ETATS-UNIS
« America First » : Biden en fera aussi son credo

Englués dans plusieurs conflits commerciaux, les Etats-Unis peinent à reconquérir les marchés agricoles. Le Green Deal, qui est selon eux, la nouvelle politique commerciale protectionniste de l’UE, desservira leurs intérêts commerciaux. Alors que Joe Biden a proposé un programme qui entend verdir le Farm Bill.

« America First » : Biden en fera aussi son credo
Le 20 janvier prochain, en prenant ses fonctions, le nouveau président des Etats-Unis, Joe Biden, va hériter de plusieurs dossiers commerciaux et diplomatiques houleux. (Crédit : Gage Skidmore)

Pas de répit dans le conflit Airbus-Boeing ! L’Union européenne vient en effet de publier une liste de produits industriels et agro-alimentaires, importés des Etats-Unis, qui seront taxés à 25 % (lire ci-dessous). « Mais en entamant l’ère Biden par un coup de force, elle s’est précipitée et a agi en dépit du bon sens, déplore Thierry Pouch, Chef du service des études économiques de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA). Donald Trump ou son successeur vont forcément réagir ! ». Le 20 janvier prochain, en prenant ses fonctions, le nouveau président des Etats-Unis, va hériter de plusieurs dossiers commerciaux et diplomatiques houleux. Or la situation économique des Etats-Unis est particulièrement dégradée et la pandémie est toujours active. Mais le solde commercial et agroalimentaire américain a dévissé bien avant que ne survienne la crise sanitaire de la Covid.

Une nouvelle brique protectionniste

En 2019, l’excédent commercial étasunien agricole et agroalimentaire était de 4,6 milliards de dollars (Mrds $) contre plus de 43 Mrds $ en 2014. En cause notamment, la dégradation des relations commerciales avec la Chine. Sur les marchés des céréales, les Etats-Unis perdent aussi des parts de marché tandis que l’industrie du bioéthanol bat de l’aile. « En conséquence, ils ont dépensé plus de 51 Mrds $ d’aides (soit cinq fois le budget annuel dédié à l’agriculture, ndlr) pour compenser les pertes de revenus des farmers », rapporte Thierry Pouch. Sous la présidence Trump, les Etats-Unis ne sont pas non plus parvenus à résorber leur déficit commercial abyssal avec l’Union européenne de 14,5 Mrds $ en 2019, le seul parmi leurs partenaires commerciaux. C’est pourtant leur cheval de bataille depuis des années. Les Etats-Unis ne réalisent que 9,3 % de leurs exportations de produits agricoles et agroalimentaires avec l’Union européenne. Dans ces conditions, le Green Deal (ou pacte vert) européen présenté au mois de juin dernier par la Commission européenne a mal été reçu. « Selon les Etats-Unis, il n’est ni plus ni moins la nouvelle politique commerciale protectionniste de l’Union européenne », analyse Thierry Pouch. Il est une nouvelle brique apportée à l’édifice protectionniste sur lequel s’est bâti le projet européen depuis 70 ans.

Le Green Deal, un défi de cohérence 

Du reste, l’Union européenne affirme ne pas vouloir signer d’accords commerciaux internationaux s’ils ne s’inscrivent pas dans les objectifs de la conférence sur le climat de 2015. C’est pourquoi la France, les Pays-Bas et l’Autriche ont annoncé ne pas envisager de ratifier avec le Mercosur, alors que la Commission européenne l’avait signé en juin 2019. Pour les mêmes raisons, les négociations sur le Tafta (Projet d’Accord commercial transatlantique lancé par Obama, Merkel, Cameron et Hollande en 2013), interrompues il y a quatre ans par Trump ne sont pas prêtes d’être relancées. A moins que Joe Biden ne réintègre rapidement les Accords de Paris et relance les négociations commerciales. Cependant, le Green Deal est aussi un défi de cohérence que les vingt-sept pays membres de l’Union européenne se sont aussi lancés à eux-mêmes pour pouvoir imposer à la planète ses propres ambitions environnementales et commerciales.

Les Etats-Unis vont verdir le Farm Bill

Aussi, la prochaine Pac doit être compatible avec le pacte vert, avec des plans stratégiques nationaux qui ne servent pas que les intérêts de chacun des Etats membres. Or le climat de crise actuel est propice à ce que les pays préservent chacun leurs propres intérêts. Mais en rejoignant l’Accord sur le climat de 2015, les Etats-Unis vont verdir le Farm Bill. Le nouveau président veut relancer la production étasunienne de bioéthanol et surtout construire une filière de biocarburants de seconde génération. Il ambitionne aussi le stockage de carbone dans le sol et de rendre l’agriculture globalement neutre en carbone. Joe Biden souhaite inscrire l’agriculture américaine dans la bioéconomie en créant des filières biosourcées.