AVICULTURE
Influenza aviaire : le dossier de la vaccination est ouvert

En pleine flambée de l'épizootie, le ministre de l'Agriculture a annoncé le 9 janvier le lancement d'une expérimentation sur la vaccination contre l'influenza aviaire. Un chantier scientifique qui sera doublé d'un volet politique aux niveaux européen et international.

Influenza aviaire : le dossier de la vaccination est ouvert
Le ministre de l'Agriculture a annoncé le début prochain d'une phase d'expérimentation de la vaccination contre l'influenza aviaire. ©Julia Zavalishina_Shutterstock

Après quatre épisodes d'influenza aviaire en six ans, professionnels et pouvoirs publics prennent à bras-le-corps le dossier de la vaccination. Il n'y a « pas d'autre solution à terme que de se doter de la vaccination », a ainsi déclaré Julien Denormandie, en visite dans les Landes le 7 janvier. Le ministre de l'Agriculture a annoncé le début prochain d'une phase d'expérimentation de « deux vaccins, dont un issu d'un laboratoire de Nouvelle-Aquitaine », rapporte l'AFP.

« Expérimentation en milieu fermé »

Peu d'informations ont filtré à propos de cette expérimentation qui a fait l'objet d'une « réunion technique » le 12 janvier, d'après la directrice du Cifog (interprofession du foie gras) Marie-Pierre Pé. Elle sera pilotée par l'Anses, a indiqué l'Agence nationale de sécurité sanitaire. Du côté de la FDSEA des Landes, on évoque des essais « en laboratoire » lancés au « premier trimestre 2022 », avant des tests sur le terrain « en fonction des résultats ». Sans confirmer ce calendrier, Marie-Pierre Pé parle d'une « expérimentation en milieu fermé, avec suffisamment d'ampleur pour valider le vaccin ». Elle se déroulera « dans des conditions très sécurisées pour ne pas inquiéter les pays importateurs de volailles », précise-t-elle. L'un des deux vaccins candidats pourrait être produit par Ceva Santé animale, selon la FDSEA des Landes. Une information qui n'a pas pu être confirmée. Basé dans la Gironde, le premier laboratoire vétérinaire français dispose déjà d'un vaccin contre l'influenza, vendu à l'export. À ce jour, selon le ministère de l'Agriculture, « aucun vaccin adapté aux oiseaux de la famille des anatidés (palmipèdes) n'est autorisé par la Commission européenne ». En revanche, il en existe un pour les gallinacés (poulets, dindes).

Autorisation au niveau européen

« Nous sommes le premier pays européen à mettre en place une expérimentation », s'est félicité le ministre de l’Agriculture le 7 janvier. Et de préciser : « Il faudra ensuite obtenir l'homologation au niveau européen et il faudra donc que j'arrive à convaincre les autres États membres de l'intérêt de la vaccination. » L'enjeu, au niveau de l'UE ? « Avoir des candidats vaccins agréés », résume Marie-Pierre Pé, du Cifog, sachant que « pour agréer un vaccin, il faut pouvoir l'expérimenter en situation d'élevage ». Comme déjà indiqué début janvier, « le sujet va être porté par le ministre de l'Agriculture dans le cadre de la présidence française de l'UE », ajoute-t-elle. « Il faut poser ce débat, le contexte est réuni car tous les grands producteurs avicoles européens sont massivement touchés par l'influenza », explique-t-elle. L'influenza est présente dans une trentaine de pays d’Europe. « En Italie, on parle de 20 millions de volailles par terre », illustre la directrice du Cifog. Si la France semble en avance sur la vaccination, « l'Italie, les Pays-Bas et la Hongrie semblent aussi intéressés », remarque-t-elle.

Le Cifog veut « vacciner et exporter »

La question devra aussi être portée au niveau international : aujourd'hui, mettre en place la vaccination contre l'influenza revient à fermer de nombreux débouchés à l'export. Une perspective qui inquiète particulièrement les producteurs de volailles de chair ou encore les accouveurs qui dépendent de l'export pour 40 % de leur chiffre d'affaires. D'où le souhait du Cifog de « faire évoluer le champ réglementaire européen et international pour que l'on puisse vacciner et exporter ». Comme l'explique sa directrice, « l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) n'interdit pas la vaccination. La fermeture des marchés est un sujet d'échanges commerciaux et de confiance entre partenaires commerciaux. » Les pays importateurs redoutent notamment de faire rentrer le virus via des animaux vivants, mais non symptomatiques car vaccinés. Longtemps laissée de côté, la question de la vaccination contre l'influenza « ne doit pas être un sujet tabou », selon Julien Denormandie, qui la qualifie même « d’essentielle ». Lors des premiers épisodes d'influenza en 2015-2016, « nous avions des progrès à faire en matière de biosécurité », reconnaît Marie-Pierre Pé. Dans ces conditions, le recours à la vaccination s'apparentait selon elle à « mettre du fond de teint sur une peau sale ». Six ans et trois épisodes d'influenza plus tard, « ces progrès ont été faits, au prix d'investissements énormes », affirme la directrice du Cifog. Mais le virus est toujours là, et toujours aussi destructeur. D'où le changement de regard de la filière sur cet outil.

YG