Énergie renouvelable
La méthanisation offre des opportunités de création d'énergie... à ne pas négliger
Pour faire découvrir la méthanisation et ses enjeux aux collectivités, les partenaires du projet « Ambitions biogaz 2023 » ont lancé une série de webinaires. Retour sur la première session.
133. C'est le nombre d'unités de méthanisation (1) en fonctionnement aujourd'hui en Auvergne-Rhône-Alpes. Soit 13 % du parc national. Et avec les objectifs fixés pour fin 2023 d'avoir 180 unités et 1,5 Twh (térawatt-heure) de biogaz valorisé (soit la consommation énergétique de 300 000 foyers), les perspectives de développement de la filière sont croissantes. Elles le sont d'autant plus avec le contexte géopolitique actuel qui met - encore plus - en avant la question de l'autonomie énergétique.
Afin de partager leurs compétences et expériences issues de plusieurs années de mise en œuvre, différents acteurs de la discipline (2) se sont rassemblés pour proposer une série de trois webinaires, destinés aux élus et aux chargés de mission intéressés par le sujet.
Le premier a eu lieu le 4 mars et a rassemblé une quarantaine de participants.
Comme l'explique Jean-Paul Sauzet, conseiller énergie et climat à la Chambre d'agriculture de l'Isère, « la plupart des collectivités ont des plans climat et beaucoup ont identifié la méthanisation comme moyen pour atteindre la neutralité carbone. Pour autant, la mise en œuvre de tels projets n'est pas évidente et elles sont nombreuses à ne pas savoir comment s'y prendre. C'est pourquoi, nous voulons leur donner une l'information objective et leur montrer que nous pouvons les accompagner. Car, si nous souhaitons tous que cette filière se développe, nous ne voulons pas que cela se fasse n'importe comment. Notre objectif est que la valeur ajoutée de ce travail revienne aux territoires ».
Bénéfices
Les différents partenaires engagés dans la démarche en sont convaincus. Le développement de la méthanisation présente de nombreux bénéfices pour un territoire. En étant des projets d'économie circulaire au cœur des territoires, ils permettent de limiter les impacts sur le climat, les déchets, l'agriculture, l'énergie, les eaux, les transports...
« Ils permettent de gagner en autonomie en énergie renouvelable. Les coûts de production sont maîtrisés puisque les tarifs d'achat sont réglementés. Ils participent à la réduction des gaz à effets de serre. En termes d'emploi, les avantages sont également importants dans la mesure où ils sont non délocalisables. Et ils peuvent permettre aux agriculteurs d'améliorer leurs revenus », avance, entre autres arguments, le technicien isérois.
Deux types de valorisation
Pour bien comprendre le processus, Jean-Paul Sauzet est revenu sur le « BABa » de la méthanisation. Il explique ainsi que « la méthanisation est une réaction biologique de dégradation anaérobie des matières organiques, reproductible dans des conditions contrôlées ou qui se produit spontanément en décharges ».
Et celui-ci de détailler également les trois grandes familles d'intrants pouvant être utilisés : « ceux d'origine agricoles (effluents d'élevage, productions végétales, résidus de culture...), ceux d'origine industrielle (déchets d'industries agroalimentaires, d'abattoirs...), et ceux des collectivités (tontes de pelouse, déchets de cantines, biodéchets, boues de stations d'épuration...) ».
Pour le spécialiste, il convient de respecter le cahier des charges réglementaire et de veiller à la qualité des intrants utilisés. « C'est l'une des clés de réussite du projet », insiste-t-il. Guillaume Coicadan, chargé de mission Biogaz au sein d'Auvergne-Rhône-Alpes Énergie- Environnement, a ensuite rappelé les deux types de valorisation permise par la méthanisation : le biogaz, qui peut être utilisé pour la production d'électricité et de chaleur mais aussi pour la production d'un carburant ou injecté dans le réseau de gaz naturel après épuration, et le digestat, un produit humide et riche en matière organique partiellement stabilisée, désodorisé pendant le processus de méthanisation qui peut être utilisé comme fertilisant.
