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Le Département de l'Isère a dévoilé son nouveau schéma directeur de l'autonomie et du handicap

Isabelle Brenguier
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En dévoilant son nouveau schéma de l’autonomie et des handicaps pour la période 2022-2026, le Département de l’Isère s’est montré ambitieux. Il veut casser les représentations et les usages pour favoriser le bien-être et le bien vieillir de tous les isérois.

Le Département de l'Isère a dévoilé son nouveau schéma directeur de l'autonomie et du handicap
La population va vivre plus longtemps. Et seuls 20 % sera dépendante.

« L’affaire de tous ». C’est ainsi que Jean-Pierre Barbier, président du Département de l’Isère, a présenté la question de l’autonomie et des handicaps, à l’occasion du lancement du nouveau schéma directeur pour la période 2022-2026, le 11 mai dernier, à Alpexpo à Grenoble.

Devant de nombreux usagers, familles, professionnels du secteur médico-social, élus, et agents du Département, la collectivité a appréhendé cette question de façon globale et audacieuse.

Selon des données issues de l’Insee *, « la population des plus de 60 ans va augmenter de 38 % d’ici à 2040, autrement dit près d’un tiers de la population iséroise aura plus de 60 ans, ce qui représente plus de 120 000 personnes. Quant aux plus de 75 ans, leur nombre va doubler d’ici 2050. Nous allons donc vivre plus longtemps. C’est une bonne nouvelle. D’autant que seulement 20 % des personnes âgées seront confrontées à la dépendance », assure ainsi l’élu. « Pour autant, ce sont de ces personnes dont il faut que nous nous occupions en priorité », ajoute-t-il.

Rassembler les politiques

Chef de file de l’action médico-sociale, le Département a profité de la mise en œuvre de ce nouveau schéma pour rassembler l’ensemble des politiques déployées en faveur des personnes âgées et en situation de handicaps (enfants et adultes).

« Nous avons fait le choix d’une structuration des actions à mener durant les cinq années à venir caractérisée par trois moteurs qui sont « anticiper, innover, accompagner ». Le schéma a pour objectifs concrets de changer les représentations, donner du pouvoir d’agir aux personnes et à leurs proches aidants, d’innover et de proposer des solutions adaptées à chaque parcours de vie, ainsi que de soutenir et de valoriser les acteurs de l’autonomie au profit de la qualité de l’offre de service », explique ainsi le président du Département.

Renforcer la prévention

L’ambition de la collectivité est de rendre l’usager encore plus autonome et de faire en sorte qu’il soit bien intégré dans la société, qu’il puisse aussi conformément à ses souhaits, rester autant que possible à son domicile. « Cela se fera en prévenant la dépendance, en développant des activités en lien avec la culture, l’alimentation, le sport, en apportant un soutien renforcé aux aidants, en adaptant les domiciles pour permettre aux personnes d’y rester, en créant un sentiment de « chez soi » grâce à une offre de logement intermédiaire et innovant comme l’habitat inclusif, l’accueil familial... », détaille Delphine Hartmann, vice-présidente du Département en charge de l'autonomie et des handicaps.

« De nombreuses actions de ce type sont déjà déployées dans le territoire. Nous savons que les interventions mises en place précocement permettent d’identifier des difficultés et évitent la survenance d’obstacles définitifs. Mais peut-être ne sont-elles pas suffisamment connues. C’est pourquoi, nous allons renforcer notre action de prévention en favorisant un accès clair et facilité à l’information pour les publics et les professionnels, en lien avec un rôle d’animation des services autonomie du Département dans les territoires », ajoute encore l’élue.

Faire preuve d’innovation

Mais toutes les personnes âgées ne pourront pas rester chez elles jusqu’au bout. Aussi, le Département a-t-il créé de nouvelles places en Ehpad (Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) et a rénové des structures existantes. La collectivité somme les acteurs concernés à faire preuve d’innovation, à se faire accompagner, pour que les personnes qui rejoignent ces hébergements arrivent à « reconstruire leur « chez elle » ailleurs ».

« Car quand les personnes sont mieux, elles ont moins de troubles », certifie Fanny Cerese, docteur en architecture. Du coup, au moment de construire ces logements ou de les rénover, il convient de se poser la question : « Est-ce qu’on fait un espace de travail dans lequel des gens vivent ou est-ce qu’on fait un espace de vie dans lequel il y a des gens qui travaillent ? C’est une vraie question de culture », interroge-t-elle.

Actions opérationnelles

Pour construire ce schéma qui l’engage, le Département a recueilli la parole de tous les principaux intéressés. Il a donc mis en place une consultation, organisée autour de 28 ateliers et deux enquêtes, de façon à collecter les avis et réflexions de 1 870 personnes et entités réparties entre personnes âgées, porteuses de handicap, aidants, associations, collectivités, gestionnaires d’établissements…

Selon Delphine Hartmann, « il s’inscrit dans la continuité de ce qui était déjà fait mais s’adapte à la société qui évolue. En aucun cas, il ne sera figé jusqu’en 2026. Nous avons fixé des orientations qui répondent aux attentes des isérois, qui se déclinent en actions opérationnelles, et qui feront l’objet d’une évaluation régulière. Car sans cela, il nous sera impossible de vérifier que notre politique est bien en phase avec les besoins ».

