Syndicalisme
La voie du troisème type

Début décembre, la FDSEA a organisé une assemblée de territoire où il a beaucoup été question, pour les agriculteurs, de reprendre en main son destin et de créer de nouvelles filières pour offrir des perspectives aux céréaliers en plein désarroi.
La voie du troisème type

Excepté dans la filière laitière où il y a eu quelques avancées, « le compte n'y est pas », répètent les responsables syndicaux à chaque assemblée de territoire. Les Etats généraux de l'alimentation (EGA) ont accouché d'une souris, ou plutôt d'une loi « pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole » qui ne tient pas ses promesses. « Pour la construction du prix, il y a encore des choses à faire avancer », a ainsi convenu Jérôme Crozat, le président de la FDSEA, lors de l'assemblée de territoire qui s'est tenue à Trept le 3 décembre. « Et pour les céréales ? », s'enquiert un agriculteur.

Dans la salle, rares sont ceux qui ont bénéficié de retombées au sein de leur exploitation, à part les céréaliers ayant contractualisé avec des filières de qualité, comme le blé du Père François. « Tout ce qui est hors grande distribution n'est pas touché par les EGA, que ce soit les marchés exports ou les circuits courts », prend soin de préciser Christian Ollès, le directeur de la FDSEA.

Ce petit rappel oriente les débats sur l'avenir de la profession. « Dans le secteur, pourquoi ne recréerait-on pas des mini-coopératives entre paysans, car les coop créées par nos grands-parents ne sont plus entre nos mains aujourd'hui, lance un exploitant originaire de Leyrieux. On s'engagerait à mettre nos productions en commun et comme ça on pourrait mieux négocier les prix avec des entreprises comme Bernard ou Cholat... » Didier Boichon, producteur de céréales à Chozeau, conseille plutôt d'essayer de « changer les choses de l'intérieur » en s'impliquant comme administrateur au sein des coopératives existantes. Et il ajoute : « Ceux qui font de la vente directe sont revenus en arrière. Est-ce que c'est rentable ? Je pose la question... »

Troisième voie

La discussion s'engage sur la commercialisation et les circuits courts. « On sait bien qu'avec les céréales, on n'a plus la main, accorde Jérôme Crozat. Mais d'autres entreprises jouent le jeu. Notre préoccupation aujourd'hui, c'est de développer une troisième voie entre circuits courts et filières longues. Que peut-on faire par exemple pour alimenter la restauration hors domicile ? » Le président de la FDSEA évoque la marque IsHere et les démarches engagées par le Pôle agroalimentaire. « Mais c'est de la niche ! Ce n'est pas ça qui va nous sortir d'affaire ! », rétorque Didier Boichon.

Le responsable syndical ne le contredit pas. Il propose en revanche aux agricutleurs de « se prendre en main » et d'étudier la possibilité de développer de nouvelles filières, dans le cadre de la PAC notamment. Il parle des légumes de plein champ (pommes de terre, oignons, carottes…) pour répondre à la demande locale, du steak haché surgelé ou en encore du lavandin. Revenant sur cette dernière piste, Jérôme Crozat annonce que le syndicat va travailler sur le sujet dès le début de l'année (un groupe de travail est en cours de constitution avec les agriculteurs) et voir comment impliquer les collectivités dans la démarche « parce que le lavandin, c'est aussi une image ».

Des cacahuètes ou du soja ?

Autour de la table, la plupart des agriculteurs semblent circonspects. « S'il y a des filières qui se créent, pourquoi pas, mais on ne sait plus quoi faire : on n'a plus rien pour traiter, résume Gilles Griot, exploitant en grandes cultures à Chamagnieu. On nous a dit de faire de l'ail, on en a fait : on a bouffé des parts sociales. On nous a dit de faire de la luzerne : on en a fait. On a bouffé des parts sociales. » Et Lionel Moyne-Bressand, irriguant à Courtenay, de renchérir : « On bouffe de l'argent depuis des années. On nous a poussés à irriguer, du coup on arrose plein pot le maïs, on se fait eng... et on voit ce que ça donne : ça rapporte peanuts ! »

Le leader syndical ne se démonte pas. « Je ne dis pas que c'est évident, mais il y a des choses à faire, répond-il. Bien sûr que vous avez tenté des choses et qu'il y a eu des échecs. Mais qu'ont fait vos parents ? Ils ont changé leurs méthodes de production. A nous de faire pareil. Il y a des possibilités, des légumeries qui se montent, comme celle Saint-Quentin-Fallavier. Aujourd'hui, ce n'est plus durable de nous dire de continuer à faire du maïs. » Marc Ratigner lance alors : « Et si on essayait le soja pour l'alimentation humaine ? Avec tous ces gens qui deviennent végans, il y a sûrement quelque chose à faire au niveau régional. » La boutade fait mouche.

Marianne Boilève

Pour le retour du droit d'affût

« C'est chouette : je vois que les dégâts de sanglier ont fortement baissé ! » Didier Boichon commente avec humour le bilan départemental sur l'évolution des surfaces détruites (par les sangliers) selon les différentes cultures. dans sa commune, à Chozeau, c'est apparemment le bazar. « Il y a des sangliers de partout, mais quand les chasseurs les cherchent, ils ne les trouvent pas. Nous sommes dans l'UG pourrie de l'Isère ! » 
Le propos n'est pas tendre, mais il en dit long sur l'exaspération des agriculteurs. Jérôme Crozat explique qu'il a interpelé la présidente de la Fédération des chasseurs de l'Isère à ce sujet et qu'il faut impérativement faire remonter tous les dégâts au syndicat. Le directeur ajoute que la FDSEA va remettre en place une formation permis de chasse et qu'il existe un système de malus pour les unités de gestion ne remplissant pas leurs missions. « Et c'est appliqué ? » sonde Didier Boichon qui demande la (re)mise en place du droit d'affût (1), supprimé en 1968 en contrepartie d'indemnisations versées par les Fédérations de chasse. « Le droit d'affût, les chasseurs n'en veulent pas, assène-t-il. Et ils ont créé les ACCA pour empêcher les agriculteurs de régler le problème eux-mêmes. »
MB
(1) Possibilité donnée aux agriculteurs de chasser librement le grand gibier pénétrant dans leurs parcelles.