Producteurs fermiers
La généralisation du Nutri-score inquiète les appellations fromagères

Alors que les pouvoirs publics et la Commission européenne pourraient rendre obligatoire le Nutri-score pour tous les aliments d’ici fin 2022, les filières fromagères sous signe de qualité montent au créneau.

La généralisation du Nutri-score inquiète les appellations fromagères
Les filières fromagères, dont celle du Picodon ou du Saint Marcellin, ont demandé à être exemptées de l’étiquetage nutritionnel Nutri-score.

« Ce projet d’étiquetage nutritionnel est complètement contradictoire avec l’essence même d’une appellation d’origine protégée (AOP) », alerte Karine Mourier, présidente du syndicat du Picodon AOP. Alors que la loi visait à inciter les industriels à revoir entre autres le taux de sucre et de sel ajoutés dans leurs produits, les états membres souhaitent aujourd’hui généraliser l’apparition du Nutri-score sur l’ensemble des aliments. Ainsi, les produits fermiers sous signes officiels de la qualité et de l’origine (SIQO) seraient directement impactés – au vu des consommateurs - puisque notés, pour la plupart, de la lettre D.
« C’est une incompréhension. On ne comprend pas l’attitude du législateur qui va privilégier les produits ultra transformés sur lesquels il sera possible de tricher sur le taux de matière grasse en mettant de l’eau pour enrichir le produit et finalement faire baisser le Nutri-score. A contrario, sur des produits traditionnels comme les nôtres, nous disposons d’un cahier des charges strict ne nous permettant pas de faire quelconque modification », rappelle Bruno Neyroud, président du comité du Saint-Marcellin.

Demande d'exemption en cours

« Il y a un fort agacement au niveau de la filière, d’autant plus qu’on a l’impression que le sujet est un peu pris à la légère », poursuit-il. « C’est un dossier capital qui remet en cause non seulement l’équilibre économique de nos exploitations mais aussi l’aspect social et environnemental », témoigne quant à lui Jean-Luc Duclos, président de l’association des fromages traditionnels des Alpes Savoyardes (AFTAlp). Car aujourd’hui, la notation du Nutri-Score s’établit sur une base de 100 grammes. Or, un citoyen consomme en moyenne une portion de fromage de 30 grammes par jour. « Cet étiquetage serait donc extrêmement réducteur pour nos filières », prévient Karine Mourier. « Nous tenons à ce que nos produits sous SIQO soient respectés », demande Jean-Luc Duclos. D’autant plus qu’à terme, les produits notés C, D et E n’auraient plus le droit de faire l’objet de publicité. « Communiquer sur nos pratiques ancestrales nous permet de mettre en valeur le travail de toute une filière. J’espère rapidement une prise de conscience des pouvoirs publics », confie Bruno Neyroud.

Face à la concurrence des industriels

Regroupées autour du Conseil national des appellations d’origine laitières (CNAOL), les AOP et IGP laitières essaient de se faire entendre auprès des politiques. Le comité du Saint-Marcellin a par exemple interpellé la députée de la 9e circonscription de l’Isère, Elodie Jacquier-Laforge qui a longuement plaidé la cause des producteurs à l’Assemblée nationale.
Depuis, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a appelé à revoir la méthodologie du système d’étiquetage. « Nous allons également mener une action collective avec le Conseil national des appellations d’origine laitière (Cnaol) devant l’Assemblée nationale », évoque Karine Mourier. «Les différentes AOP et IGP se rassembleront pour demander une révision de cette loi de manière à inclure une mention des bienfaits nutritifs que peuvent apporter ces produits du terroir. « Pour l’heure, la profession a demandé à être exemptée de cet étiquetage nutritionnel », indique Karine Mourier. Dans l’attente, et si la loi devait passer en l’état, la filière
fromagère se retrouverait profondément en difficulté : « La filière risque d’exploser », s’inquiète Jean-Luc
Duclos, quant au risque de voir des producteurs baisser les bras.

Amandine Priolet