Réunie en assemblée générale au Palais des congrès à Paris, La Coopération agricole a affiché sa volonté d’être un élément clé de la souveraineté alimentaire française. Encore lui faudra-t-il lever de nombreuses hypothèques conjoncturelles et dessiner une vraie stratégie.
« La souveraineté alimentaire, c’est choisir nos interdépendances », a déclaré le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, venu clore le congrès de La Coopération agricole. Sauf qu’en ce moment, les coopératives agricoles font face au « mur de l’énergie » et à de nombreux défis comme « la transition agroécologique, la décarbonation, le renouvellement des générations et bien d’autres », a estimé Dominique Chargé, président de La Coopération agricole. Pour répondre à cette équation aux multiples inconnues, il propose la mise en place d’un « nouveau pacte social dans lequel chacun prendra sa part ». Autrement dit, l’État devra accompagner les transitions demandées par le consommateur, les pouvoirs publics et l’Europe. « Ce pacte est un engagement réciproque », a-t-il martelé, évoquant la nécessité de lutter contre les distorsions de concurrence au sein et en dehors de l’Europe. « Allons-nous prendre le risque de perdre nos capacités de production à l’image du textile en France il y a 40 ans ? » a-t-il interrogé ? À l’heure où les nouvelles négociations commerciales ont commencé, Dominique Chargé a insisté sur « la nécessité de prendre en compte la réalité de nos coûts. D’accord pour préserver le pouvoir d’achat des Français, mais il faut que nos entreprises dégagent des marges pour rémunérer les agriculteurs, pour investir et innover. L’alimentation a un prix et ce prix doit être justement payé », a-t-il harangué. Le ministre de l’Agriculture a acquiescé, rappelant que « l’alimentation est un élément de stabilité politique, quel que soit le régime ».
Défi de l’attractivité
Pour retrouver cet « esprit de conquête », selon la formule du ministre délégué à l’Industrie, Roland Lescure, il faut aussi « renforcer l’existant », a affirmé Anaïs Voy-Gillis, géographe et spécialiste des questions industrielles lors d’une table ronde sur l’industrie alimentaire du futur. Ce qui suppose, selon elle, « de conserver l’actuelle compétitivité des entreprises, leurs capacités de production, de transports, d’innovation, de renforcer leur pérennité, ainsi que le lien fondamental avec l’agriculture ». « L’industrie alimentaire du futur sera fondamentalement humaine », a renchéri Benoît Bonaîmé, directeur général de l’enseignement et de la recherche au ministère de l’Agriculture qui croit que les nouvelles technologies (robotique, génétique, et numérique), nécessiteront de recourir à l’humain pour recruter, former et développer. Les coopératives agricoles auront aussi à relever le défi de l’attractivité : « Il faut que vous fassiez connaître ce qui se cache derrière vos murs, s’ouvrir au public pour faire accepter vos transformations, et montrer que les coopératives sont un réel levier d’ascension sociale », a lancé Anaïs Voy-Gillis pour qui « la marque employeur va devenir centrale dans les années à venir ». Ce que Frédéric Dabi directeur général de l’Ifop a résumé en parlant de « désinvisibiliser les usines ». Le chantier est immense mais il semble que ce soit le prix à payer pour être le maillon fort de la souveraineté alimentaire et « pour continuer à manger français », a conclu Dominique Chargé pour qui « la réussite sera collective ou ne sera pas ».
Christophe Soulard
Un sondage sur les coopératives
La Coopération agricole et l’institut Ifop ont dévoilé un sondage sur les Français et l’industrie agroalimentaire (IAA). Seulement 46 % des personnes interrogées ont une bonne image des IAA contre 76 % pour l’agriculture. « Un décalage à combler », a estimé Frédéric Dabi. Ils sont en revanche 59 % à estimer que la France a aujourd’hui les capacités de production alimentaire suffisantes pour nourrir l’ensemble de sa population. Les personnes interrogées plébiscitent aussi le « Made in France » (91 %) et souhaitent massivement une réindustrialisation du pays (67 %). Elles sont aussi une majorité (57 %) à juger qu’il est aujourd’hui possible de construire des usines du secteur agroalimentaire propres et respectueuses de l’environnement. 54 % sont même favorables à les construire dans ou à proximité de leur ville de résidence.