Terroir
Les produits isérois en fête

Morgane Poulet
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A l’approche des fêtes de fin d’année, les agriculteurs isérois se mobilisent pour alimenter les tables en produits 100% isérois.

Les produits isérois en fête
Le fromage de chèvre peut constituer un mets festif.

Pour changer des produits traditionnels retrouvés aux repas de fête, qu’il s’agisse de Noël ou du réveillon, mais aussi pour parer d’éventuels pénuries liées aux aléas climatiques ou sanitaires, des exploitants innovent pour diversifier leur offre et pour répondre à la demande des consommateurs de garnir leur table en produits locaux.
 
Du chèvre dans les assiettes
 
Installé à Mont-Saint-Martin à La Chèvre gourmande, Sylvain Bernard est éleveur d’une soixantaine de chèvres et fromager. A l’heure des fêtes, son activité s’intensifie.
« J’ai rouvert la vente à la ferme depuis un mois et demi afin que la clientèle locale puisse acheter ses produits sans aller jusqu’aux magasins de producteurs de Grenoble et de Claix », explique-t-il.
Effectivement, Un bout de campagne, magasin de producteurs ouvert à Claix en 2014 et dont il est récemment devenu le président, lui permet d’écouler la quasi-totalité de ses produits, en plus de la Ferme de Bonne, ouverte à Grenoble en 2016, dont il est l’initiateur et président.
« Le commerce dans ces magasins est à l’origine de 98% de mes ventes », précise-t-il.
« L’inflation que nous avons connue cette année a pourtant été difficile à gérer, car le fromage de chèvre a une image de fromage haut-de-gamme, alors que pas plus que d’autres produits », affirme Sylvain Bernard.
« Il faut que les fromagers et la  Chambre d’agriculture de l’Isère travaillent à démystifier le fromage de chèvre. »
Si en 2022, les chiffres des ventes de fromage de chèvre stagnent, ils sont pourtant moins élevés qu’en 2020, où la clientèle était très présente dans les points de vente directe lors des confinements.
Désormais, comme pour d’autres produits, l’inquiétude monte quant au rôle des grandes surfaces, qui drainent des ventes importantes au profit des petits producteurs.
 
Produits festifs
 
Sylvain Bernard explique avoir eu cette année beaucoup de lait, ce qui lui a permis de mettre au point de nouveaux produits.
« Pour les fêtes, je vais lancer des pavés cendrés, de même qu’un genre de reblochon, mais à la chèvre, et du fromage à raclette », explique-t-il.
Pour ce dernier, il faudra tout de même attendre le mois de janvier, voire de février, car il nécessite huit semaines d’affinage et n’a été lancé qu’au début de mois de décembre. « Une belle occasion de prolonger les fêtes », note le fromager, pour ce fromage convivial par excellence.
Outre des fromages tels que du crottin type picodon, de la faisselle ou encore des fromages tartinables, Sylvain Bernard a souhaité innover en proposant des crottins frais différents, plus tournés vers un esprit festif, « histoire de changer des fromages plus classiques que l’on peut retrouver lors de repas en famille ».
Cinq types de crottins frais à des parfums différents ont vu le jour pour égayer les tables iséroises : à la ciboulette et aux échalotes, à l’ail et aux fines herbes ou encore aux fleurs.
« Je conseille des fromages du type chèvre frais aux fleurs pour les fêtes, ça change et peut être sympathique et original. Et, pour les amateurs de raclette, une idée peut être de remplacer le fromage à raclette traditionnel par des minis-chèvres chauds faits avec des crottins », ajoute Sylvain Bernard.
Le tout à déguster avec des vins des Balmes ou du Grésivaudan.

Morgane Poulet

Porc, noix, oeufs... L'Isère à l'honneur

Pour Raphaël Gaillard, éleveur à la Ferme de Rossat, à Saint-Vérand, Noël et le Réveillon permettent de mettre en avant différents produits transformés auxquels on ne pense pas nécessairement pour les fêtes. 
En Gaec avec son frère, Olivier Gaillard, ils possèdent 80 hectares de cultures de montagne : 18 hectares de céréales autoconsommées pour l’alimentation des porcs et des bovins, 20 hectares de noyers en coopérative, le reste en prairies temporaires et permanentes. 

« Nous élevons une soixantaine de bovins, dont 25 mères allaitantes, et nous vendons des steaks hachés au détail et en colis, explique Raphaël Gaillard. Et nous élevons également 150 porcs en plein air pour faire de la charcuterie, mais aussi de la viande fraîche. »

Ce boudin blanc...

Depuis l’achat récent de son autoclave, le Gaec réalise des conserves de viande transformée. Depuis un mois, ces dernières sont estampillées de la marque IsHere.
Et l’exploitation a une petite particularité : chaque année, jusqu’au week-end précédant Noël, il est possible d’acheter un boudin blanc composé à 45% de porc… Issu de la Ferme de Rossat, bien sûr.
« Il est fait maison, avec du lait, de la crème, des œufs qui viennent de Theys, des champignons, des oignons et pas d’émulsifiant », explique-t-il. Pensé pour être consommé à Noël comme pour le jour de l’An, il est mis sous vide et peut ainsi être conservé pendant trois semaines.
« Cela nous permet de réaliser des ventes assez importantes, précise l’éleveur, depuis bientôt dix ans que nous concevons ce produit ». Et à chaque hiver, environ 300 kilos de boudins blancs sont cuisinés. « Un tiers de ce produit est réalisé avec de la poudre de noix de nos vergers », ajoute Raphaël Gaillard.
Et s’il est un mets de fête auquel on ne pense peut-être pas assez, c’est le pâté, surtout lorsqu’il est fait avec des produits locaux.
« Nous nous attachons à utiliser les produits du terroir, c’est pourquoi nous avons mis au point un pâté de porc avec des brisures de noix et du vin de noix de notre ferme, et un autre pâté avec de l’huile de noix et de l’oignon », ajoute l’éleveur.

MP

Installation hors-cadre familial

Installé en 2009 à Mont-Saint-Martin, Sylvain Bernard a créé son exploitation car il travaillait auparavant « dans la logistique industrielle », explique-t-il.
Il ajoute que sa reconversion professionnelle a débuté en 2005 avec trois stages de reconversion de quinze jours pilotés par Pôle emploi, puis un stage de pré-installation à Beaucroissant.
« J’ai travaillé pendant un an et demi au service de remplacement et le point commun que j’ai retrouvé entre chaque exploitant était la transformation fromagère. Cela a été très formateur pour moi, j’ai vu plein de systèmes différents et j’ai été conforté dans mes choix. »

MP

Désaisonner pour répondre à la demande

« La saison classique de mise bas se situe au mois de janvier, explique Sylvain Bernard, mais le problème est que tous les étés, la fromagerie est pleine car il y a un pic de lait à ce moment, la clientèle part en vacances et je dois faire mes foins. »
Pour cette raison, il choisit de désaisonner ses chèvres, c’est-à-dire qu’il « joue avec la lumière car ces animaux tombent en chaleur à l’automne, lorsque la luminosité diminue ».
Cela lui permet, au mois de décembre, de traire en moyenne 200 litres de lait par jour et d'avoir des produits pour les fêtes. « Je suis équipé de blocs multimoules pour produire 48 fromages à la fois », précise-t-il.

MP