Mobilité
Le vélo, c'est aussi pour les ruraux
Afin d'encourager la pratique du vélo, notamment pour les trajets quotidiens les plus courts, l'Ademe et les pouvoirs publics mobilisent des moyens techniques et financiers. En Isère, plusieurs intercommunalités s'intéressent de près à ces dispositifs.
Les statistiques sont formelles : le vélo fait de plus en plus d'adeptes en France. Surtout aux beaux jours. Pourtant, à l'échelle nationale, 42 % des actifs continuent d'utiliser leur véhicule pour réaliser des trajets domicile-travail d'un kilomètre ou moins, selon une étude de l'Insee parue en janvier dernier. Ce chiffre grimpe à 60 % pour des trajets inférieurs à cinq kilomètres. Un "score" qui s'explique en partie par la multiplicité des déplacements contraints (école, travail, courses…), sans doute aussi par la force de "l'habitude".
Partage de la route
En milieu rural s'ajoutent deux obstacles majeurs : le manque, voire l'absence, d'aménagements adaptés et sécurisés, et la discontinuité des parcours. « Le vélo, c'est à la mode, tout le monde en fait, mais dans nos campagnes, les routes ne sont pas sécurisées, déplore Jean-Michel Segui, le maire de la petite commune d'Assieu. Le partage de la voirie avec les voitures est compliqué. On ne peut pas utiliser le vélo pour aller au travail ou au collège par exemple. » Sans compter les dénivelées et le vallonnement des itinéraires qui ont de quoi démotiver les usagers les moins aguerris.
Le pari du vélo électrique
Sur ce point précis, le vélo à assistance électrique (VAE) constitue une parade dont les pouvoirs publics et les collectivités n'hésitent plus à faire la promotion. Dès 2016, la communauté de communes du Trièves a ainsi tenu le « pari » de mettre une vingtaine de VAE à disposition des habitants pour les « inciter à réduire leurs trajets en voiture dans le cadre de leur activité professionnelle ». Plus récemment, la crise sanitaire a conduit certaines intercommunalités comme le Massif du Vercors, Vienne-Condrieu ou la Capi à subventionner l'achat d'un vélo électrique. Car, dans tous les territoires, le potentiel de report modal en faveur du vélo nourrit de grands espoirs. Dans le sud du Pays voironnais par exemple, il est estimé à 20 000 trajets quotidiens. Mais il existe encore trop peu d'itinéraires cyclables pour enclencher une véritable "vélorution".
Mobilités actives
Les choses pourraient rapidement changer avec le plan gouvernemental Vélo et Mobilités actives. Objectif affiché de l'Etat : faire passer la part du vélo dans les déplacements quotidiens de 3 à 9% d'ici 2024. « Ambitieux, mais pas inatteignable », estime l'Agence de la transition écologique (Ademe) qui vient de lancer Avelo2, un appel à projets permettant aux collectivités territoriales de « se doter d’une stratégie mobilité active avant de candidater aux aides de l’Etat pour réaliser des infrastructures » dans les territoires peu denses et/ou ruraux. Des co-financements qui pourront être mobilisés dans le cadre du fonds national « mobilités actives » (doté de 350 millions d’euros sur sept ans), auquel s'ajoutent une centaine de millions d'euros issus du plan France Relance, ainsi que les aides des instances départementales, régionales et européennes.
En 2019, un premier programme "Vélos et territoires" avait permis de soutenir 220 territoires en France, dont 22 en Auvergne-Rhône-Alpes. En Isère, seule Saint-Marcellin-Isère-communauté avait été retenue. Avec Avélo2, l'Ademe espère toucher 400 collectivités d'ici 2024. Encore faut-il connaître le dispositif. Le 9 avril dernier, la députée Caroline Abadie et l'Ademe ont animé une visioconférence pour en détailler le contenu, suivie d'un temps d'échanges sur le plan Vélo et les questions de « mobilité active ». Une vingtaine de maires, de conseillers et d'élus communautaires y ont pris part, preuve que le sujet les intéresse.
Aménager des kms de voiries
« Le vélo, c'est pour tout le monde et pour tous les territoires, a rappelé Jérôme d'Assigny, le directeur régional de l'Ademe. Ce n'est pas un mode de déplacement réservé aux villes et aux agglomérations. » Le maire d'Assieu en convient aisément, « mais ce n'est pas pour autant un sujet simple, fait-il remarquer. Car la difficulté du milieu rural, c'est le kilométrage de voirie ». Assieu par exemple compte 21 kilomètres de voies communales. Pour faciliter la pratique du vélo, il faudrait élargir les routes d'au moins deux mètres ou créer des pistes cyclables dédiées. Impossible à l'échelle d'une si petite commune, mais « il y a une carte à jouer au niveau intercommunal », concède Jean-Michel Ségui.
