Stratégie
L’affaire est dans le sac… de pommes de terre
Commercialisée pour sa deuxième saison sous la marque IsHère, la pomme de terre de la Bièvre fait une entrée remarquée dans les rayons des GMS.
Elle a le goût de son terroir. Celui du climat de la Bièvre où elle vient dans un sol limoneux, en poussant quelques galets.
La pomme de terre de l’Isère part à la reconquête du gratin. Et on la trouve désormais dans les rayons de nombreux supermarchés.
C’est le pari lancé par la Chambre d’agriculture de l'Isère en 2021, relayé par le Pôle agroalimentaire et porté par six producteurs, quatre en conventionnel et deux en agriculture biologique.
« Nous avons créé l’association en septembre 2021 et les premières livraisons ont débuté le 15 décembre », raconte Yann Bouvier, le président de Terre d’Isère.
Tout est allé très vite pour le groupe composé de Benjamin Alex (Pajay), Thomas Bouget-Lavigne (Gillonnay), Yannick Bourdat et Yann Bouvier (Marcilloles), ainsi que les deux producteurs bio Alexis Julien (Septème) et Alexandra Mouchiroud (Bellegarde-Poussieu).
Cent tonnes cette saison
Jusqu’au 15 avril 2022, ils sont parvenus à livrer 14 tonnes de pommes de terre dans une dizaine de supermarchés. Cette nouvelle saison, cette quantité devrait grimper à centaine de tonnes distribuées dans 17 grandes surfaces.
« Nous avons tous augmenté nos surfaces, explique Thomas Bouget-Lavigne, qui est aussi trésorier de l’association. En 2021, nous ne pouvions pas répondre à certains marchés car nous ne proposions que des filets de 5 kg. »
Et le conditionnement se faisait à la main. Les producteurs se souviennent de « corvées de patates » mémorables où l’ensachage manuel réclamait la mobilisation de tous. Ou la force du collectif.
Des sacs de 2,5 kg
Cette année, trois d’entre eux ont investi dans des lignes de conditionnement de façon à proposer des sacs de 2,5 kg que réclament les consommateurs. Il en coûte 30 000 euros pour chaque chaîne, subventionnée à hauteur de 40 %.
Les pommes de terre sont désormais proposées calibrées, brossées et propres dans un packaging Terre d’Isère. « Nous espérons un développement conséquent de l’activité pour rentabiliser les machines », confie Yann Bouvier.
« Si les volumes augmentent et que tout le monde joue le jeu, nous pourrons investir dans des chambres froides », ajoute Thomas Bouget-Lavigne.
Car c’est toute une filière qui se met en place et la question de la conservation de la pomme de terre est d’importance « avec l’augmentation des températures et l’arrêt des anti-germes ».
Aujourd’hui les tubercules sont gardés à l’abri dans l’obscurité de bâtiments ouverts le soir pour faire entrer la fraîcheur.
Marabel et monalisa
Si la pomme de terre, en tant que culture spécialisée, permet aux producteurs de dégager une certaine marge – le prix, dans l’esprit du PAA, a été calculé dans le souci d’une juste rémunération – elle réclame en revanche beaucoup d’attention.
Les plantations s’effectuent de la fin mars à début mai. Les variétés phares sont la marabel et la monalisa, appréciées pour leur chair jaune et tendre, qui se prête aussi bien à la préparation en gratin, qu’en frite ou en purée.
La récolte, à la main, se déroule de fin juillet à fin octobre. Ce légume plein champ entre dans la rotation des céréales et a besoin d’être irrigué. Les rendements sont de 35 à 45 t/ha.
« C’est une culture qui réclame de l’anticipation et du savoir-faire. Il faut passer dedans tous les deux jours », indique Yannick Bourdat. Le principal risque de maladie, qui réclame une surveillance assidue, est le mildiou.
Marque IsHère
Créé à l’initiative de la chambre d’agriculture, le groupe de producteurs se félicite de la dynamique qui leur permet d’aborder ensemble ce nouveau marché.
Ils ont créé un groupe WhatsApp pour communiquer entre eux. Ils ne se connaissaient pas tous, mais se sont rapidement mis en ordre de marche.
« Cela permet d’échanger sur nos pratiques culturales, sur les variétés à mettre en place, ce qui marche ou pas et que chacun s’améliore », déclare Benjamin Alex.
« C’est la technique maison ! », lance Thomas Bouget-Lavigne qui cultive 3,5 hectares de pomme de terre. Il s’est installé hors cadre dans une exploitation qui pratiquait cette culture de longue date et en quantité.
La partie lancement de l’activité a aussi nécessité de l’investissement en temps. « Il a fallu tout organiser, il y avait beaucoup de choses à voir pour mettre les marchés en place », explique Yannick Bourdat.
Avec l’appui du PAA et de sa commerciale Céline Royer, les producteurs ont rencontré les responsables de grandes surfaces.
Les pommes de terre sont commercialisées sous la marque IsHère. Les volumes de vente, qui ne sont pas encore stabilisés et dépendent aussi de la météo, leur réclament encore du travail et de la réactivité. « On est encore un peu novice, reprend Yannick Bourdat. Il faut trouver le bon fonctionnement. C’est la suite qui nous dira si c’est une belle aventure ou pas. »
Cette démarche a été distinguée en septembre dernier par la Chambre d’agriculture de l’Isère qui a remis au groupe le Trophée de l’initiative collective, création de filière, dans le cadre du Prix de l’Excellence agricole et rurale organisé par Terre Dauphinoise à Beaucroissant.
La prochaine étape sera la diversification vers d’autres légumes plein champ pour la GMS.
Isabelle Doucet
Des producteurs motivés
Chaque membre du groupe a développé la production de pomme de terre pour des motivations différentes. Mais tous ont pour objectif la diversification de leur production.
« J’ai toujours fait de la pomme de terre, explique Yannick Bourdat, mais c’était se mécaniser ou arrêter. » Son moteur, c’est la future installation de son fils dans l’exploitation. Les légumes viennent en complément des bovins viande et des céréales.
Yann Bouvier songe aussi à l’installation de son fils et à la nécessité de dégager de nouveaux revenus, « sinon, on en a bien assez », assure-t-il.
La production de pommes de terre était déjà très importante dans l’exploitation, mais il produit également du tabac, des semences, des pommes de terre nouvelles hors sol et dirige une entreprise de travaux agricoles.
Thomas Bouget-Lavigne, vise quant à lui une augmentation des débouchés en vue de s’associer.
Quant à Benjamin Alex, qui est en Gaec avec son oncle, son objectif est de réduire la production de semences et de se diversifier avec un autre atelier, en complément des 30 000 poules pondeuses de la ferme.
ID