Analyse
Le Nutri-Score prend-il soin de notre santé ?

Entretien avec Inès Chassignole, diététicienne-nutritionniste à Châtillon-sur-Chalaronne (Ain). Elle ne considère pas le Nutri-Score comme le seul indicateur à prendre en compte.

Le Nutri-Score prend-il soin de notre santé ?
Inès Chassignole, diététicienne-nutritionniste à Châtillon-sur-Chalaronne (Ain), ne considère pas le Nutri-Score comme le seul indicateur à prendre en compte.

Le Nutri-Score, logo élaboré en 2017 par Santé publique France à la demande du ministère de la Santé et des Solidarités, indique la qualité nutritionnelle des aliments sur la base de deux composantes : des facteurs nutritionnels à limiter (acides gras saturés, sucres simples et sel) et des facteurs nutritionnels à favoriser (fibres, protéines, fruits et légumes, légumineuses et fruits à coque). Ce logo, pour l’heure non-obligatoire pour les industriels, accorde à ceux qui souhaitent l’utiliser des notes allant de A à E accompagnées d’un code couleur, du vert pour les produits les mieux notés au rouge pour les moins bien classifiés.

Quid du degré de transformation ?

Pour Inès Chassignole, diététicienne-nutritionniste à Châtillon-sur-Chalaronne (Ain), « le beurre, la crème et les fromages qui sont des aliments gras obtiennent par nature un mauvais score. Mais s’ils sont consommés de manière raisonnable, d’un point de vue nutritionnel ils sont bien meilleurs qu’un plat industriel allégé en matières grasses qui obtiendra un Nutri-Score A ou B mais qui aura un degré de transformation catastrophique. Il ne faut pas oublier que le corps humain a besoin de bons gras pour fonctionner ».
Par ailleurs, le Nutri-Score, qui est calculé sur la base de 100 grammes de produit, ne donne aucune information ou suggestion sur les quantités « convenables » à consommer. Il ne prend pas non plus en compte le niveau de transformation des produits, c’est-à-dire la présence d’additifs, tels que les arômes artificiels, les gommes ou les exhausteurs de goûts. « Je le trouve beaucoup trop clivant et en aucun cas, il doit être le seul critère à l’achat. Il ne permet pas une lecture complète et honnête. Le message nutritionnel est donc brouillé », soutient la nutritionniste.
Ce logo, qui ne concerne à ce jour que les produits transformés, pourrait être généralisé à tous les produits, (y compris aux produits bruts) d’ici fin 2022 dans tous les pays de l’Union européenne, notamment les produits fermiers. « Un fromage AOP gras et salé pourrait être moins bien noté qu’un équivalent industriel. C’est un non-sens. Ou le Nutri-Score évolue et prend en compte le processus de transformation des produits, ou il doit se limiter à des aliments exclusivement transformés, auquel cas sa vocation devrait à mon sens se limiter à comparer deux produits équivalents », ajoute la nutritionniste.

Quelles solutions ?

En l’absence d’une recherche d’informations plus approfondie de la part du consommateur, cet étiquetage peut donc « l’induire en erreur » et « le mettre en porte-à-faux », selon Inès Chassignole. « Un bon nombre de patients que je suis pour des problèmes de surpoids ou de troubles alimentaires n’achètent un produit que s’il a un bon Nutri-Score. Tous les jours, je fais de la pédagogie sur ce logo en expliquant qu’il ne doit pas être pris comme seul critère d’achat. Le problème, c’est qu’aujourd’hui on scanne les emballages et on attend de ce scan une validation de nos achats », regrette-t-elle.
Yuka, application basée sur le Nutri-Score mentionnant en plus la présence d’additifs à éviter, reste moins exhaustive que Siga, application basée sur la classification Nova mentionnant en plus du degré de transformation, de 1 à 4, le type d’additif(s) détecté(s). « J’ai tendance à renvoyer plutôt vers cette application qui a pour défaut d’avoir moins de produits référencés. À titre d’exemple, un plat préparé de pâtes bio d’une marque de distributeur bien connue obtient un Nutri-Score A mais totalise un indice Nova 4 qui indique une ultra-transformation », souligne-t-elle.
Et ce très bon Nutri-Score saute aux yeux des consommateurs malgré la présence de gélifiant, d’acide citrique et de chlorure de sodium. Les conseils de base que la nutritionniste donne à ses patients dépendent avant tout du simple bon sens : « Privilégiez vos courses au marché, optez pour des produits locaux et des labels reconnus, cuisinez le plus possible vous-mêmes avec des produits bruts. Et si le temps vous manque et que votre budget ne vous le permet pas, ayez le réflexe de retourner les emballages et de lire la liste des ingrédients. Si elle est interminable, ne vous attardez pas ! »

Alison Pelotier