un million de vues par vidéo.
Ce média lui permet de toucher 40% de personnes non issues du milieu agricole, un public prioritaire lorsqu’il s’agit de communiquer sur le métier.
Le youtuber était l’invité de la table ronde organisée à l’occasion de l’assemblée des Jeunes agriculteurs Isère à Saint-Honoré, le 12 mars.
Pour échanger autour de la communication positive en agriculture, étaient aussi présents Michel Kuntz, chercheur au CNRS, auteur de nombreux articles sur les biais de l’information sur les sujets agricoles, Nicolas Sarthou, céréalier dans les Pyrénées-Atlantiques, vice-président de JA national en charge de la communication et Thomas Judlin, vétérinaire rural isérois.
« Je discute tous les jours avec les éleveurs et je constate que les gens sont de moins en moins au courant de ce qu’il se passe dans les fermes », confie le professionnel de la santé animale.
Nicolas Sarthou mesure aussi cette déconnexion des citoyens et du monde rural, depuis le tournant des années 2000, obligeant les agriculteurs à communiquer, « sans grande motivation au départ ».

Ouvrir les fermes

En s’exposant sur les réseaux sociaux, Gaël Blard tire une certaine expérience de l’échange avec les détracteurs de l’agriculture.
Le B-A-BA c’est « de toujours rester calme, poli et courtois ».
Il reconnaît que s’est agrégée autour de lui toute une communauté de sympathisants qui n’hésitent pas à renvoyer la balle si nécessaire.
Michel Kuntz porte un regard sans concession sur le phénomène d’agribashing et conseille « de ne pas se laisser enfermer, de ne pas vouloir contrecarrer les arguments et d’aller sur du positif ».
Il préconise le principe de narration : avoir une histoire à raconter, à travers laquelle on explique ses valeurs « qui sont souvent les mêmes, même si les chemins sont différents ». 

Ce décrochage d’avec la nature, Thomas Judlin le mesure dans la tendance à l’anthropomorphisme. « Si on aime prendre un bain de soleil l’été à 30°, ce n’est pas le cas des vaches », explique-t-il.
Et si tous s’accordent sur la nécessité d’ouvrir les fermes au grand public – une des rares professions à pouvoir le faire – le vétérinaire propose d’associer des professionnels de la santé animale « pour montrer que les choses ont évolué ».

Documenteurs

Le rôle des médias a été questionné par les participants à la table ronde, Gaël Blard s’interrogeant sur la sincérité des chaînes télévisées qui, une semaine durant - celle correspondant au salon de l’agriculture - ont subitement véhiculé « une belle image de l’agriculture ».
« Leur seul but est de faire de l’audience », a analysé Nicolas Sarthou. Il dénonce les méthodes employées dans de nombreux reportages tout le reste de l’année : « manipulation des images et des discours en faisant du séquençage ». Michel Kuntz parle de « documenteurs ».  « Le jour où Élise Lucet fera un commentaire positif sur l’agriculture, je changerai d’avis ».
Le scientifique parle d’affabulations qui font bondir les chercheurs et dénoncent « les boîtes de production qui mélangent idéologie et business ». 

Orientations / La dynamique de l’installation
Le bureau des JA lors de l'assemblée générale à Saint-Honoré en Matheysine.

Orientations / La dynamique de l’installation

 L’installation, la PAC, la prédation et la vie du réseau ont alimenté les échanges lors de l’assemblée générale.

Le département de l’Isère a connu 74 installations en 2020, un nombre qui n’avait pas été atteint depuis longtemps.
Les JA s’en félicitent même s’ils reconnaissent un effet d’aubaine lié à l’incertitude quant au maintien d’une DJA forte. C’est d’ailleurs l’objet d’une de leurs demandes dans la cadre de la PAC.
Jérémy Jallat a fait part des six axes défendus par JA dans le cadre de la future PAC, qui concernent le renforcement du budget de 4% sur le deuxième pilier pour le renouvellement des générations ; le ciblage des aides découplées sur les actifs ; des aides couplées en direction de ceux qui se structurent (contrats, OP etc.) ; la simplification des MAE ; la gestion des risques et une ICHN renforcée sur les actifs. 
Lors de l’assemblée générale, Jocelyn Dubost, le président de JA Isère, a listé les chantiers pour 2021 à commencer par l’accompagnement du développement des marques territoriales, le renversement de la pyramide des âges, la recherche « du revenu qui nous est dû » ; l’orientation des jeunes vers la formation agricole, la formation des agriculteurs, l’innovation dans les pratiques et la production, l’implication dans les OP et enfin, la communication positive. 

Le loup omniprésent

L’assemblée générale a été l’occasion de présenter les différents cantons JA et les problématiques des territoires.
Avec 42 adhérents, la Vercors fait figure de bastion fort et connaît une dynamique portée en partie par son AOP mais pas que, souligne Quentin Argoud-Puy, son président.
Le Vercors, a cependant deux grosses épines dans le pied qui sont le foncier et la prédation, l’Isère n’ayant jamais connu autant d’attaques qu’en 2020.
Le canton de Morestel, présidé par Tony Delorme, connaît aussi une petite embellie, si bien qu’il organisera les prochaines Olympiades au mois d’août, un rendez-vous apprécié des JA, qui le considère comme un temps fort du réseau.
La Chartreuse, qui réunit des JA à la fois d’Isère et de Savoie, a elle aussi bénéficié d’installations en 2020 et le jeune canton de la Matheysine, fort de ses 15 adhérents, connaît un joli démarrage.
Son président et hôte de l’assemblée générale, Cédric Fraux, a fait part de la problématique des doubles-actifs en montagne privés des revenus qu’ils tirent des sports d’hiver ou encore des difficultés de cohabitation avec les touristes. Il est revenu sur la journée loup organisée en décembre 2020 et la pose du panneau sur la prédation à Pierre-Châtel afin de sensibiliser tous les habitants. 
La vie syndicale a été en effet très riche pour JA en 2020, comme le rappelait Jocelyn Dubost.
Les membres du bureau ont ainsi tenu à rencontrer tous les parlementaires et à faire part de leurs inquiétudes tant sur le RIP(1) que sur la question des produits phytosanitaires.
« Les agriculteurs font des efforts, raisonnent leurs pratiques », plaide le président de JA. Il souligne le caractère contradictoire de certaines décisions qui ont engendré la disparition de filières entières comme la cerise au profit d’importations. 

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RIP : référendum d’initiative populaire