Le technicien en profite pour insister sur la réglementation qui encadre l'activité. « Les installations sont classées au titre de la protection de l'environnement (ICPE), et soumises à des règlements sanitaires et à des obligations d'hygiénisation. Il faut bien l'avoir en tête. La méthanisation agricole se déroule dans un cadre réglementaire très strict », insiste-t-il.
Différents porteurs de projets peuvent la mettre en œuvre : des agriculteurs, des investisseurs privés et des collectivités. A noter que ce sont des projets qui, financièrement, sont accompagnés.
(1) majoritairement d'origine agricole, mais pas uniquement
(2) la Préfecture de région Auvergne-Rhône-Alpes, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, l’État, l'Ademe, l'Agence de l'eau, GRDF, BPI France, GRT Gaz, Auvergne-Rhône-Alpes Énergie-Environnement, le réseau régional des chambres d'agriculture. Ils sont tous signataires de la charte de partenariat 2019-2023 pour le développement de la méthanisation en Auvergne-Rhône-Alpes
Isabelle Brenguier
Producteur de lait... et d'énergie
Quand l’exploitation agricole du coin chauffe les équipements municipaux... La preuve par l'exemple.
« Un vrai projet territorial ». C'est ainsi que Nicolas Robert, éleveur laitier en Gaec à Verrières-en-Forez, dans la Loire, qualifie son installation de méthanisation.
Mise en place en 2014, après cinq années de réflexion et d'études, elle a permis la production de 150 kwh d’électricité et de suffisamment de chaleur pour chauffer le lycée agricole et la salle des fêtes de la commune. Elle fonctionne grâce aux effluents d'élevage et aux déchets verts et elle utilise le digestat qui en résulte, au même titre que le lisier. Ce qui, selon l'éleveur, permet à l'exploitation de réaliser une économie considérable en engrais.
Aujourd'hui, l'unité produit 250 kwh et amorce une nouvelle phase de développement avec la création d'une station de production de bio-GnV, GnV signifiant Gaz naturel pour véhicule, raccordé à leur méthaniseur. Cela leur permettra d'alimenter leur flotte de tracteurs qui roulera complètement en bio-GnV.
Bilan carbone positif
Le jeune agriculteur ne regrette pas cette aventure. S'il se revendique évidemment toujours en tant qu'agriculteur, il admet volontiers que l'entreprise est passionnante et lui apporte beaucoup de satisfaction. D'autant qu'elle permet aux actifs du Gaec de mieux gagner leur vie et aux parents de Nicolas Robert un complément de retraite intéressant. Un plus non négligeable...
Et, conscient que l'agriculture est regardée de très prés en terme d'émissions, il estime que le bilan carbone positif qu'il tire de son installation lui permet de communiquer de façon positive. Un vrai atout.
IB
Prendre le temps
Guillaume Coicadan, chargé de mission Biogaz au sein d'Auvergne-Rhône-Alpes Énergie- Environnement, et Jean-Paul Sauzet, conseiller énergie et climat à la Chambre d'agriculture de l'Isère, encouragent les agriculteurs qui souhaiteraient se lancer à prendre le temps de se renseigner et de ne pas contacter directement un assembleur.
Dans chaque département, un référent méthanisation, en lien avec la chambre d'agriculture, l'Ademe, la Région, peut les aider à trouver le bon prestataire.
« Un bon développement de projet de méthanisation, qui prend le temps de sa mise en œuvre, c'est un gage de réussite. Car un projet, c'est plusieurs milliers d'euros et 15 à 20 ans d'exploitation. Cela mérite donc de bien s'entourer, par un bureau d'études indépendant et par une équipe projet qui pourra accompagner comme il faut le porteur de projet », indique Guillaume Coicadan.
IB