Les double-actifs sont remontés  

La fermeture des remontées mécaniques à Noël affecte tout un pan de l’activité économique montagnarde, à commencer par les fermes où la neige est un complément de revenu.  

Les double-actifs sont remontés  
Olivier Gaillard, éleveur à Méaudre et moniteur de ski indépendant. 

Le torchon brûle entre les professionnels de la montagne et le gouvernement depuis qu’ils ont été écartés du déconfinement.
Les remontées mécaniques resteront fermées à Noël, limitant l’attrait touristique des stations et grevant un pan entier de l’économie de montagnarde.
En montagne, un exploitant agricole sur cinq est double actif et le plus souvent cette seconde activité se trouve en station (1). S'ils sont moniteurs de ski, ils ont généralement un statut de travailleurs indépendants.
Cette année, c’est le coup de massue car, privés de la possibilité d’exercer leur seconde activité, c’est l’équilibre de leur exploitation qui est remis en cause.   

Une condition de reprise  

« Sans cette activité, l’exploitation ne serait pas viable. C’était une condition de reprise : avoir une activité en hiver. J’ai pris à la suite de mon père qui était aussi moniteur de ski », confie Cédric Fraux, éleveur ovin à Lavaldens et moniteur de ski à la station de l’Alpe du Grand-Serre.
Travailleur indépendant, le monitorat représente environ 25% de ses revenus.
« Je ne suis pas rattaché à une station », explique-t-il. De sorte que s’il manque de neige, il peut, comme l’an passé, travailler à l’Alpe d’Huez.
« Ma crainte, en plus de la fermeture des remontées mécaniques, c’est le manque de clientèle », indique Cédric Fraux. Qu’en sera-t-il en effet des collectifs, classes de neige et écoles si la station n’ouvre qu’à partir de la mi-janvier ?
Il a pu profiter de l’aide du gouvernement au printemps dernier, mais ne sait pas dans quelles conditions il sera éligible cet hiver.
« Cela ne compensera jamais la perte de chiffre d’affaires. Mais c’est une problématique qui touche au-delà de l’agriculture et du tourisme, tout est lié. »  

Problème de statut 

Dans le Vercors, à Méaudre, Olivier Gaillard se retrouve dans la même situation délicate.
La double-activité est un choix. « J’ai mis dix ans à passer mon diplôme de moniteur de ski. C’est très difficile quand on a une ferme à mener, mais c’est une activité qui apporte un revenu en hiver et qui permet de moins prélever sur l’exploitation et de limiter les emprunts. »
Grâce à son activité de moniteur de ski, l’éleveur laitier pouvait employer un salarié à mi-temps à l’année sur la ferme.
Au mois d’août, il a licencié cette personne mais pensait avoir recours au service de remplacement lorsqu’il serait sur les pistes.
Finalement, avec le report de l’ouverture des remontées mécaniques, cette décision a évité à l’exploitation de se retrouver en plus grande difficulté.   
Mais Olivier Gaillard est très inquiet car il craint, en tant qu’indépendant, de ne percevoir aucune aide au titre de sa perte d’activité. « J’ai un seul numéro de Siret –celui de l’exploitation - pour mes deux activités, agricole et de moniteur de ski, explique-t-il. Or, quand j’ai demandé une aide, je n’ai pas été éligible car tous mes revenus sont considérés comme agricoles. »
Un petit sondage auprès des autres moniteurs lui a fait découvrir que les autres indépendants, qui cotisent au régime général, ont bénéficié d’une aide de leur caisse.
A la MSA, le système est légèrement différent, les aides étant basées sur une exonération de cotisations.
« Mais la MSA n’est pas au courant », regrette-t-il. « Le ski, c’est ma vie. Quand on ferme la station, l’impact est énorme. »
Coopérateur à Vercors lait, il s’interroge aussi sur les ventes de fromages sur le plateau du Vercors à la veille d’une saison touristique hivernale compromise. « Beaucoup de raclettes ne se vendront pas dans les hôtels et les restaurants », redoute-t-il.   

« On pensait ouvrir le 20 décembre »  

A Méaudre, Eddy Blanc-Pâques, perchman à la station depuis 10 ans et éleveur laitier, est aussi très inquiet pour son complément de revenu.
« On pensait tous que les stations ouvriraient vers le 20 décembre, comme cela avait été négocié avec les professionnels de la montagne. »
En Gaec avec sa mère, il tire environ 25% de ses revenus de cette activité. « Le problème c’est que cela risque de mettre à mal la station qui est en régie communale et a réalisé de gros investissements. Tout le village va en souffrir, des vendeurs de ski aux restaurants. »  

« Les professionnels se sont sentis méprisés »  

« Il y avait un accord avec le Premier ministre. Les professionnels de la montagne ont travaillé sur des protocoles très stricts, rapporte Marie-Noëlle Battistel, députée de l’Isère et vice-présidente de la commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale. Une décision devait être prise autour du 15 décembre. Mais Emmanuel Macron a annoncé que les stations resteraient fermées. Les professionnels se sont sentis méprisés et estiment que la parole n’a pas été tenue. Ce que nous demandons c’est une révision des positions au regard de la situation de la crise sanitaire au 15 décembre. » 
Mais le Conseil d'Etat a douché les derniers espoirs des professionnels de la montagne.

Isabelle Doucet  

(1) Source : Insee Dossier Auvergne-Rhône-Alpes N° 1 - Juin 2017 L'économie des zones de montagne   

Le dispositif d’aide de la MSA aux indépendants

La MSA Alpes du Nord compte environ 200 chefs d’exploitations à titre principal et moniteurs de ski en activité secondaire en Isère, Savoie et Haute-Savoie.  
Selon leur activité principale, ils ont pu bénéficier des aides/exonérations prévues par la Loi de finances rectificative 3 : aide de 1 800 à 2 400 euros (17 moniteurs de ski- exploitants agricoles bénéficiaires à ce jour) ou assiette de cotisations « Nouvel Installé ». 
La MSA Alpes du Nord indique que pour accompagner les exploitations en difficultés en raison de la pandémie, elle a débloqué une enveloppe spéciale Covid-19 d’un montant de 221 000 euros.
Les 425 dossiers concernés ont été étudiés lors d’une commission ad-hoc, le 16 décembre dernier.
Cette aide sera reconduite en 2021. Elle se traduit par une déduction des cotisations. Sont plus particulièrement concernés les centres équestres, les exploitations viticoles, celles pratiquant l’accueil à la ferme et les moniteurs de ski.
La MSA Alpes du Nord a aussi débloqué une enveloppe de 430 000 euros au titre du fonds d’action sanitaire et sociale pour les personnes fragilisées par la crise sanitaire. Cette aide concerne tous les adhérents.
Pour toute information, les professionnels disposent d’une adresse spécifique : [email protected]