Ouvert d’avril à novembre, le musée de la Grande Chartreuse, en Isère, est un des lieux touristiques incontournables du département.
Les moines chartreux, retirés en fond de vallon, à Saint-Pierre-de-Chartreuse, ont choisi de vivre dans le silence et la solitude. Leur monastère, qui ne peut être ouvert au public, n’est visible que de l’extérieur, lorsqu’un promeneur emprunte les chemins de randonnée de la commune. Le premier monastère est détruit par un incendie en 1132, mais il est reconstruit et agrandi au fur et à mesure d’autres incidents. Le dernier feu a lieu en 1676.
Ouvert en 1957 dans la correrie – la maison des frères convers jusqu’au XVIIe siècle, le musée de la Grande Chartreuse, situé à 2 km du monastère, retrace l’histoire de l’ordre des chartreux et éclaire les visiteurs sur la vie quotidienne de la trentaine de religieux vivant toujours dans le monastère.
Le musée est divisé en deux parcours : l’un met en avant l’histoire de l’ordre, de ses maisons et de ses moyens de subsistance, quand l’autre raconte la vie spirituelle des religieux à travers leur quotidien.
Des murs qui parlent
Le parcours débute par la visite de l’ancienne église, dans laquelle les visiteurs peuvent entendre des chants enregistrés dans le monastère afin de s’immerger totalement dans l’histoire et dans son ambiance. S’ensuit le passage dans le cloître, mesurant 40 m de long, quand il en mesure 215 dans le monastère.
Depuis mai 2021, une nouvelle scénographie est présentée. A la fin du XVIIe siècle, des cartes des différentes chartreuses ont été commandées afin de constater si l’architecture inhérente aux monastères était bien respectée, mais aussi pour montrer toutes les bâtisses à travers le monde. Dans les années 1950, 79 d’entre elles ont été retrouvées. Désormais exposées, certaines parent les murs du musée, offrant aux visiteurs un aperçu des différentes maisons de France et d’Europe. Certaines ont des spécificités, comme des toits en tuiles ou en ardoise en fonction de la région dans laquelle elles se trouvent. Pour celles étant exposées dans d’autres musées, une tablette interactive permet de les afficher en version numérisée.
Vivre pour soi et pour les autres
Cinq moyens de subsistance ont été relevés dans le musée. Les chartreux comptaient parmi leurs rangs des moines copistes, tant pour les usages internes qu’externes. A partir du XVIe siècle, et pendant deux siècles, cette activité est transformée par la naissance de l’imprimerie. Les moines commencent donc l’impression de livres, plutôt à vocation religieuse. L’agriculture était également pratiquée, surtout aux débuts de l’ordre. Mais en raison d’un nombre croissant de religieux, il devient difficile de cultiver suffisamment de céréales. L’élevage perdure quant à lui jusqu’au début du XXe siècle. Les minerais de fer présents dans la Chartreuse, le bois ainsi qu’une bonne terre et la proximité de la rivière Guiers permettent aux moines de développer leur activité de forge. Réputés, ils vendent en France et à l’étranger jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Cette impulsion est ralentie en 1669 avec l’ordonnance de Colbert, pour permettre aux forêts de se régénérer. Les forêts sont tout de même exploitées jusqu’à la Révolution française pour les besoins du monastère, les fours des forges et également pour servir un partenariat mené avec l’arsenal de Toulon. Enfin, le célèbre alcool mis au point définitivement en 1764 permet aux moines liquoristes ou distillateurs d’assurer des revenus au monastère. Aujourd’hui, seuls deux des trente moines vivant au monastère connaissent la recette de la chartreuse. Les caves de Voiron retracent tout particulièrement cette histoire.
Vie monacale
De la fondation de l’ordre par saint Bruno, en 1084, à aujourd’hui, le même modèle de vie est suivi par les chartreux. En témoigne, notamment, une cellule type de père sur deux niveaux. La chambre, à l’étage, permet au père qui l’occupe de prendre son repas dans le silence et la solitude, d’étudier les textes sacrés et de se reposer quand l’étage du bas lui permet de s’adonner à des travaux manuels.
Morgane Poulet
Musée de la correrie
Où : Saint-Pierre-de-Chartreuse
Quand : ouverture d'avril à novembre, 10h-12h30 et 14h-18h30 / 14h-18h30 le dimanche et fermé le jeudi
Tarif : 10 euros (réduit 7 euros)
Couplé caves de la chartreuse à Voiron : 18 euros
Contact : 04 76 88 60 45
Un modèle ancien
Les chartreux suivent le même modèle de vie qu'au moment de la fondation de l'ordre.
L’ordre des chartreux est fondé par Bruno, un universitaire né approximativement en 1 030 en Allemagne et qui constate que le monde tourne trop vite mais également qu’il y a trop de vie en communauté dans les maisons religieuses. Alors qu’il parcourt la France avec six compagnons, il gagne les Alpes, attiré par la réputation de l’évêque de Grenoble, Hugues de Chateauneuf, qui soutient les réformes de Grégoire VII. A cette époque, l’évêque voit en songe « Dieu se construire dans le désert une demeure pour sa gloire, sept étoiles lui montrant le chemin ». Sept étant le nombre de la troupe de Bruno, ce dernier y voit un signe. L’équipée quitte Grenoble pour le Col de Porte et pénètre un renfoncement de la montagne appelé « Chartousse » (champ troussé). La forêt, la barrière de neige et les montagnes constituent une clôture naturelle en adéquation avec l’idée de Bruno, qui est de vivre dans un périmètre éloigné de la civilisation.