Circuits courts
Les magasins de producteurs isérois veulent réaffirmer leur identité auprès des consommateurs

Isabelle Brenguier
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Les magasins de producteurs ont encore de l’avenir. S’ils constituent des projets collectifs qui perdurent, ils nécessitent un fort engagement humain, de bonnes conditions d’implantations et beaucoup de communication.

Les magasins de producteurs isérois veulent réaffirmer leur identité auprès des consommateurs
Les associés de sept magasins de producteurs isérois se sont rassemblés le 5 octobre dernier, dans le magasin de producteurs « Un bout de campagne » à Claix, pour rappeler aux consommateurs l'intérêt de consommer dans ces établissements.

Ils veulent se rappeler au bon souvenir des consommateurs isérois. Plébiscités pendant la crise sanitaire, certains magasins de producteurs du département ont un peu le sentiment d’être laissés de côté aujourd’hui.
Une étude réalisée par la Chambre d’agriculture de l’Isère sur les volumes de vente dans les points de vente collectifs (PVC) auprès d’un échantillon de neuf établissements, atteste toutefois que le constat n’est pas général.
« Cinq magasins ont connu une baisse allant de -20 % à -5%, quand quatre ont connu une augmentation allant de 1 % à près de 15 % », détaille Céline Legeay, conseillère circuits courts à la chambre d’agriculture.
Pour autant, les agriculteurs veulent être vigilants et rappeler le concept et l’intérêt de ces magasins au grand public. D’où l’action de communication organisée le 5 octobre dernier au sein du magasin « Un bout de campagne » à Claix par les associés de sept magasins (1).

Engagement

« Nous voulons réexpliquer ce que sont les magasins de producteurs, c’est-à-dire, des magasins créés par des agriculteurs qui se sont rassemblés dans un collectif pour commercialiser directement leurs produits -fermiers- sans passer par un intermédiaire. Nous voulons leur rappeler qu’ils nécessitent un fort engagement de notre part car, en plus du temps consacré à la préparation et à l’acheminement des produits, à leur réassort, à la gestion du magasin, nous devons être présents au moins une demi-journée par semaine pour assurer nous-mêmes leur vente », expliquent d’une même voix Sandrine Gilloz, du magasin « Le Palais fermier », à Chatte, Géraldine Reynier, des « Saveurs paysannes », à Crémieu, et Sylvain Bernard, d’« Un bout de campagne » à Claix et de « la Ferme de Bonne », à Grenoble, grâce auxquels il commercialise 98 % de sa production.

Agriculture locale

« C’est aussi une opportunité pour nous d’aborder la question du prix des produits. On nous dit parfois que nous sommes chers. Mais, dans ce contexte d’inflation généralisée, nous sommes chers par rapport à quoi ? A qualité égale, nos produits ne sont pas plus onéreux que ceux présents dans d’autres magasins », insiste Sandrine Gilloz.
« Nous voulons également montrer aux consommateurs qu’en achetant dans nos magasins, ils ont accès à des produits locaux de qualité, soutiennent l’agriculture locale et notre rémunération. C’est un mode de commercialisation qui permet autant aux producteurs qu’aux consommateurs de s’y retrouver », avancent encore Sylvain Bernard et Régine Oddos, du magasin « Un bout de campagne » à Claix.

Meilleure rémunération

Plusieurs raisons conduisent les agriculteurs à faire le choix du PVC pour vendre leurs produits.
Ils leur permettent de les commercialiser en vente directe sans être toujours présents, de ne pas partager leur marge avec un intermédiaire, d’avoir une meilleure rémunération et également de sortir de leurs fermes pour rencontrer leurs clients et leur expliquer leurs modes de production.
« Grâce à ces magasins, nous pouvons aussi nous constituer de nouveaux réseaux professionnels. L’entraide est facilitée. Et nous voyons même naître des amitiés », souligne Sylvain Bernard.
Mais ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas toujours présents qu’il faut sous-estimer le temps investi.
Producteur de volailles dans la Drôme, associé du magasin « Le Palais fermier » depuis ses débuts, Xavier Dimberton assure que faire partie d’un point de vente collectif nécessite beaucoup de temps et d’implication.
« Il faut en être conscient quand on s’engage et qu’on devient associé. On ne vient pas seulement déposer ses produits », insiste-t-il.

Clés de réussite

Il n’est pas forcément aisé d’identifier les clés de réussite ou d’insuccès des magasins de producteurs.
Pour autant, au regard de l’expérience acquise depuis plusieurs dizaines d’années, certains paramètres s’imposent.
L’emplacement, la situation à côté d’autres magasins attractifs, la proximité d’un parking, la signalétique, un magasin agréable, une gamme de produits variée, disponible tout au long de la semaine et renouvelée au fil du temps, en font partie.
« En permanence, il faut s’adapter à la demande et ne jamais s’endormir, car rien n’est jamais acquis », reconnaît Jérôme Guidec, producteur de canards à La Sône et associé du « Palais fermier ».

