Justice
Les incendiaires de trois bâtiments agricoles arrêtés

Les auteurs des incendies de bâtiments agricoles commis la nuit du 22 au 23 novembre dans la Drôme, à Geyssans et Parnans et, en Isère, à Saint-Antoine-l'Abbaye (autour d'un million d'euros de préjudice en tout) ont été interpellés.
Les incendiaires de trois bâtiments agricoles arrêtés

Très vite après les incendies de bâtiments agricoles des 22 et 23 novembre en Drôme et Isère, la piste criminelle a été privilégiée. Un dispositif exceptionnel a été mis en place dès le 26 pour lutter contre les atteintes aux biens des agriculteurs dans la Drôme. Il s'agit de Demeter 26, une cellule d'enquête regroupant dix militaires : des enquêteurs judiciaires, un analyste renseignement, un référent sûreté spécialiste de la prévention, un technicien en identification criminelle (constatations sur les lieux des délits), un technicien en nouvelles technologies (pour recherche d'éventuelles revendications sur les réseaux sociaux). Et ce, dans un triple objectif : « rassurer les agriculteurs, stopper cette série mortifère, interpeller le (ou les) auteur(s) ». De plus, des contrôles coordonnés des personnes et véhicules avaient été opérés la nuit sur les lieux les plus sensibles et aux horaires les plus adaptés. Et, en journée, les brigades sont allées au contact des agriculteurs pour leur apporter écoute, conseils dans la sécurisation de leur exploitation et faire remonter des renseignements.

Des jeunes de 15 et 21 ans

Depuis ces incendies, dans le monde agricole, et plus particulièrement chez les éleveurs, c'était la consternation et la colère. Tant que le (ou les) incendiaire(s) ne seraient pas arrêtés, le sentiment d'insécurité resterait extrêmement fort dans les campagnes. Voilà qui est fait. Le 19 décembre en fin d'après-midi, le procureur de la République de Valence, Alex Perrin, a annoncé l'interpellation des auteurs des incendies de Geyssans, Parnans et Saint-Antoine-L'Abbaye, lors d'une conférence de presse. « On pouvait penser que ces faits avaient été commis par le ou les même(s) auteur(s) ; le périmètre géographique était assez faible », a-t-il dit. Mais « ce n'est pas une action commando comme on en a vu ailleurs. Ces actes ont été commis par trois jeunes (l'un de 21 ans, les deux autres de 15 ans) et entrent dans un registre qualifié de « droit commun ». Ils sont tous du milieu rural et de ce secteur géographique. Le majeur et l'un des mineurs sont cousins.

« Des motivations stupides »

« Ces affaires ont pu être élucidées car deux des auteurs (le majeur et un mineur) ont été interpellés il y a une dizaine de jours dans le cadre d'une autre enquête judiciaire n'ayant rien à voir (ndlr : avec ces incendies), a précisé le procureur de la République. Au gré de cette enquête-là, des propos ont été recueillis par un témoin qui laissaient apparaître qu'ils seraient peut-être en lien avec ces incendies. » Sur la base des auditions, les trois jeunes ont été placés en garde à vue le 18 décembre. Ils ont été entendus et ont reconnu les faits. « Tout s'est accéléré ces derniers jours avec le croisement d'informations », a ajouté le chef d'escadron de la compagnie de gendarmerie de Romans, Yannick Gache. Quatre enquêteurs ont travaillé sur ces faits et 20 personnes à la fin. Ainsi ont pu être obtenus les aveux des trois incendiaires et les enquêteurs sont arrivés à élucider ces affaires.
« On est dans de la co-action, avec des motivations stupides », a noté le procureur de la République. Les auteurs des faits se sont déplacés ensemble d'un site à l'autre avec le véhicule du majeur. A chaque fois, ils se sont servis de briquets, pétards pour provoquer les incendies et ont attendu que le feu prenne avant de partir. « Ils connaissaient certainement, au moins pour le majeur, assez bien les exploitations agricoles dans lesquelles les incendies ont été commis, a-t-il expliqué. Le majeur travaillait habituellement sur des exploitations agricoles. Il y avait une volonté de nuire, de s'amuser un peu et une espèce d'effet de groupe entre les trois. On est vraiment dans la bêtise. »

