Selon l’Association générale des producteurs de blé (AGPB), l’instabilité institutionnelle empêche les céréaliers de bénéficier des soutiens financiers promis depuis près d’un an par les gouvernements successifs.

L’été dernier, l’effondrement de près de 30 % de la production de céréales d’hiver, comparée à 2023, a impacté de 0,2 point la croissance économique de la France. En 2022, les exportations de céréales avaient dégagé un excédent commercial de près de 11,5 Mds d’€. Depuis, il diminue chaque mois, en raison des chutes successives des cours puis de la production de céréales d’hiver disponible à l’export. Dans les exploitations céréalières (Otex - COP- céréales oléoprotéagineux), la situation économique affole. L’an passé, le revenu disponible a été négatif. Déjà en 2023, il n’avait pas excédé 5 500 € selon le service de la statistique et de la prospective.
Premières victimes
Depuis deux ans, le chiffre d’affaires des céréaliers est à la fois amputé par la faiblesse des prix des grains, par la baisse des rendements et par des frais logistiques et d’allotement croissants (40 €/t). Or le coût de production moyen d’une tonne de blé est de 309 € selon l’Observatoire Arvalis/Unigrains. Aussi, les céréaliers de l’AGPB entament la nouvelle année avec le moral dans les chaussettes en se demandant comment « ils pourront se refaire », a déclaré Éric Thirouin, président de la section spécialisée de la FNSEA dans une conférence de presse le 14 janvier à Paris. En attendant, la trésorerie des exploitations céréalières est exsangue. Selon l’AGPB, les producteurs de blé font partie des premières victimes de l’instabilité institutionnelle dans laquelle est plongé notre pays. Les prêts bonifiés de 1,75 % (1,5 % pour les jeunes agriculteurs) commencent à être distribués. Mais les prêts de consolidation nécessaires pour restructurer les dettes garanties à 70 % par la Banque publique d’investissement (50 000 € ou 120 000 €) seront disponibles lorsque le projet de loi de finances 2025 sera voté par le Parlement. Ce qui n’est pas prévu avant la mi-février. Par ailleurs, aucun Fonds d’allègement des charges n’est prévu pour les agriculteurs les plus en difficultés. Enfin, l’AGPB ne comprend pas pourquoi la France n’a pas sollicité la Commission européenne pour lui allouer une partie de la réserve de crise de 450 M€ budgétisée chaque année.
Signes d’inquiétude
Par ailleurs, en continuant de réduire le nombre de substances actives, les céréaliers n’ont plus les moyens de produire des céréales abondantes et de qualité. Or les céréaliers redoutent l’été prochain une nouvelle récolte catastrophique car les conditions de cultures sont loin d’être optimales. L’Avadex, le produit de désherbage à base de Triallate commercialisé par la société Gowen, a été retiré du marché alors que son successeur n’est toujours pas homologué par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Déposé il y a trois-quatre mois, le dossier d’homologation ne s’est toujours pas vu affecter un numéro de dossier ! Or la nouvelle formulation de l’Avadex (formulation et préconisation) fait partie des produits prioritaires, identifiés par le ministère de l’Agriculture, qui doivent rapidement être homologués pour que les céréaliers aient les moyens de maintenir leurs parcelles propres.« L’Anses affirme avoir besoin de temps pour traiter les nombreuses homologations qui lui sont soumises », rapporte Éric Thirouin. « En même temps, elle n’accepte pas de reconnaissances mutuelles des produits. Or en Espagne et en Italie, la nouvelle formulation de l’Avadex est validée depuis des années. » Autre signe d’inquiétude récurrent des céréaliers de l’AGPB : la concurrence ukrainienne sur le marché européen. La section spécialisée de la FNSEA souhaite que la Commission européenne réinstaure au mois de juin prochain le retour à l’accord d’association de 2016. Il limite à 900 000 tonnes les importations de blé à droits de douane nuls et au-delà, il instaure une taxe de 95 € /t. Les 600 plus grandes holdings ukrainiennes cultivent quasiment autant de blé (5,5 Mha) que de céréales en France (6,3 Mha).
Actuagri