Potentiel cyclable
C'est ce que fait la Capi dans le Nord-Isère, qui consacre un budget annuel de 700 000 euros au développement de son « schéma cyclable communautaire ». Dans les Vals-du-Dauphiné en revanche, la réflexion est à peine amorcée. Gilles Bourdier, vice-président en charge des mobilités, se dit « pleinement convaincu du potentiel » cyclable de son territoire (60 000 habitants). Mais il reconnaît qu'en matière de mobilité, la nouvelle intercommunalité « part d'une feuille blanche ». D'où l'intérêt d'un dispositif comme Avélo2 qui, si les Vals-du-Dauphiné étaient retenus, permettrait de « réaliser un schéma directeur cyclable à partir duquel nous pourrions enclencher le développement d'aménagements, de pistes, d'équipements, mais aussi inciter les habitants au report modal ».
Plus-value du cyclo-touriste
Autre argument-clé en faveur du vélo : le tourisme. Le directeur régional de l'Ademe a présenté la petite reine comme un « outil performant » pour le développement touristique des territoires. « Un touriste à vélo est rémunérateur : il dépense en moyenne 68 euros par jour, a-t-il indiqué. En développant les itinéraires cyclables, les collectivités peuvent jouer sur les deux tableaux : les mobilités du quotidien et l'attrait touristique. » Une précision qu'ont bien retenue les élus. « Je n'avais pas conscience de la plus-value d'un cyclo-touriste, confie le vice-président des Vals-du-Dauphiné. C'est d'autant plus intéressant que nous souhaitions déjà nous appuyer sur les parcours cyclistes pour développer le tourisme et faire découvrir notre patrimoine. » De Grenoble à Saint-Marcellin, la véloroute 63 qui longe la vallée de l'Isère en est une parfaite illustration.
Marianne Boilève
(1) La voiture reste majoritaire pour les déplacements domicile-travail, même pour de courtes distances, Insee Première, n°1835, janvier 2021.
Avelo2 en pratique
Doté de 25 millions d'euros, Avelo2 s'adresse aux collectivités territoriales, aux intercommunalités et aux syndicats mixtes qui veulent développer une politique vélo globale. Lire l'article.
Saint-Marcellin-Isère-communauté esquisse son « territoire vélo »
Saint-Marcellin-Isère-communauté est l'une des 220 collectivités lauréates de l'appel à projets « Vélos et territoires » organisé par l'Ademe en 2019. Un appui technique et financier qui lui a permis d'initier une dynamique en faveur de la pratique du vélo sur son territoire.
Saint-Marcellin-Isère-communauté veut tripler la part de déplacements en vélo sur son territoire d'ici 2024. Grâce à l'aide technique et financière de l'Ademe, elle compte gagner 2 500 déplacements quotidiens à vélo et convaincre 900 habitants de se mettre au vélo. « Nous visons surtout les trajets entre un et trois kilomètres entre le domicile et le travail, les établissements scolaires et les liaisons avec les gares », précise Albert Buisson, vice-président en charge de l'environnement, de la transition écologique et de la mobilité.
A l'origine de cet ambitieux projet, le besoin d'alternatives au « tout voiture » et une aspiration des habitants à une vraie politique en faveur du vélo. En 2018, le Conseil de développement a convaincu les élus communautaires de l'intérêt de répondre à l'appel à projets de l'Ademe et s'est proposé de monter le dossier avec eux. « Nous avons récupéré des études, des chiffres, des données, raconte Gérard Poiraud, devenu depuis conseiller municipal à Saint-André en Royans. Nous avons travaillé pour construire un projet cohérent entre l'état de départ et les objectifs fixés. » A savoir développer une politique cyclable « complète et harmonisée » pour tous les habitants du territoire, qu'ils soient scolaires, actifs, fragiles ou sportifs, et même touristes.
Nouveaux tracés
Deux ans plus tard, les premiers résultats sont là. La communauté de communes a embauché une chargée de mission et réalisé un diagnostic de l'existant (itinéraires cyclables, aménagements, points à sécuriser, problèmes de cohérence et/ou de discontinuité des parcours…), étape incontournable dans la construction d'une stratégie de dévéloppement globale. Elus, usagers et techiciens ont ensuite réfléchi aux tracés des itinéraires cyclables. « Avec la crise sanitaire, ça n'a pas été simple, mais nous avons été formés au maniement d'un logiciel qui permet de prévoir des trajets à distance », explique Albert Buisson. La synthèse des propositions a été faite par un bureau d'étude et doit prochainement être envoyées aux communes pour approbation. « Une fois les tracés validés, nous passerons à la phase active, poursuit le vice-président. C'est une étape compliquée en raison du statut des voieries qui sont actuellement communales ou départementales. Il va falloir que les voiries concernées soient déclarées d'intérêt communautaire pour que nous puissions investir dans la création de pistes cyclables. »
En parallèle, Saint-Marcellin-Isère-communauté est en train de développer des « services vélo » (achat de vélo à assistance électrique pour les mettre à disposition des habitants, aide à l'achat d'un vélo, ateliers "remise en selle", sécurité routière…), mais aussi toute une série d'événements festifs et d'animations pour « aider les usagers à franchir le pas ». A commencer par la Fête du vélo qui se déroule durant le mois de mai à Saint-Marcellin et se terminera par une grande fête familiale place du Champ de Mars le 13 juin (programme sur roulavelo.org).
MB