Environnement
L’engagemement de l'EARL Luc-Pupat pour favoriser la biodiversité et diminuer son empreinte carbone
Mathieu Luc-Pupat a engagé son élevage allaitant dans le label bas-carbone. Il a été lauréat de la Chambre d’agriculture de l’Isère dans le cadre du Prix de l’excellence agricole et rurale organisé par Terre Dauphinoise.
Mathieu Luc-Pupat aime aller de l’avant. C’est ce qui l’a conduit à engager précédemment son exploitation de polyculture-élevage –l’EARL Luc-Pupat- dans la labellisation HVE (1) et dans le dispositif PSE (2).
C’est aussi ce qui l’a amené à intégrer le « bas-carbone », ce label consistant à rémunérer les changements de pratique mis en œuvre par les agriculteurs pour faire diminuer les émissions de gaz à effet de serre de leur exploitation.
Conscient de l’environnement dans lequel il évolue, Mathieu Luc-Pupat veut faire en sorte que sa ferme réponde aux attentes des consommateurs et aux enjeux du moment, notamment sur le plan climatique. « Ils s’annoncent suffisamment importants pour qu’on s’y prépare. Il y a des adaptations à mettre en place. En m’intégrant dans cette démarche, je peux faire un état des lieux me permettant de savoir où j’en suis et de réfléchir aux améliorations potentielles », explique l’éleveur.
250 mètres de haies
D’autant qu’il avait plusieurs projets à concrétiser. Il a engagé l’EARL dans le méthaniseur de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs pour acheter moins d’engrais minéraux. Il a augmenté la part d’intercultures dans ses surfaces. Il a diminué l’usage des produits phytosanitaires. Il intègre davantage les prairies temporaires dans la rotation de ses cultures. Et il a planté 250 mètres de linéaires de haies.
« Ce sont des orientations qui ont du sens et vont ensemble. Elles concourent à capter du CO₂ et à favoriser la biodiversité. Cela ne me dérange pas d’avoir des surfaces moins productives si je contribue à cela. Et c’est encore mieux si ces changements sont valorisés », explique-t-il.
5 075 euros
La valorisation de ces changements, c’est tout l’intérêt de ce dispositif. Car il lui permet de financer des pratiques et des investissements qu’il avait déjà prévu.
Grâce au bilan carbone réalisé par la Chambre d’agriculture de l’Isère sur l’exercice 2021 avec le logiciel « CAP'2ER » (3), l’agriculteur a appris que sa ferme avait un bilan net des émissions de gaz à effet de serre de 4 247 kg éq. CO₂/ha, soit 13,4 kg eq. CO₂/kg de viande vive produit.
Les changements opérés devraient lui en faire économiser 147, soit lui permettre une baisse de 16 %. Au terme des cinq années d’engagement, il devrait ainsi percevoir une rémunération minimum de 5 075 €. Mais un premier point de situation sera fait à mi-parcours, en 2025.
« Je m’attendais à un peu plus… Mais c’est déjà ça », reconnait l’éleveur, qui espère que les résultats finaux soient plus importants que ceux prévus. « Je considère que l’agriculture a déjà fait beaucoup d’efforts en matière d’environnement, bien plus que d’autres secteurs d’activités… Et je sais qu’elle en fera encore beaucoup. Alors je trouve intéressant qu’ils soient rémunérés », précise-t-il.
60 charolaises et 180 hectares
Située à Brezins, dans la Bièvre, l’EARL Luc-Pupat est une exploitation de polyculture-élevage composée d’un atelier de 60 vaches charolaises et d’une SAU de 180 hectares. 77 sont cultivés en céréales, six sont implantés en noyers et le reste est en prairies.
Les jeunes femelles sont engraissées et vendues majoritairement à une boucherie de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs, mais il en garde quelques-unes pour les commercialiser à la ferme. Les autres femelles sont vendues comme reproductrices à la Sicarev. Quant aux mâles, ils sont valorisés en broutards et reproducteurs.
Installé depuis 2017 au sein de la ferme familiale, Mathieu Luc-Pupat a embauché un salarié à temps plein quand son père, Hubert, a pris sa retraite.
Son exploitation a reçu le trophée de la stratégie bas-carbone remis par la Chambre d’agriculture de l’Isère, dans le cadre du Prix de l’excellence agricole et rurale organisé par Terre Dauphinoise.
