Formation
Une loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel pour booster l'apprentissage

Isabelle Brenguier
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Reconnu comme véritable tremplin vers l’emploi, l’apprentissage vient d’être réformé. Retour sur les changements encourus par une formation qui a fait ses preuves.

Une loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel pour booster l'apprentissage
Photo d'archive. Pour favoriser sa promotion, l'apprentissage vient d'être réformé.

Mise en œuvre le 1er janvier 2020, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a bouleversé l’univers de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Auparavant géré par les régions et les chambres consulaires *, l’apprentissage est aujourd’hui piloté par les branches professionnelles et financé par les Opco (opérateurs de compétences).
« Pour le législateur, l’objectif était de donner à ce mode de formation une logique de filière qui favoriserait sa promotion et son développement », indique Arnaud De Crozals, conseiller entreprise à l’Ocapiat (l’Opco pour la coopération agricole, l’agriculture, la pêche, l’industrie agroalimentaire et les territoires).
Car l’ensemble des acteurs de l’apprentissage l’assurent, « c’est une formation d’excellence qui prépare de façon très concrète au monde du travail et qui garantit une meilleure employabilité que la voie classique ».

Surcharge administrative

Pris de court par cette réforme, les différents opérateurs ne se risquent pas à dresser un bilan après seulement une année de pratique.
D’autant qu’avec la crise sanitaire et le confinement du printemps, l’année écoulée a été compliquée et n’a pas aidé à la mise en place des changements.
Mais quelques constats sont partagés.
Dans le secteur agricole, si les établissements de formation ont perdu leurs deux interlocuteurs privilégiés - la chambre d’agriculture et la région Auvergne-Rhône-Alpes - ils estiment que la transition avec l’Ocapiat, l’Opco en charge maintenant de l’instruction et du financement des contrats, à qui il faut fournir le contrat d’apprentissage, la convention de formation avec l’entreprise et les états de présence de l’apprentis, se passe plutôt bien.
D’autant que la chambre d’agriculture reste présente pour l’accompagnement des employeurs qui le souhaitent.

Mais dans les autres secteurs d’activités, la traduction sur le terrain de la réforme se révèle beaucoup plus compliqué.
« Selon l’Opco auquel adhère l’entreprise qui embauche l’apprenti, nous devons faire face à des procédures et à des dossiers différents », explique André Roux, directeur de la MFR de Chatte.
« Normalement, ce sont elles qui doivent s’acquitter de cette tâche, mais en milieu rural, il s’agit souvent de petites structures qui n’ont pas de services de ressources humaines. Nous les aidons de notre mieux mais cela occasionne une surcharge pour tout le monde », ajoute-t-il.
Agnès Saulet, responsable apprentissage de la MFR « La grive » à Bourgoin-Jallieu, partage le même constat. « Jusqu’à l’année dernière, la gestion des contrats se faisait facilement. Mon intervention n’était nécessaire que pour quelques-uns. Cette année, pour pallier les difficultés rencontrées par les entreprises, j’ai dû m’en occuper de plus de la moitié. C’était extrêmement lourd ».
« Mais ce n’était que la première année de mise en œuvre de la réforme. Pour savoir si son objectif, qui est que les entreprises soient davantage actrices de l’apprentissage, est atteint, il faut attendre », tempère-t-elle.

Dynamique de territoire

Le financement de l’apprentissage à la personne plutôt qu’à la classe comme cela était le cas auparavant est un des autres changements soulignés par les centres de formation isérois.
« Ce fonctionnement porté par les régions, favorisait une dynamique de territoire et garantissait un principe d’équité entre eux », précise Danielle Cuchet, conseillère apprentissage à la chambre d'agriculture de l'Isère.
Ainsi, certains acteurs craignent que cette nouvelle organisation desserve le monde rural. A l’image d’André Roux : « Les CFA (centres de formation d’apprentis, ndlr) ruraux forment des jeunes parfois issus de familles modestes. Ils contribuent avec les entreprises locales à assurer une dynamique, un maillage, qui jouent un rôle important en matière d’emploi dans les territoires. Il ne faudrait pas qu’ils soient mis en péril si certaines années les effectifs devaient s’amenuiser ».