Une certitude absolue

« Les aveux sont constants : ils ont tous donné la même version à quelques détails près, a précisé le procureur de la République. On a vraiment la certitude absolue que ce sont eux les auteurs de ces trois incendies. » Ces jeunes mis en cause ont été déférés au parquet. Une information judiciaire a été ouverte pour destructions de biens par incendies. L'un des auteurs, mineur, a été placé sous contrôle judiciaire. Déjà incarcérés, les deux autres sont retournés en prison. « Cela coupe toute possibilité de passage à l'acte », a remarqué Alex Perrin, qui a qualifié l'enquête de « rondement menée mais avec le temps nécessaire ».
Concernant les autres affaires, les enquêtes restent en cours, a indiqué le lieutenant-colonel de gendarmerie, commandant en second du groupement de gendarmerie départementale de la Drôme, Christophe Bentzinger. Pour l'incendie du bâtiment agricole du 23 novembre à Etoile et non Montoison, a corrigé l'adjoint chef de la brigade de recherche de Romans, Véronique Vigneux, le 19 décembre, « aujourd'hui, très clairement, le lien n'est pas établi ».

 

Rappel des faits /

 Les incendies de bâtiments agricoles en Drôme avaient démarré à Geyssans (Gaec Juven) vendredi 22 novembre, entre 21 et 22 heures. Un hangar de 1 000 m² a en grande partie brûlé, ainsi que 100 t de paille et du matériel. Les dégâts se chiffrent à 140 000 euros. Le deuxième incendie, entre 21 et 23 heures 30 dans une stabulation à Saint-Antoine-L'Abbaye (Isère), a fait moins de dégâts car l'agriculteur a réussi à le maîtriser. Le troisième, à Parnans (EARL des Boffard) après minuit, est celui où le préjudice est le plus élevé : de l'ordre de 800 000 euros. Le bâtiment d'une superficie de 3 000 m² a été détruit aux trois quarts ainsi que du matériel, environ 300 t de paille, 100 de fourrage, d'autres produits agricoles. Et, sur les 90 bovins se trouvant à l'intérieur, 23 génisses sont mortes dans l'incendie. A Etoile, samedi 23 novembre au soir, un quatrième incendie frappait un bâtiment de 200 m² abritant 300 bottes de paille et des porcs ; ces animaux ont pu être sauvés de justesse.

  

Le préjudice global avoisine le million d'euros, dont 800 000 euros pour l'exploitation de Parnans (Drôme).

 

Réactions /

La FDSEA de la Drôme se félicite du travail réalisé conjointement par la Gendarmerie, le procureur de la République, la préfecture qui a permis d'arrêter les incendiaires. Elle souligne également l'efficacité de Demeter 26, cellule mise en place pour lutter contre les atteintes au monde agricole, et invite les agriculteurs à adhérer au dispositif Vigi Agri 26, système d'alerte par SMS destiné à « se prémunir des actes malveillants envers le monde agricole » : vols, dégradations, intrusions dans les bâtiments d'élevage, altercations physiques ou verbales, destruction de biens matériels.
La FRSEA et Jeunes Agriculteurs Auvergne-Rhône-Alpes se félicitent également « du travail efficace et rapide de l'ensemble des forces mobilisées pour mener les enquêtes et arriver rapidement à des arrestations ». Les deux syndicats attendent que la Justice apporte toute la transparence dans cette affaire mais aussi « des condamnations exemplaires pour les coupables ».
La députée Emmanuelle Anthoine se réjouit de l'aboutissement rapide de l'enquête de la gendarmerie et salue la mobilisation des forces de l'ordre. Elle se dit soulagée, pour les agriculteurs, de l'interpellation des auteurs des actes « intolérables » et attend une sanction « à la hauteur de la gravité des faits ».