Emploi
La filière bois, le bon filon

Isabelle Doucet
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« La filière recrute », déclare Guenaelle Scolan, la directrice de l’interprofession Fibois. Et pas qu’un peu. 
Dans le secteur du Grésivaudan, métropole, et Sud-Isère, il y a aujourd’hui 400 offres d’emploi « et 600 projets de recrutement dans toute la filière, de la forêt à la distribution », indique la responsable qui tire ces chiffres de l’Observatoire des métiers de Fibois. 
Pour sensibiliser les publics demandeurs d’emploi et les personnes en insertion... (la suite de l'article est réservée aux abonnés

La filière bois, le bon filon
Les acteurs de la filière bois du Grésivaudan font découvrir la plateforme bois-énergie de Goncelin.

... la communauté de communes du Grésivaudan, conjointement avec l’interprofession et la Mission locale, avait organisé début décembre La Semaine du bois, ponctuée de plusieurs événements et de visites d’entreprises.
Le Pôle bois énergie de Goncelin, un équipement majeur de la filière dans le secteur, avait été choisi comme épicentre de l’opération.

Sortir des clichés

« La filière bois est une ressource capitale dans le Grésivaudan, » assure Jean-François Clappaz, vice-président de la communauté de communes en charge de l’économie.
Le territoire est recouvert de 43 000 hectares de forêts, soit 58 % de sa superficie. La filière compte 800 emplois directs et autant d'emplois indirects dans le territoire. Tous les métiers sont représentés. « Des emplois non délocalisables », insiste Roger Cohard, vice-président à l’emploi et à l’insertion.
Le secteur observe une croissance annuelle de 5 %. « C’est une filière traditionnelle qui est aussi tournée vers l’innovation. Les métiers se transforment, fait valoir Gwenaëlle Scolan. Il faut sortir des clichés. »

Métier technique

Mais le potentiel de développement du secteur reste freiné par son manque de main-d’œuvre.
Bûcherons, opérateurs en sylviculture, conducteurs d’engins forestiers, pilotes de scie, menuisiers, charpentiers, opérateur sur machines à commande numérique, chargé des approvisionnements, technico-commerciaux, monteurs, agenceurs, poseurs : de l’amont à l’aval, toutes les entreprises recrutent.
Mais les acteurs de la filière mettent en garde contre le romantisme lié à certains métiers de pleine nature. « Beaucoup de personnes se font des illusions, témoigne Jonathan Guitard, bûcheron depuis 8 ans, après une reconversion professionnelle. C’est un métier d’extérieur, physique, usant pour le corps. Mais c’est un métier technique et en montagne, le risque est accru en raison de la pente. »
Le bûcheron est aussi président de l’association des entrepreneurs de travaux forestiers (ETF) de l’Isère et de la Drôme. Selon lui, le principal obstacle au recrutement reste cependant les salaires.
« L’enjeu de la filière est de rémunérer correctement tous ses maillons », confirme Guenaelle Scolan.

Recherche bûcherons

Pour Quentin Reymond-Laruina, gérant de l’entreprise de travaux forestiers TRV avec son frère Benjamin, le bûcheronnage est un métier de passion, un métier aussi un peu oublié, qui gagne à retrouver ses lettres de noblesse.
« Nous manquons des bûcherons, c’est la raison pour laquelle nous faisons travailler beaucoup d’étrangers. Pourtant ce n’est pas un métier réservé à une certaine catégorie de personnes pour peu que l’on ait de l’énergie. »
Il explique que le métier s’est mécanisé, mais que « les grosses machines ne passent pas partout ». Et s’il y a des candidats comme conducteurs d’engins, en revanche les postulants sont plus rares pour aller crapahuter en montagne. L’entreprise emploie 13 salariés, mais fait appel aux indépendants pour les travaux d’été en forêt.

