Maraîchage
Les producteurs appellent à ne pas bouder les asperges... ni les fraises

Dans la vallée du Rhône, les producteurs font face à de belles récoltes de fraises et d'asperges sans trop savoir comment les ramasser, ni les vendre.
Les producteurs appellent à ne pas bouder les asperges... ni les fraises

« On pensait compenser une année 2019 catastrophique où on n'avait fait qu'un tiers de nos rendements. Cette année la qualité et les rendements sont au rendez-vous, la récolte est précoce, mais ce sont les ventes qui font défaut ».

David Bruyere, producteur d'asperges à Saint-Prim dans la vallée du Rhône est très inquiet.
« Le marché de Saint-Clair-du-Rhône est suspendu, celui de Vienne va s'arrêter, les restaurants sont fermés et il ne nous reste plus que les magasins de producteurs où c'est très dur, commente-t-il. Il y avait beaucoup de monde en début de semaine et c'est devenu très calme. Les gens vont à l'essentiel et n'achètent pas d'asperges », se désole-t-il.

Pourquoi aller chercher ailleurs ?

Installé il y a sept ans, le producteur cultive des asperges sur 3,5 hectares, mais aussi des semences et des céréales à paille. En EARL avec sa mère, il emploie actuellement quatre saisonniers qu'il a recrutés par le bouche-à-oreille et sur Facebook.

« Les asperges de Saint-Prim sont réputées », fait-il valloir. Il fournit d'ailleurs le restaurant étoilé La Pyramide à Vienne.
Le maraîcher vend ses produits entre 7,5 et 10 euros le kilo et pouvait écouler entre 300 et 500 kilos d'asperges sur le marché hebdomadaire de Vienne. De quoi assurer la trésorerie de l'exploitation.
« C'est une structure jeune. Nous avons réalisé beaucoup d'investissements, nous nous sommes lancés dans les semences et nous avons des échéances à respecter, explique-t-il. Le manque à gagner est énorme. »

 

La belle récole de l'EARL du Plateau à Saint-Prim (photo FB).

 

Ce producteur, qui livre tout son maraîchage en circuits courts, espère que l'appel des agriculteurs aux consommateurs sera entendu.

« On voudrait qu'il y ait plus de monde dans les magasins de producteurs, martèle-t-il. Ou alors que les grandes surfaces soient avec nous et qu'elles paient le prix, qu'elles jouent le jeu. Ce n'est pas normal qu'il y ait autant de produits d'importation dans les rayons alors que dans la vallée du Rhône, il y a toutes les sortes de fruits et de légumes. Pourquoi aller chercher ailleurs ? »

Système D

Il précise qu'à moins de 5 euros le kilo d'asperge, un producteur ne peut pas vivre et ajoute : « C'est quand même un comble. Nous sommes le premier maillon de la chaîne alimentaire et les seuls à produire sans connaître le prix que nous serons payés. »

C'est la raison pour laquelle il espère le soutien des organisations agricoles pour favoriser les relations commerciales et aider les producteurs à trouver des marchés afin que les consommateurs aient accès aux productions de proximité.

En attendant, c'est le système D qui prévaut comme dans de nombreuses exploitations. « Avec Denis Chardon, des Jardins de Corneyzin à Saint-Prim, nous nous organisons. Lui aussi est producteur de légumes et travaillait pour la plateforme Récolter qui approvisionne les cantines. Alors, nous avons préparé des affiches pour mettre devant nos fermes et vendre des paniers. On booste notre communication sur les réseaux sociaux. Nous avons des volumes à passer. »

Isabelle Doucet

 

Petits fruits / Eric Thivolle est producteur de fraises  à Agnin. L'incertitude pèse tant sur la récolte que sur la vente.

Pas sûr qu'on vendra

Inquiétude aussi chez Eric Thivolle, à Agnin. A quelques semaines de la récolte de fraises, le producteur ne sait pas s'il aura assez de bras pour ramasser, ni même si les marchés seront au rendez-vous.
En temps normal, il emploie 25 saisonniers pendant près de deux mois, à partir de mi-avril, pour récolter les quatre hectares de fraises sous serre et en plein champ. Pour la plupart, c'est une main-d'œuvre d'Europe de l'Est qui se déplace chaque année pour la cueillette. Mais qui sera absente au printemps.
Que les marchés se débloquent
« Ce sera dramatique », craint le producteur dont la fraise représente 70% du chiffre d'affaires de son exploitation, le reste étant en arboriculture. Il se donne encore quelques jours pour se retourner et trouver de nouveaux saisonniers.
« Si on arrive à récolter, pas sûr qu'on vendra », ajoute-t-il.  Car pour le moment, il n'y a pas de demande de la part de la GMS.
« Les gens ne sont pas prêts à manger des fraises de France. Ils font leurs achats en courant et c'est pas ça qui va faire marcher l'économie », commente Eric Thivolle.
Le producteur commercialise ses fraises en filière longue, alors il espère « que les marchés se débloquent et que les gens consomment à nouveau normalement ».
Il se dit aussi que les collectivités « peuvent faire quelque chose ». En tous les cas, c'est le moment.
« En attendant, on arrose les fraises sous serre, on fertilise et on traite ».
Cette année, les fraises seront belles.
ID

 

Mobilisation syndicale

Tous solidaires entre nos filières 

Suite à l'intervention de Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, les enseignes se sont engagées ce week-end à mettre en avant les produits français et de saison : d'abord l'asperge et la fraise, puis d'autres produits au fur et à mesure des entrées en campagne.
Reste maintenant, pour la production, à organiser l'approvisionnement alors que le manque de main-d'œuvre est criant.
Aussi la FDSEA de l'Isère propose aux exploitations qui ont des salariés partiellement disponibles, des saisonniers dont l'arrivée est prévue dans quelques jours ou semaines, etc.  de ne pas hésiter à leur proposer d'accomplir un acte solidaire en leur suggérant d'aller prêter leurs bras dans des exploitations qui en ont actuellement besoin : récolte de fraises, d'asperges, plantation de melon, etc.
D'ici quelques jours ou semaines viendra le temps de l'éclaircissage pour certains produits, puis des récoltes. L'arboriculture aura, à son tour, besoin de cette solidarité.
Rappel : Le Service AgriEmploi reste à votre écoute pour tout besoin de main d'oeuvre au 04 76 20 67 34 ou [email protected]
Une plateforme collaborative
A noter également, au niveau national, l'initiative prise par  la FNSEA, Pôle Emploi, l'ANEFA (@EmploiAgri) et Wizifarm qui coordonnent leurs efforts pour organiser au mieux les mises en relations entre les offres d'emplois et les candidatures de "saisonniers".
Les personnes qui souhaitent pallier le manque de main-d'oeuvre en agriculture peuvent s'inscrire sur : desbraspourtonassiette.wizi.farm.
Ainsi, depuis la page web “desbraspourtonassiette.wizi.farm”, la startup WiziFarm oriente vers sa plateforme collaborative gratuite mission.wizi.farm.
Voir l'article de Terre Dauphinoise sur Desbraspournosassiettes