INTERVIEW
Eric Thirouin : « Le PGE est une victoire syndicale »

La FNSEA et l’AGPB ont récemment obtenu l’extension du prêt garanti de l’État (PGE) aux agriculteurs victimes de la sécheresse. Eric Thirouin, président de l’Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB) et trésorier de la FNSEA nous en dit plus sur ce dispositif.

Eric Thirouin : « Le PGE est une victoire syndicale »
Eric Thirouin. DR

Le gouvernement vient d’annoncer que les agriculteurs pouvaient accéder aux prêts garantis de l’Etat (PGE). Quelle est votre première réaction ? 

Eric Thirouin : « Depuis les moissons qui ont été, cette année, catastrophiques pour de très nombreux agriculteurs, beaucoup d’entre eux se sont retrouvés en difficulté. Nous demandions à être traités comme les autres entreprises et à accéder à ce prêt beaucoup plus fonctionnel que le dispositif mis en place en 2016. A cette époque, la garantie BPI était tellement complexe qu’elle était inaccessible. L’annonce du gouvernement est par conséquent une très bonne nouvelle pour aider les agriculteurs à surmonter leurs difficultés de trésorerie. »

Comment s’est passée la négociation ? 

E.T. : « Avec la FNSEA nous nous sommes mobilisés et nous avons travaillé en lien avec le ministère de l’Agriculture, directement avec Julien Denormandie et ses services mais aussi avec le ministère de l’Économie et des Finances et naturellement les banques. A travers cette mesure, on prend pleinement conscience de l’importance du syndicalisme pour défendre les intérêts de tous et toute la dimension de l’engagement collectif. »

Qui est concerné par ce PGE ?  

E.T. : « Cette mesure est largement ouverte et principalement destinée aux agriculteurs victimes de la sécheresse. Il n’y a pas de taille d’exploitation minimale ou maximale et pas de frein sur la forme juridique. Le PGE est ouvert aux entreprises jusqu'au 30 juin 2021. Il peut être souscrit auprès des établissements bancaires qui contribuent à la solidarité nationale en distribuant ces prêts dont seule la garantie est facturée au client au terme de la première année. »

Concrètement comment ce prêt fonctionne-t-il ? 

E.T. : « Le montant du prêt peut atteindre jusqu’à trois mois de chiffre d'affaires ou deux années de masse salariale pour les entreprises créées depuis le 1er janvier 2019 dans la limite de 25 % du chiffre d’affaires annuel. A l’issue de la première année, le souscripteur peut décider de rembourser son prêt intégralement. Le coût du prêt sera alors limité au coût de la garantie (0,25 % du montant du prêt) payable au terme de cette première année. Pendant cette période, c'est la banque qui assure le portage du coût de la garantie. »

Et s’il ne peut pas rembourser ? 

E.T. : « A ce moment-là, l’agriculteur peut demander à sa banque d’amortir ce PGE sur une durée pouvant varier de un à cinq ans. La contrepartie est que le taux ne sera plus à 0,25 % mais qu’il pourra être augmenté dans une fourchette comprise en 1 % et 2,5 %. Le taux deviendra donc plus important. Ne perdons pas de vue qu’à l’origine ce prêt est débloqué pour assurer une « avance de trésorerie » et non un investissement. Les taux, comprenant le coût de la garantie de l’État sont évolutifs en fonction de la durée du remboursement. Il ne faut donc pas s’engouffrer dans ce PGE tête baissée. Il convient de se rapprocher des conseillers des établissements bancaires afin de retenir la meilleure option de financement possible dans le cadre d’un examen personnalisé de la situation de chaque exploitation. »

Est-ce que cette mesure sera suffisante pour compenser les pertes dans les exploitations ?  

E.T. : « Non, cette mesure aussi utile soit-elle ne viendra pas tout compenser. Elle constitue un maillon du nécessaire soutien à l’agriculture et fait partie de l’ensemble des mesures réclamées depuis septembre dans le cadre du plan d’urgences grandes cultures. Ce PGE vient ainsi en complément de l’assurance récolte et des points déjà obtenus de l’avance sur les aides Pac, de la souplesse accordée sur les implantations interculturales ainsi que du dégrèvement automatique sur la Taxe sur le foncier non bâti dans les départements touchés par la sécheresse. Deux autres points restent importants. Premièrement, s’assurer que le gouvernement mobilisera bien les moyens nécessaires tant pour le fonds d’allégement des charges que pour la prise en charge des cotisations sociale par la MSA pour accompagner les agriculteurs en situation difficile. Deuxièmement, il faut poursuivre la pression sur les élus et le gouvernement dans le projet de loi de Finances 2021 pour que les cotisations sociales des céréaliers soient calculées en année N, comme si la MSA les considérait comme des jeunes agriculteurs venant de s’installer. »

Propos recueillis par Christophe Soulard