Indispensable pour freiner l’avancée des flammes d’un incendie, le produit retardant utilisé par les bombardiers d’eau rend la vinification du raisin impossible. Le point avec Jean-François Laville, élu à la chambre d’agriculture d’Ardèche et viticulteur à Saint-Pons (cave d’Alba-la-Romaine).
En cas d’incendies, la vigne constitue-t-elle un coupe-feu efficace ?
Jean-François Laville : « Une vigne est naturellement un coupe-feu, puisque les sols et la végétation sont régulés par le binage. La propagation d’un incendie dans une vigne est donc rare. Nous essayons de mettre en avant cette qualité, qui est également un plus pour l’arrivée des secours. À Cerbère, dans les Pyrénées-Orientales, les vignes en terrasse ont, par exemple, permis de ralentir la progression du feu. »
Lorsque les bombardiers d’eau épandent du produit retardant en bordure de vignes, quel est l’impact sur le raisin ?
J.-F. Laville : « Ce produit, dit retardant1, est largué par les bombardiers afin d’éteindre les incendies. Mais ce produit rend les raisins impropres à la vinification. Nous avons donc déjà eu quelques problèmes avec ces épandages en bordure de vignobles à quelques jours de la récolte. Cela ne s’est pas produit l’été dernier, puisque les incendies se sont concentrés sur le plateau de Jastres, entre Lussas et Vogüé (Ardèche), qui était rempli de broussailles. Mais nous avons déjà eu ce cas de figure en 2017, où des parcelles entières étaient concernées. Les secteurs touchés sont généralement dans le Sud du département, en bordure des Cévennes et situés à proximité des pins maritimes. »
Les viticulteurs touchés par cet épandage peuvent-ils être indemnisés ?
J.-F. Laville : « Pour l’instant, un vide juridique persiste. Il faut bien sûr prévenir les incendies, et la vigne fait partie des moyens pour ralentir le feu. Mais l’épandage de ce produit retardant n’est pas considéré comme un risque assurable et la responsabilité du SDIS et du Département ne peut être engagée. C’est rare, mais certains viticulteurs ont déjà vendangé leur récolte, puis l’ont jetée, sans avoir accès à une indemnisation. Pour l’instant, la solution qui a été trouvée est celle de la collectivisation des moyens en coopérative. Certaines compagnies et banques proposent également une aide du fonds assurantiel, mais cela n’équivaut à rien de pérenne. »
Cette situation fait-elle l’objet de discussions avec les organismes d’assurance ?
J.-F. Laville : « C’est un sujet de discussion. Mais en ce moment, la priorité est celle de l’assurance récolte. Nous ne pouvons donc pas faire passer ce désordre dans le cas des onze risques climatiques assurés. Finalement, le risque existe, mais il est minime au regard de la proximité des vignobles et des forêts. Néanmoins, si cela arrive sur une petite parcelle avec une sélection parcellaire à forte valeur ajoutée, l’impact sur le chiffre d’affaires de l’entreprise est immédiat. Si nous mettions tout le monde autour de la table, ce problème serait facilement résolu. »
L’été dernier, le plateau de Jastres, situé dans le Sud de l’Ardèche, a été touché par un important incendie. Ces terres vont-elles être reboisées ?
J.-F. Laville : « Sur ce plateau, près de 1200 ha ont brûlé en quelques heures. Heureusement, le feu a été circonscrit et il n’y a pas eu de dégâts humains et matériels. Nous allons nous mettre autour de la table pour évoquer la meilleure façon de reconquérir ces terrains qui étaient principalement composés de broussailles. Tout reboiser ne va pas être si simple, puisque les propriétaires de ces terrains sont multiples. Mais de l’herbe pousse. Ce serait donc intéressant de créer un groupe de pastoralisme. Nous avons des troupeaux et des bergers disponibles et volontaires. Le plus compliqué, c’est de joindre tous les propriétaires pour leur expliquer ce projet. »