Fêtes
Des marchés de Noël « autrement »

La plupart des marchés de Noël ont été annulés, privant de nombreux producteurs d’un fort potentiel de ventes. C’est dans les cours de fermes que des initiatives alternatives ont fleuri aux quatre coins du département.

Des marchés de Noël « autrement »
La Ferme du Regardin au Mottier.

« Les marchés de Noël sont importants pour les producteurs qui font des produits spécifiques pour les fêtes », souligne Marion Rochas, la présidente de l’Association des producteurs fermiers du Vercors (APFV).
Sans ces temps forts festifs et commerciaux, qui s’étalent généralement sur tout le mois de décembre, nombreux sont les producteurs et artisans qui se trouvent amputés d’une grande part de leur chiffre d’affaires.
Une fois de plus, c’est dans les villages, au cœur des fermes et des ateliers, que la créativité a fait des étincelles pour proposer des alternatives, tant aux professionnels qu’à la clientèle. 

La force du collectif 

« Avec une petite équipe de producteurs, nous nous sommes motivés pour réaliser des colis de Noël, raconte la présidente de l’APFV. Nous voulions proposer quelque chose d’un peu festif à destination des habitants et des touristes. »
Dans le Vercors, le marché de Noël « Autrement », s’est donc décliné en ligne, avec deux points de retrait où récupérer les colis, à Méaudre et Auberives-en-Royans.
« C’est un système que nous avions déclenché lors du premier confinement en utilisant la plateforme de commande en ligne cagette.net. Les producteurs et les artisans se sont regroupés pour proposer un circuit de livraison. »
L’initiative de Noël a émergé en quinze jours « et beaucoup de téléphone et de mails », le temps de tout organiser. Elle est soutenue par le Parc du Vercors.
« Notre clientèle est composée essentiellement de population locale, mais nous avons aussi reçu beaucoup de commandes de paniers de la part des communes, note Marion Rochas. Quand on parle de mettre l’agriculture dans l’assiette, certains franchissent le pas. »
Car c’est la mission de la jeune association de rapprocher les habitants du Vercors d’une alimentation locale. Elle réunit une soixantaine de producteurs fermiers. « Cela nous aide de travailler ensemble. Les colis sont un exemple de ce que l’association peut apporter. J’ai envie de pousser les gens à plus de collectif. »
Les paniers de Noël du Vercors présentent des intérêts multiples car ils répondent à une demande locale, représentent une forme de solidarité avec les producteurs privés d’un moyen de commercialisation et sont une initiative née des fermes dans un esprit collaboratif.
« Tester des choses, c’est s’adapter au contexte que l’on nous impose », estime Marion Rochas, dont l’objectif est de pérenniser ces paniers tout au long de l’année. 

Faire des loopings 

Dans le Trièves aussi, les producteurs mesurent l’intérêt d’une démarche collective et innovante pour faire face aux aléas de la crise sanitaire.
La ferme Gabert, à Clelles, organise depuis 15 ans un marché de Noël à la fois en intérieur et en extérieur.
« Nous nous sommes très vite rendu compte que ça ne se ferait pas et nous ne voulions pas engager des frais pour annuler au dernier moment », explique Gaëlle Allioud-Perraud, styliste, gestionnaire du marché et épouse d’un des deux frères associés de la ferme. Elle est aussi membre de l’association la Fabrique du Trièves, qui réunit des artisans locaux et pilote le marché de Noël.
Les organisateurs ont donc décidé d’ouvrir une boutique éphémère de Noël dans une salle mise à disposition par la ferme. L’espace est suffisamment grand pour accueillir les productions d’une quinzaine d’artisans, présentées tout au long d’un cheminement, trois fois par semaine jusqu’au 23 décembre. Deux personnes assurent les ventes : un artisan et un membre de l’association.
La formule a rencontré le succès dès les premières journées d’ouverture. Le comportement de la clientèle évolue avec la nouvelle organisation, en repartant systématiquement les bras chargés.
L’agilité fait partie de l’attribut des producteurs locaux qu’ils soient artisans ou agriculteurs. « A la ferme Gabert, nous avons l’habitude de faire des loopings et des saltos, commente la styliste. Mais depuis le premier confinement, avec tous les artisans de la Fabrique, en tant que travailleurs indépendants, nous avons passé du temps à chercher des solutions. Et cela commence à être épuisant. »
Le collectif tire quelques enseignements de cette période : se concentrer sur un ou deux projets, se serrer les coudes, ne pas s’éparpiller. « Nous avons l’habitude de nous remettre en question », ajoute Gaëlle Allioud-Perraud. C’est d’autant plus vrai que le succès de la formule spéciale Covid de la boutiqué éphémère interroge. « Est-ce un nouveau souffle ? Notre marché de Noël est apprécié il y a des animations et des dégustations, mais ne pourrait-on pas imaginer une journée d’ouverture ou de clôture, ainsi qu’une boutique éphémère ? »