Jean-Pierre Barbier se dit conscient de l’ampleur de la tâche. « Elle ne sera pas facile à accomplir. Lorsqu’on est collectivité, association, lorsqu’on a fait la même chose pendant des années, il n’est pas facile de faire autrement. Mais il faudra le faire et le faire ensemble, pour que les parcours gagnent en fluidité », enjoint-il.

* Institut national de la statistique et des études économiques

Isabelle Brenguier

 

« On est fun quand on est vieux »
Jean-Pierre Barbier, président du Département, aux côtés de Raymond Merle, docteur en sciences de l’éducation et directeur du Département universitaire Grenoble et Alexandre Jost, délégué général de la Fabrique Spinoza, le 11 mai à Grenoble.

« On est fun quand on est vieux »

La société a tout à gagner à porter un regard plus positif et plus respectueux sur ses aînés. Des experts l’ont démontré à l’occasion du lancement du schéma de l’autonomie et des handicaps du Département.

Changer le regard de la société sur les personnes âgées et handicapées, est l’un des objectifs du Département. Alors, pour casser les stéréotypes, la collectivité s’est rapprochée de la Fabrique Spinoza *.

Alexandre Jost, délégué général de la structure, a profité de la rencontre qui dévoilait le nouveau schéma de l’autonomie et des handicaps, pour casser les clichés de la vieillesse, assurant, statistiques à l’appui, que les personnes âgées, aussi, étaient heureuses. « La proportion des personnes âgées dépendantes n’est que de 20 %. Celle des jeunes qui font du sport est la même que chez les plus de 60 ans. Cognitivement, nous avons une capacité à produire des neurones à n’importe quel âge. Les seniors ont autant de désir et d’intensité que les autres classes d’âge, plus d’intelligence, et elles génèrent aussi plus d’ocytocine », expose-t-il.

« Alors, arrêtons d’avoir des clichés. On est fun quand on est vieux. Je connais des influenceuses et des streameuses (personnes retransmettant en direct ses parties de jeux vidéo) de 86 ans. Et changeons le regard que nous leur portons. Car un regard négatif est nocif pour notre épanouissement et pour notre santé. Il enlève de la confiance en soi. Si je porte un regard positif sur moi-même, soutenu par celui de mes proches, je peux gagner 7,5 années de vie », avance-t-il.

Quant à Raymond Merle, docteur en sciences de l’éducation et directeur du Département universitaire Grenoble, il encourage plus que vivement les personnes qui avancent en âge à voir du monde et à éviter la solitude. « A 50 ans, la qualité des liens humains est un meilleur prédicteur que le taux de cholestérol », soutient-il.

Un métier sexy 

Ce changement de regard favorisera le recrutement et la fidélisation du personnel. Alexandre Jost l’assure : « Quand on entend des auxiliaires de vie dire : « J’ai le bonheur de m’occuper de personnes âgées. C’est un métier qui a du sens, qui est sexy, et qui contribue à maintenir la richesse d’une personne », cela donne envie de l’exercer ».

Forts de ces considérations, ayant eux-mêmes rencontrés des professionnels heureux dans leur métier, Jean-Pierre Barbier et Delphine Hartmann assurent vouloir davantage leur donner la parole et les valoriser. Cela en organisant des rencontres avec Pôle Emploi et au sein d’établissements scolaires, ou des initiatives comme les trophées des services à la personne, qui mettent en valeur ces métiers et les nombreux salariés qui les exercent.

* La Fabrique Spinoza est un think-tank économique et politique qui a pour but d'organiser et de promouvoir une recherche et une réflexion démocratique sur le bien-être citoyen, et de formuler des propositions sociétales ou citoyennes le favorisant.

IB

« Remettre de l’humain et de la vie »

Étudiante en psychologie à l’Université Grenoble Alpes, en stage à l’Ehpad Reyniers à Grenoble, Louise E., constate tous les jours que les personnes âgées sont encore pleines d’aptitudes. Pourtant, autour d’elles, l’attention se focalise davantage sur leurs pertes que sur leurs capacités restantes. « Oui, effectivement, il y a des choses qu’elles ne peuvent plus faire, mais il y en a encore beaucoup d’autres qu’elles font très bien. Ce n’est pas parce qu’elles ont des troubles cognitifs qu’elles ne peuvent plus rien faire », assure-t-elle.

Et de citer en exemple une résidente atteinte d’aphasie mais la meilleure en mots croisés… « Il faut trouver un terrain sur lequel les personnes se sentent à l’aise et peuvent agir sans difficulté, rester dans la continuité de ce qu’elles ont été auparavant. C’est ce qui leur permet de ne pas se mettre en détresse. Car c’est lorsqu’elles sont mises en difficulté qu’elles sont prises d’angoisse. Alors que naturellement, elles ont plutôt tendance à voir le bon côté des choses », préconise-t-elle, au regard de ses études.

Du haut de ses 22 ans, grâce à ses différentes expériences en tant que stagiaire et bénévole au sein de l’association « Positiveminders » *, Louise estime qu’« il est très gratifiant d’être aux côtés des personnes âgées, qu’elles sont très reconnaissantes de ce que l’on peut faire pour elles. Ce n’est pas du tout déprimant. Au contraire, il s’agit de remettre de l’humain et de la vie dans des moments compliqués. Et ça, c’est sexy. On se sent vraiment utile », certifie-t-elle.

* « PositiveMinders » est une organisation qui a pour mission de lever les barrières à la mise en place de soins précoces et inclusifs pour toutes les maladies psychiques.

IB