*chambres de commerce et d’industrie, chambres des métiers et d’artisanat et chambres d’agriculture

En pratique

  • L’apprentissage est désormais possible pour les personnes âgées de 16 à 29 ans révolus.
  • Il peut être d’une durée minimale de 6 mois (contre 12 auparavant pour qu’il corresponde à un cycle de formation.
  • La rémunération des apprentis a augmenté et une aide d’État de 500€ pour financer les permis de conduire des apprentis majeurs a été prévue.
  • Les conditions de rupture de contrats pour les deux parties sont facilitées.
Les parcours individuels favorisés par la réforme de l'apprentissage
Caroline Barbé est en deuxième année de BTSA « Productions animales au CFPPA de La Côte-Saint-André.

Les parcours individuels favorisés par la réforme de l'apprentissage

L’apprentissage est vu par l’Etat comme « une alternative pédagogique porteuse d’avenir ». Dans sa réforme mise en œuvre l’année dernière, il est prévu que les parcours soient plus individualisés qu’ils ne l’étaient. « Avant, les jeunes qui suivaient nos formations bénéficiaient tous des mêmes cours. Aujourd’hui, ils doivent être davantage adaptés au parcours de chacun », explique Fanny Poirier, directrice du service apprentissage et formation au CFPPA de La Côte-Saint-André. Et de préciser : « Dans nos groupes, nous avons des personnes aux profils et aux parcours très différents. En BTS (Brevet de technicien supérieur, ndlr), nous comptons des élèves déjà titulaires d’un autre brevet. Grâce à la réforme, Ils peuvent prétendre au diplôme en une année au lieu de deux, en ne suivant que les enseignements dont ils ont besoin. Cela leur permet d’acquérir le diplôme et l’expérience professionnelle qu’ils sont venus chercher. Même si cela nécessite à notre équipe d’être disponible, ouverte et engagée, c’est plus intéressant pour les élèves ».

Plus global

Le parcours de Caroline Barbé, étudiante de 24 ans en BTSA « Productions animales » au CFPPA de La Côte-Saint-André, illustre ce nouveau fonctionnement. Malgré un BTS « Design graphique » en poche, la jeune femme ne se voyait pas « travailler dans un bureau devant un ordinateur ». Elle a donc cherché à construire un nouveau projet professionnel correspondant davantage à ses valeurs et à ses envies. Après avoir exercé quelques petits boulots, Caroline Barbé a voulu revenir vers le monde agricole qu’elle connaît bien puisque son beau-père est éleveur de faisans et de perdrix. Elle a donc cherché à faire une alternance entre un cabinet vétérinaire et le CFPPA de La Côte-Saint-André en intégrant directement la deuxième année de BTS. L’expérience, qui a débuté en septembre 2020, s’est mal déroulée et n’a pas pu être menée à son terme. Mais, volontaire et déterminée, Caroline ne s’est pas avouée vaincue. Avec le soutien de l’équipe du CFPPA, elle a cherché un autre maître d’apprentissage. Aujourd’hui, elle travaille chez Nicolas Champurney, dans une exploitation ovin viande à Claix… et elle est ravie. « Ma première expérience de l’apprentissage a été décevante. Mais j’ai bien rebondi. Je travaille maintenant dans une exploitation dont je partage les valeurs, avec un maître d’apprentissage intéressant et pédagogue. Je suis contente de me lever le matin pour aller travailler. J’ai le même ressenti que mes camarades de classe qui ont toujours hâte de retourner en entreprise. Et le concept même de l’alternance est hyper intéressant, car on apprend sur tous les plans. La théorie dispensée en cours prend tout son sens quand on est en entreprise. L’apprentissage est beaucoup plus global qu’en formation continue. Je regrette même de ne pas y avoir goûté avant », assure-t-elle, enthousiaste. Fanny Poirier estime que « Caroline Barbé ne serait pas forcément repartie suivre une formation classique, mais grâce à l’alternance, elle a pu suivre sa voie ».

IB