Une dynamique locale 

Dans les Terres froides, au Mottier, la ferme du Regardin a aussi modifié sa formule. Elle avait l’habitude de tenir son marché de Noël à l’intérieur, pendant deux journées et demie, au mois de décembre.
« Cette année, nous avons dû faire autrement et aménager le préau pour le marché de Noël sur rendez-vous », expliquent Caroline et Fréderic Lup.
Ce lieu pas comme les autres, constitué en association, est couru pour ses stages de découverte des plantes aromatiques et médicinales cultivées dans le jardin où poussent des centaines d’espèces de plantes endémiques qui ne demandent qu’à être découvertes.
Caroline Lup aime parler de la terre, des fleurs, des fruits et des légumes, des variétés anciennes, locales ou régionales qu’elle met en bocaux et concocte en recettes pour le marché de Noël.
De son côté, Frédéric Lup est un passionné de brocante et recueille des jolies pièces de services plus ou moins dépareillés pour leur donner une seconde vie.
A Noël, ces touche-à-tout ouvrent le fichier de leur association et les portes de leur ferme en pisé. Pour une première, le système de commande et de retrait sur un créneau horaire fixé selon les jours d’ouverture fonctionne plutôt bien.
« Cela correspond à une demande actuelle de consommer bio, local et éthique », relève Caroline Lup. D’autant que les revenus de la brocante solidaire servent à financer les animations botaniques dédiées aux publics spécifiques, personnes porteuses de handicap ou en difficulté.
A la ferme du Regardin, le Covid a immanquablement bouleversé les habitudes. « Nous faisons des choses que jamais nous n’aurions faites auparavant, nous avons lié des relations avec des partenaires, des sites patrimoniaux qui se trouvent aussi dans des situations inconfortables et il s’est dégagé une dynamique assez forte au niveau local », constatent les propriétaires de la ferme.
«
Il nous a fallu inventer un autre mode de vie, de vente, de travail, de communication. Le monde d’aujourd’hui, c’est s’adapter, travailler en réseau », conclut Caroline Lup. 

Isabelle Doucet 

 

 

 

 

 

Se serrer les coudes à la serre 
Cette année, les serres de l’horticulteur Saint-Jean-de-Bournay serviront uniquement au cliquer et emporter.

Se serrer les coudes à la serre 

A Saint-Jean-de-Bournay, les serres Breuil, à défaut d’organiser leur fameux marché de Noël, ont mis leurs sites à disposition des producteurs et artisans locaux.  

« Au mois de décembre, nous avons une serre vide de 500 m2 et ma femme a pensé l’utiliser pour créer un marché de Noël avec des producteurs locaux, explique Florian Breuil, horticulteur à Saint-Jean-de-Bournay. La première année, cela a bien fonctionné, la deuxième, le marché a évolué et la troisième année était exceptionnelle. Mais cette année, le marché de Noël est annulé. » 
L’horticulteur a créé son exploitation en 2017. Il produit entièrement tous ses plants (aromatiques, vivaces etc.) et attire une clientèle, principalement de particuliers, à la recherche d’une production végétale écoresponsable.
Petite originalité, l’exploitation n’est pas raccordée au réseau ERDF mais fonctionne uniquement avec de l’énergie solaire. Ce qui ne l’empêche pas d’être à la pointe de la technologie. 

Une page spéciale 

C’est ainsi qu’elle a rapidement rebondi pour organiser un marché de Noël différent, grâce à l’efficience de son site internet. « Il a été boosté en raison de la situation particulière. J’ai créé spécialement une page pour l’événement, explique l’horticulteur. Ce marché de Noël en ligne permettra à ceux qui s’étaient inscrits au marché physique de vendre. » Habituellement, la manifestation, qui se déroule début décembre, réunit une quarantaine d’exposants et près de 800 visiteurs. « C’est un moment de partage et l’occasion de nous faire connaître un peu. »
Buvette, vin chaud, vente de sapins : en recréant un marché de Noël à Saint-Jean-de-Bournay, Fanny et Florian Breuil avaient placé cette journée sous le signe de la convivialité et de la production locale. 
La mise en place du cliquer et collecter permet de maintenir une activité, mais l’ambiance sera beaucoup moins festive par la force des choses. Les ventes en ligne décollent doucement. Les produits sont à retirer jusqu’au 19 décembre.
 « Les artisans et producteurs viendront nous déposer les commandes pour que les clients les récupèrent. En revanche, ils seront présents pour tout l’alimentaire, durant un jour dédié », détaille l’horticulteur.  
Il regrette de ne pouvoir faire mieux pour l’accueil de la clientèle. Le système, à défaut de sauver le chiffre d’affaires de nombreux producteurs et artisans privés de marchés de Noël, permet au moins de les aider dans leurs ventes dans cette période cruciale d’un point de vue économique.

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