Les crises sanitaires, que l’élevage français et européen connait actuellement, laissent craindre une réelle baisse de la production laitière alors que le marché se porte plutôt bien. Le point avec Stéphane Joandel, éleveur bovins lait dans la Loire et secrétaire général de la fédération nationale des producteurs de lait.
La filière laitière est inquiète et ce malgré une conjoncture laitière qui, aux dires de Stéphane Joandel, éleveur laitier dans la Loire et secrétaire de la fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), « s’annonce plutôt bien. » En effet, depuis le début de l’année, toutes les notes conjoncturelles étaient formelles : la collecte rebondissait après deux années de déclin (+ 2,6 % sur un an en juin) quand le prix du lait tendait à se stabiliser. C’était sans compter sur la survenue des crises sanitaires (fièvre catarrhale ovine (FCO) et maladie hémorragique épizootique (MHE)), « des phénomènes que les éleveurs ne maîtrisent pas ». « Ces crises sanitaires que nous connaissons aujourd’hui laissent présager une perte de volume importante en Europe et en France », souligne le représentant syndical. En Allemagne, la baisse est annoncée à 3 % quand en France, « il est encore compliqué de se prononcer », souligne Stéphane Joandel. Selon des données issues d’une étude réalisées au Pays Bas, présentées par GDS France le 6 septembre lors d’un webinaire, les pertes liées à la FCO-3 sont estimées à 8 000 kg de lait pour un troupeau bovin de 100 vaches, soit une baisse de 1,2 litre par jour et par bovin.
Publier ses données
Conséquence selon le secrétaire général de la FNPL : « Le marché se tend fortement ». Alors, Stéphane Joandel en appelle aux transformateurs qui « doivent jouer le jeu ». « Au niveau national, nous n’avons aucun indicateur beurre et poudre. La volonté n’y est pas », explique-t-il arguant du fait que les transformateurs ne publient rien dans l’observatoire des prix et des marges, démarche pourtant obligatoire. « Nous sommes dans un monde où certain s’assoient sur les réglementations. Depuis la création de notre interprofession, il y a maintenant cinquante ans, rien n’a jamais changé », déplore-t-il. Côté distribution et production, les chiffres sont publiés. Les coûts de production sont affichés à 485 € / 1 000 l en zone de plaine et 571 € / 1 000 l en zone de montagne. « Ces données sont issues des comptabilités des éleveurs français et du réseau d'information comptable agricole (Rica) du ministère de l’Agriculture. Pourtant, elles sont remises en cause par l’amont de la filière. Ça n’a pas de sens. Nous avons un véritable combat à mener en ce sens et nous le remporterons uniquement si les coopératives sont à nos côtés », explique Stéphane Joandel.
Atteindre 2 smic
Pour le secrétaire général, le combat est en effet clair : il faut obtenir un « prix convenable » pour les éleveurs et ainsi leur assurer un revenu. « En 2023, nous avons atteint une moyenne de 1,6 Smic. Pour la FNPL, il est urgent que les éleveurs touchent 2 Smic. » Un revenu décent est en effet pour Stéphane Joandel un des facteurs clés qui convaincra des jeunes à embrasser le métier. Le développement du salariat sera également primordial pour attirer des bras dans l’élevage laitier. « Nous avons besoin de temps pour prendre du recul, du temps pour nous », souffle l’éleveur ligérien. Au-delà d’un prix juste et rémunérateur, le représentant syndical est également persuadé que c’est aussi par la reconnaissance du métier que le défi du renouvellement des générations se relèvera.
Promouvoir les produits de montagne
Un travail notamment mené par l’association Altitude présidée par Stéphane Joandel et qui promeut les produits de montagne. « Altitude ne concerne pas que le lait. Son objectif est de mettre en avant l’ensemble des productions issues des zones de montagne. Elles sont nombreuses sur notre région. Le dossier avance bien. Il y a une véritable volonté collective sur ce dossier au niveau des filières. Notre prochain défi est de fédérer l’ensemble des collectivités et l’association nationale des élus de la montagne (Anem) de autour de notre projet. Le Sommet de l’élevage sera une belle occasion pour les rencontrer et communiquer autour de cette initiative. Nous lancerons rapidement notre plan de communication ensuite. » L’invitation est donc lancée.
Marie-Cécile Seigle-Buyat