CHASSE
« L’absence de régulation pourrait avoir des conséquences énormes »

Afin d’éviter la prolifération des populations de grand gibier durant le confinement, l’Etat a accordé le 31 octobre dernier une dérogation aux chasseurs pratiquant des battues. Une décision qui passe mal auprès d’une partie de la population mais qui apparaît pourtant d’utilité publique.

 « L’absence de régulation pourrait avoir des conséquences énormes »
Marc Chautan, directeur de la fédération régionale de chasse d'Auvergne-Rhône-Alpes. (Crédit : FRC Auvergne-Rhône-Alpes)

L’annonce est tombée dès le premier week-end du reconfinement national, entamé le 30 octobre dernier. Le gouvernement a décidé d’accorder une dérogation aux chasseurs leur permettant de continuer à réguler les populations de grand gibier. « Concrètement, seuls les grands ongulés comme les sangliers, les cerfs et les chevreuils peuvent aujourd’hui être abattus. Les chamois, qui font généralement peu de dégâts ne sont pas concernés par ces dérogations. Exit également le petit gibier, à l’exception du renard qui à de rares exceptions peut être chassé mais seulement en période de battue. Cela a le goût et l’odeur de la chasse mais ce n’en est pas vraiment », explique Marc Chautan, directeur de la fédération régionale de chasse en Auvergne-Rhône-Alpes.

Des enjeux financiers importants

En temps normal, le mois de novembre offre aux chasseurs leurs plus belles journées de chasse. Cette année, ils devront se limiter à une mission d’intérêt général qui au regard des enjeux financiers se révèle indispensable. Depuis 1968, ce sont en effet les chasseurs qui sont chargés d’indemniser l’ensemble des dégâts subis par les agriculteurs. « L’indemnisation des dégâts représente une enveloppe de 80 millions d’euros par an payée intégralement par les chasseurs », indique Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs. Depuis 2000, cette charge revient directement aux fédérations départementales de chasse. Pour une fédération comme le Rhône, le montant des indemnisations aux agriculteurs est d’environ 100 000 euros chaque année mais pour des territoires plus impactés, l’enveloppe se chiffre en millions d’euros. « Il était inenvisageable pour nous de payer sans pouvoir chasser et l’Etat ne souhaitait pas non plus payer à notre place. Le Gouvernement n’avait pas d’autre choix que de donner pour consigne aux préfets d’autoriser le prélèvement de grand gibier qui engendre l’essentiel des dégâts occasionnés », explique Marc Chautan. « Nous comprenons que cela puisse susciter des incompréhensions mais nous n’avons pas le choix : il faut absolument limiter les dégâts sur les forêts et les terres agricoles. L’absence de régulation pourrait avoir des conséquences énormes pour les agriculteurs comme pour les chasseurs ».

Une pratique très encadrée

« Nous ne sommes plus du tout dans de la chasse plaisir, nous remplissons seulement une mission de service public », confirme Antoine Herrmann, directeur de la fédération départementale de chasse du Rhône. Pour pouvoir chasser, les pratiquants doivent en effet cocher la huitième case de leur attestation de déplacement dérogatoire, celle qui concerne la « participation à des missions d’intérêt général sur demande de l’autorité administrative ». Ils doivent aussi penser à garder sur eux l’attestation de dérogation publiée par leur préfet et généralement valable uniquement le week-end. Une fois sur place, les consignes sont strictes pour garantir le respect des gestes barrières. « Nous sommes limités à un maximum de trente personnes et une liste nominative doit avoir été établie au préalable de manière à obtenir des dérogations pour chacun. La mairie, le commissariat, l’Office français de la biodiversité et la fédération départementale sont à chaque fois prévenus. Le jour de la chasse, les participants se donnent rendez-vous sur place, ensuite tout le monde se sépare le temps de la chasse. Une fois la chasse terminée, seules trois personnes peuvent se retrouver pour s’occuper des carcasses de gibier. Les temps de convivialité et de débriefing qui sont importants pour les chasseurs ne sont plus autorisés », raconte Antoine Herrmann.

Pierre Garcia