Analyse
Sylvie Brunel prône le développement de l’irrigation et la fierté de produire des agriculteurs
Estimant que le maintien de l’agriculture française ne pourra se faire sans irrigation, la géographe Sylvie Brunel a tenu un discours pugnace pour que les agriculteurs retrouvent des moyens de production… sans davantage de contraintes.
Lors de l’assemblée générale de l’ADI 38 le 8 février dernier, les participants ont présenté la ressource en eau et l’irrigation comme des assurances indispensables au maintien de la production agricole française.
Ce fut aussi le cas de Sylvie Brunel, géographe et universitaire, qui a rappelé en préambule que « s’il n’y avait pas eu l’irrigation, l’Inde n’aurait pas été sauvée de la famine » et qu’« à l’avenir cette irrigation serait encore plus nécessaire pour combattre les effets du changement climatique ». Selon elle, « la quantité disponible d’eau ne va pas changer, mais se répartir différemment ».
La géographe estime que « les changements qui vont s’opérer affecteront particulièrement la France et que le monde agricole sera en première ligne ». Mais elle considère dans le même temps, que ni la France, ni le département de l’Isère, ne manquent d’eau. « Il n’y a donc pas d’impossibilité à faire face à cet enjeu », assure-t-elle.
Souveraineté alimentaire
Rappelant que seulement 7% de la SAU française est irriguée, elle considère que cela représente une marge de progression considérable. Selon elle, l’eau est le facteur structurant des territoires. « Lorsqu’on peut gérer l’eau, on a l’assurance de ne pas mourir de faim, on peut créer la vie et lutter contre les incendies », estime-t-elle.
Tournée vers l’avenir, elle ajoute qu’« une exploitation équipée de réseau d’irrigation dispose d’une assurance pour la suite. C’est ce qui permettra de garantir la souveraineté alimentaire française. Il ne faut pas avoir honte de produire. En termes de production agricole, notre pays était au deuxième rang mondial. Il est passé au sixième. Il ne faut pas qu’il perde sa capacité à nourrir, ni à exporter », détaille-t-elle.
Intérêt général
Abordant la question de la concurrence de la France avec d’autres pays, elle fait état de la baisse drastique d’utilisation de molécules phytosanitaires mise en œuvre en œuvre depuis les années 1980 et de celle des émissions de CO2, « vous avez fait les efforts nécessaires. Vos concurrents d’ailleurs ne se posent pas toutes ces questions », a-t-elle lancé aux irrigants.
Se voulant plus précise, elle revient sur la culture du maïs, le présentant comme « une de ces plantes qu’on adore détester, comme un bouc-émissaire venu des Etats-Unis, alors qu’elle dispose d’un des meilleurs IFT (Indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires), qu’elle est le refuge d’une abondante biodiversité, qu’elle est particulièrement généreuse et que les champs plantés de maïs se révèlent d’excellents pièges à carbone ».
La géographe boucle la boucle de son propos en soulignant que la France doit produire des semences et que pour cela, il faut de l’irrigation. « La mise en œuvre de l’irrigation relève de l’intérêt général », a-t-elle ainsi accentué.
Isabelle Brenguier
Un nouvel espoir
Les manifestations agricoles étaient tout juste terminées quand l’ADI 38 a organisé son assemblée générale. Elles étaient encore dans toutes les têtes, dans toutes les discussions.
L’assemblée générale de l’ADI 38 (Association départementale des irrigants de l'Isère) s’est tenue le 8 février, à Brézins, après les manifestations agricoles qui ont eu lieu un peu partout en Isère et en France.
Evoquées à plusieurs reprises lors de la rencontre, elles ont insufflé une note d’espoir au sein des agriculteurs et des experts qui ont suivi de près le mouvement. Si le débat était bien centré sur la question de l’eau et de son caractère indispensable pour le maintien d’une production agricole française permettant de nourrir le pays, les commentaires faisant état d’un changement de perception de l’agriculture par la population et par le gouvernement ont été nombreux.
Nouvelle ère
C’était le cas d’Eric Fretillere, agriculteur en Dordogne et président d’Irrigants de France, « ce fut un mouvement exceptionnel. Vous n’avez pas idée de ce qu’il va apporter. Il aura de fabuleuses répercussions », a-t-il indiqué aux agriculteurs présents. « Le grand public aime ses agriculteurs. Il a bien compris que c’est nous qui produisions son alimentation ».
Estimant que ses responsabilités nationales lui donnent une vision quelque peu optimiste, il l’assume et a eu envie de la transmettre. « Un basculement est en route. Vous avez montré la puissance du monde agricole. Nous allons entrer dans une nouvelle ère au sein de laquelle l’agriculture et la souveraineté alimentaire seront reconnues et l’agriculture considérée au même niveau que l’environnement », a-t-il ajouté.
Franck Doucet, l’ancien président de l’ADI 38, très actif dans l’organisation du barrage du Châtelard sur l’A48, pense aussi qu’elles vont permettre un revirement. Il y croit sincèrement.
Quant à Jean-François Charpentier, le président de l’ADI 38, il estime que « la balle est dans notre camp. Nous devons continuer à être présents pour nous faire entendre. Nous sommes certainement au début d’un grand livre. A nous de faire en sorte que ses pages correspondent à nos attentes. Nous avons les moyens d’avoir l’opinion avec nous ».
Géographe et universitaire, Sylvie Brunel s’est exprimée sur le sujet avec un peu plus de hauteur. Mais elle partage leur enthousiasme. Elle a rappelé à l’envie à quel point l’irrigation était indispensable pour continuer de produire en France. Et elle a enjoint les irrigants « à ne pas perdre le bénéfice de cette colère exprimée ». « Il y a une fenêtre d’opportunités qui s’ouvrent à vous. Vous devez être fiers de produire, d’irriguer, de protéger », leur a-t-elle clamé.
IB