Actu vue par Christian Giroud
Ouverture des commerces non essentiels : " Un geste politique d’alerte "
Avec un groupe d’élus de communes du Nord-Isère, il a pris un arrêté municipal en faveur de l’ouverture des commerces « non-essentiels », que le tribunal administratif a suspendu.
Dans quelles conditions avez-vous pris cet arrêté en faveur de l’ouverture des commerces de votre commune ?
Mes motivations étaient simples face à un problème d’équité et un problème moral. A l’annonce du confinement, les conditions ne me paraissaient pas équitables au niveau territorial. J’estimais qu’il y avait un traitement de faveur des grandes surfaces et une distorsion de concurrence envers les petits commerces. De plus, aucune mesure de contrainte sanitaire n’avaient été donnée aux grandes surfaces alors que les petits commerces appliquent les gestes barrière, ce qui est une deuxième distorsion. En tant qu’élu de la République, il était donc indispensable de faire passer le message au sommet de l’Etat afin de corriger cette situation.
Comment cela s’est-il passé ?
J’ai été un des premiers à prendre cet arrêté le samedi 31 octobre, mais ce n’est pas une décision isolée. Nous l’avons prise avec les maires de Crémieu, l’ancien député Alain Moyne-Bressan, Frédéric Vial, le maire de Morestel, Daniel Michou, le maire des Avenières-Veyrins-Thuellin et Benjamin Gastaldello, maire des Abrets-en-Dauphiné. En tant que maires de communes rurales, notre objectif était d’envoyer un signal direct car nous ne nous sentions pas entendus par les députés locaux. Mais nous sommes légalistes. Nous étions conscients de la limite juridique de l’arrêté. C’est un geste politique d’alerte pour dire « depuis là haut, regardez comment fonctionne le bas ». C’est notre rôle d’élu de terrain.
Le tribunal administratif a décidé la suspension de ces arrêtés, au motif qu’ils ne peuvent s’opposer à un décret. Qu’en pensez-vous ?
Cela prouve que ces arrêtés, bien qu'illégaux, ont permis au Premier ministre de rétablir une forme d’équité. Ce qui s’est produit dès le dimanche soir, sous la pression des maires. De nouvelles mesures devaient être applicables comme la fermeture de certains rayons des supermarchés. Dès lundi, j’avais informé la sous-préfecture que je retirais l’arrêté car le Premier ministre avait fait un geste. La décision du tribunal administratif est arrivée le mardi.
Comment les commerçants ont-ils accueilli votre position ?
Ils ont montré une grande satisfaction quant à l’acte que nous avons porté. La cohésion sociale, c’est écouter, comprendre et être solidaire notamment quand il existe une injustice. Et les élus locaux ont fait preuve de beaucoup de solidarité en prenant ces arrêtés.
Quelle est la situation des commerces dits « non essentiels » dans les villages ?
D’un point de vue pratique et sur le plan local, ils nous font part de leurs craintes. Mais il s’est créé une solidarité entre les commerçants sous l’égide de la présidente de l’union commerciale. Il y a à Montalieu une trentaine de commerces concernés. Ils font tous du clic and collect. Ceux qui peuvent être ouverts font dépôt pour ceux qui sont fermés.
Comment vivent-ils ce deuxième confinement ?
Le premier confinement était beaucoup plus dur et les gens se sont autodisciplinés. Il a été d’autant mieux accepté que tout le monde était logé à la même enseigne. Mais pour ce deuxième confinement, avec la mise en avant du lien économique, les règles sont devenue complexes et les gens sont perdus. Pour les personnes qui exercent une activité commerciale, c’est compliqué de comprendre qu’on ne peut pas acheter un produit dans un lieu où sont respectés des gestes barrière, mais qu’on peut l’acheter là où il existe un plus grand risque sanitaire.
Propos recueillis par Isabelle Doucet