Isabelle Brenguier
(1) Haute valeur environnementale
(2) Les paiements pour services environnementaux (PSE) en agriculture rémunèrent les agriculteurs pour leurs actions concourant à restaurer ou à maintenir des écosystèmes, dont la société tire des bénéfices (préservation de la qualité de l’eau, stockage de carbone, protection du paysage et de la biodiversité…).
(3) « CAP'2ER » pour calcul automatisé des performances environnementales en élevage de ruminants)
Empreinte carbone diminuée, revenus améliorés
Le label bas-carbone valorise les diminutions d’émissions de gaz à effet de serre des entreprises et des exploitations agricoles. Explication du dispositif.
Créé par le ministère de la Transition écologique en 2018, le label bas-carbone a pour objectif de contribuer à atteindre la neutralité carbone de la France à l’horizon 2050.
Si la labélisation s’adresse à l’ensemble des acteurs souhaitant développer des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou de séquestration du carbone, il consiste pour les agriculteurs à rémunérer ceux qui améliorent leurs pratiques et diminuent les émissions de leur exploitation.
Particulièrement intéressant pour les structures qui mettent en œuvre de nouvelles dispositions, puisqu’il permet de les financer à hauteur de 35 euros la tonne économisée, il l’est cependant moins pour celles qui sont déjà vertueuses.
Diagnostic carbone
Afin de faire rentrer les exploitations iséroises dans ce dispositif, la Chambre d’agriculture de l’Isère a conduit plus d’une trentaine de diagnostics carbone dans les fermes en polyculture-élevage et grandes cultures du département.
Six d’entre elles ont fait le choix de s’engager dans cette démarche en mettant en place pour cinq ans, un plan d’action leur permettant d’améliorer leur empreinte carbone.
Ce plan est établi à l’issue d’un diagnostic carbone initial, réalisé avec l’agriculteur, en fonction de ses performances technico-économiques et environnementales, de ses contraintes, de ses projets et de ses attentes.
Les leviers d’action peuvent être très divers : planter des haies, développer la méthanisation, installer du solaire thermique, augmenter la part d’herbe dans la ration des ruminants, augmenter la durée de pâturage, remplacer les tourteaux importés par des matières premières locales, réduire le délai d’enfouissement des effluents...
En fin de projet de labélisation, un diagnostic final est réalisé afin de certifier les réductions d’émissions de gaz à effet de serre et/ou l’augmentation du stockage de carbone dans la ferme.
L’agriculteur est alors rémunéré à hauteur des efforts fournis par des financeurs (des entreprises, des collectivités ou des citoyens souhaitant compenser volontairement leurs émissions). S’il le souhaite, il peut bénéficier d’un premier acompte à mi-parcours afin d’engager plus facilement des changements de pratiques.
Cinq ans d’engagement
Si le premier intérêt de ce dispositif est économique, il l’est aussi en termes de communication. Surtout si les agriculteurs sont en vente directe. Car il leur permet de valoriser auprès de leurs clients leurs nouvelles pratiques et leurs apports environnementaux.
Un autre avantage de cette labellisation est qu’elle est assez peu engageante pour les exploitants. S’ils ne souhaitent pas aller au terme du dispositif, ils peuvent en sortir au bout de trois ans.
Nina Lopez et Isabelle Brenguier
La MAEC forfaitaire
Les exploitations qui souhaitent s’adapter au changement climatique peuvent percevoir une aide sous forme de dotation forfaitaire de 18 000 €.
La MAEC forfaitaire est une aide financée par l’Union Européenne via le Feader et la Région. Elle s’adresse aux agriculteurs actifs et Jeunes agriculteurs souhaitant engager une démarche de transition afin :
- d’améliorer le bilan carbone de leur exploitation,
- de réduire l’indice de fréquence de traitements (herbicides et hors herbicides) de leur exploitation ou,
- d’améliorer l’autonomie protéique de leur élevage
Les dossiers peuvent être déposés jusque fin 2024, sous réserve de financements suffisants.
La Chambre d’agriculture de l’Isère a été agréée par la Région pour accompagner les agriculteurs dans cette mesure. Pour davantage d’information sur le déroulement de cette mesure ou les conditions d’éligibilité, contactez le 04 76 20 67 11.
Nina Lopez