Des chantiers, des professionnels

En face de la plateforme de Goncelin, de l’autre côté de la route, la scierie Botarel recrute aussi à grande échelle pour accompagner son projet de mutation. C’est une des dernières scieries de feuillus. Elle emploie 10 salariés, mais son effectif doit être multiplié par cinq. Il s’agit d’une part d’augmenter sa capacité de sciage à 10 000 m3/ an et d’autre part de développer un site de transformation du gros bois, mais aussi une filière habitat-construction, ainsi qu’un centre de formation aux métiers du bois.
Par ailleurs l’ONF, en tant que prescripteur, recherche aussi des professionnels pour réaliser ses chantiers de travaux sylvicoles ou d’entretien des dessertes. Et il faudra d’autant plus de bras que les plantations vont bon train, portées par le Plan de relance « Un arbre, un habitant », mais aussi par l’adaptation au changement climatique et l’implantation de nouvelles essences.
Qui dit recrutement, dit aussi formation. De La Motte-Servolex à Montélimar en passant par Saint-Ismier, les établissements de formation sont nombreux en Auvergne-Rhône-Alpes. Mais il existe aussi des initiatives locales comme le projet Ecole-Etre qui va créer son école dans le Grésivaudan. Elle accueillera des promotions d’une dizaine de jeunes de 16 à 25 ans, fléchés par la Mission locale et en rupture du système. L’objectif est de leur faire découvrir les métiers du bois en immersion.

Isabelle Doucet

Jonathan Guitard, bûcheron et président des ETF.

Roger Cohard, vice-président de la Communauté de communes du Grésivaudan en charge de l’emploi et de l’insertion, Olivier Salvetti, vice-Président en charge de l'agriculture,J ean-François Clappaz, vice-président en charge de l’économie et Gwenaëlle Scolan, la directrice de l’interprofession Fibois.

La filière bois en Isère
Le bois énergie : un secteur à valoriser.

La filière bois en Isère

Elle représente 3 000 entreprises et 85 000 emplois dont 6 500 salariés.
La forêt couvre 314 000 ha, ce qui représente 64 millions de m3 sur pied. Environ 470 000 m3 sont récoltés annuellement soit 0,7 % du volume alors que la forêt augmente de 3 % chaque année.
C’est une filière complexe, qui compte de nombreux acteurs et beaucoup de TPE avec de grandes interconnexions entre les métiers, qu’il s’agisse de la valorisation du bois d’œuvre, bois énergie ou bois de chauffage.
L’emploi salarié augmente de 5 % chaque année dans la filière. Les métiers qui recrutent le plus sont : menuisiers-monteurs-agenceurs-poseurs et technico-commerciaux bois.
Pour trouver les métiers qui recrutent, les formations et les postes à pourvoir, aller sur le site : metiers-foret-bois.org

Un pôle bois en développement
Pierre Francony, technicien Coforêt, gérant de TRV et Jérôme Lardière, de la CCIAG, présentent leurs activités respectives.

Un pôle bois en développement

La plateforme bois-énergie de Goncelin compte de nombreux acteurs qui travaillent en synergie.

Le pôle bois de Goncelin est un outil dédié à la production de bois énergie. Il a bénéficié des soutiens de la Communauté de communes du Grésivaudan lors de son ouverture en 2013. La plateforme de 9 ha accueille plusieurs acteurs : la Coforêt, coopérative de propriétaires forestiers qui fournit une grande partie de la ressource, une entreprise de travaux forestiers, TRV, qui réalise les travaux en forêt et transforme le bois, et la Compagnie de chauffage intercommunale de l’agglomération grenobloise (CCIAG).
Chacun est positionné sur un segment particulier. Coforêt regroupe les petits propriétaires et organise des chantiers groupés. Son action permet de valoriser le bois énergie. En Belledonne sont ainsi récoltés entre 16 000 et 20 000 m3 de bois en forêt privée. Un mètre cube de tronc permet de produire 3 m3 de copeaux. Coforêt fournit les Compagnies de chauffage de Grenoble et Chambéry, quatre chaufferies Opale, la crèche de Bernin et l’entreprise Ferropem.
TRV est gestionnaire de la plateforme depuis 2020 suite aux déboires de la précédente entreprise. Son rôle : réaliser des coupes, débarder, transporter le bois vers les scieries ou pour en faire du bois énergie. TRV est équipée de broyeurs à copeaux. Elle réalise le stockage pour ses deux principaux clients : Coforêt et la CCIAG.
Pour la Compagnie de chauffage, la plateforme de Goncelin est un de ses stocks tampons. Les volumes représentent 10 % des 160 000 t de copeaux brûlés dans ses chaufferies en saison.
La plateforme accueille également la société Soven, filiale d’Engie et fournisseur en bois énergie.
Enfin, un immeuble en déconstruction sur le site hébergera bientôt un second pôle de la scierie Sillat implantée à Domène.