Savoir travailler ensemble

La communication participe aussi à ce qu’un établissement fonctionne bien. C’est pourquoi, ils sont plusieurs à organiser des évènements durant l’année ou à avoir créé des comptes sur les réseaux sociaux leur permettant de mettre en avant leurs nouveautés, de partager leurs actualités ou des recettes... Un autre moyen d’exister.
Certains de ces facteurs sont difficilement quantifiables mais ils ont leur importance et ne doivent pas être négligés. Les responsables des magasins en sont convaincus.
En outre, s’il est un autre paramètre essentiel à la réussite d’un point de vente, c’est la bonne entente entre les associés. « La question des relations humaines est extrêmement importante », souligne Jean-Claude Darlet, le président de la Chambre d’agriculture de l’Isère.
« Le « savoir travailler ensemble » est indispensable », ajoute Céline Legeay. « Les signaux peuvent être au vert dans tous les autres domaines, si le groupe « n’a pas pris », cela va être compliqué. C’est pourquoi, nous insistons pour que les futurs associés suivent une formation en la matière au début du parcours de création du point de vente. Car même si les futurs partenaires s’entendent très bien au début, dès qu’on partage des enjeux économiques, il faut se montrer très vigilant », avertit la conseillère.

Isabelle Brenguier
(1)   Saveurs paysannes, Le Palais fermier, Les Délices des champs, Herbe et coquelicot, Un bout de campagne, La ferme de Bonne, Le Comptoir paysan

 

Nouveau magasin, nouvelles perspectives
Xavier Dimberton est producteur de volailles et associé du « Palais fermier » à Chatte.
Projet d’entreprise

Nouveau magasin, nouvelles perspectives

Le magasin de producteurs « Le Palais fermier » à Chatte, a déménagé pour développer sa gamme.

Ils croyaient en leur projet. Ils sont aujourd’hui fiers du résultat. Trois mois après le déménagement de leur magasin « Le Palais fermier », implanté à Chatte à 150 mètres de son site initial, ses associés portent un regard très positif sur l’opération.
« Les clients que nous avions auparavant continuent de venir et nous en avons gagné d’autres grâce à ce nouvel emplacement, bien situé à côté d’autres magasins et d’un parking », explique Xavier Dimberton, producteur de volailles et associé.
« Nous avons créé ce point de vente en 2008. Depuis, il a connu plusieurs phases de développement, entre une augmentation successive des jours d’ouverture et un réagencement du site en 2017 pour optimiser la place et étendre notre gamme de produits. Mais cela n’a pas suffi. Nous avons continué de progresser. En 2022, l’opportunité d’un emplacement prometteur, à côté d’un parking et d’un ensemble de commerces diversifiés nous a fait faire le choix de l’agrandissement », poursuit Jérôme Guidec, producteur de canards à La Sône et associé.

Meilleures conditions de travail

Les premiers résultats dépassent les espérances des agriculteurs impliqués.
« Depuis le déménagement, le 11 juillet dernier, notre chiffre d’affaires a augmenté de plus de 20 %. Notre première volonté était que chaque associé ainsi que les dépôts-vendeurs que nous avions déjà, puissent étendre leur gamme. Nous souhaitions aussi qu’il y ait plus de place, de façon à ce que les clients puissent mieux voir les produits. Ces changements se voient dans les paniers moyens. Ils sont plus importants qu’avant », avance Jérôme Guidec.
En doublant la surface de leur magasin, en étant attentifs à sa décoration, les dix associés souhaitaient aussi offrir de meilleures conditions de travail à leurs cinq salariés.

Le coût de l’investissement s’élève à environ 500 000 euros.

Conseillère circuits courts à la Chambre d’agriculture de l’Isère, Céline Legeay estime qu’« un magasin qui a plus de 15 ans, qui se développe et qui a besoin d’agrandir sa surface, montre bien qu’il y a un avenir pour ces établissements ».

IB

« Il y a encore de la place »

Premier département français en nombre de points de vente collectifs, l’Isère compte aujourd’hui 24 magasins de producteurs (1), approvisionnés par près de 700 producteurs proposant une très large gamme de produits allant des légumes aux cosmétiques en passant par les produits laitiers, la viande, les fruits, le miel... Ils représentent 27 millions d’euros de chiffres d’affaires.
Depuis la création de ces magasins, la  Chambre d’agriculture de l’Isère accompagne les projets des agriculteurs souhaitant se lancer.
De l’émergence de l’idée à l’ouverture de l’établissement, elle propose un parcours complet aux futurs chefs d’entreprise.
Jean-Claude Darlet, le président de la Chambre d’agriculture de l’Isère l’assure : « Nous avons toujours la volonté de créer de nouveaux magasins. Étant donné le nombre de consommateurs que nous avons la chance d’avoir dans le département, les circuits courts ont toujours leur place. Mais il convient cependant de ne pas déstructurer l’existant. En amont de la mise en œuvre des projets, il faut bien étudier leur faisabilité. Il faut être prudent et veiller à ne pas en créer de nouveaux dans des zones saturées. Mais il reste des territoires où il y en a peu, où il y a encore de la place ».

IB

(1) Pour des raisons différentes, les magasins de Coublevie et de La Mure sont fermés. Les associés de La Mure cherchent de nouveaux locaux.