Agroécologie

De la restauration rapide à la restauration de haies

A deux pas de Lyon, dans une zone périurbaine rongée par les entrepôts logistiques, la valeur des sols agraires et leur état de conservation sont devenus l’objet de certains égards.
Et c’est à Saint-Quentin-Fallavier, à l’EARL Barthalay, que McDonald’s France a choisi de replanter des haies dans le cadre de son opération pilote « d’agriculture régénérative ».
Dans une commune où la moitié des surfaces est en zone industrielle, l’exploitation a su conserver son foncier agricole, mais ses associés sont aussi attentifs à la qualité du sol. C’est pourquoi ils nouent des partenariats avec différents acteurs au bénéfice de solutions agronomiques.

Nawafal Trabelsi, Pdg de McDonald's France

Avec la coopérative Oxyane, ils sont au cœur du nouveau programme du géant de la restauration rapide qui souhaite planter « 20 000 arbres et haies chez les producteurs de blé contractualisés en trois ans », ainsi que l’annonce son PDG, Nawafal Trabelsi. 

Du temps et des moyens

« Nous produisons du blé McDo CRC depuis quatre ans, avance Florence Prudhomme, agricultrice associée de l’EARL. Nous développons les filières sur l’exploitation pour dégager une valeur ajoutée économique et une reconnaissance auprès des consommateurs. Nous replantons sur des parcelles où il y avait des haies initialement, mais qui ont disparu avec les aléas climatiques : précipitations, sécheresse, érosion. »

Florence Prudhomme et Grégory Barthalay, de l'EARL Barthalay

Peu à peu, toutes les parcelles retrouvent leurs haies. Les exploitants soulignent l’intérêt agroécologique, qui guide leur conduite d’exploitation, ainsi que la protection de la biodiversité et « la bonne entente avec les voisins » épargnés des inondations.
McDonalds France finance à Saint-Quentin-Fallavier 265 mètres de haie linéaire. Les producteurs avaient également mené des opérations similaires avec la société de chasse et ont aussi signé un PSE ⁽¹⁾ avec la Communauté d'agglomération Porte de l'Isère (Capi). 
Ils font partie des exploitations qui, via leur coopérative, ont noué des relations plus proches avec le restaurateur « ce qui permet de travailler sur des projets à long terme », souligne Eloi de la Celle, directeur des achats Mc Donald’s France.
Deux coopératives sont en effet à la manœuvre, Oxyane en région Auvergne-Rhône-Alpes et Valfrance en Ile-de-France.
En tout, 60 exploitations participent à cette expérimentation.

Dominique Chargé, président de la Coopération agricole

« Il nous faut du temps et des moyens, tient à rappeler Dominique Chargé, président de la Coopération agricole. Cela afin de mesurer l’effort fait par le monde agricole pour la transition et pour l’adaptation aux défis agroécologiques. »
Il indique que la Coopération agricole s’est engagée dans une ambition Zéro émission nette « dont la feuille de route sera présentée au prochain salon de l’agriculture ». Elle a besoin pour cela d’innovations, d’expérimentations : « d’inventer 400 000 solutions pour 400 000 pratiques différentes en France ».  

15 km de haies

Dans les fermes qui travaillent avec McDonald’s France, cela s’est déjà traduit depuis 2010 par « 70 innovations testées dans 80 parcelles », soit « plus de 50 pratiques agroécologiques » déployées sur ses cinq principales filières, indique le restaurateur. L’implantation de haies sur plusieurs étages, comme c’est le cas à Saint-Quentin-Fallavier, permet non seulement de limiter l’érosion, mais aussi de freiner le vent, en sorte que le blé puisse se réchauffer plus vite, et favorise la biodiversité. 
Oxyane, travaille depuis quatre ans avec McDonald’s en lien avec les meuniers Grands moulins de Paris et le groupe Soufflet. Jean-Yves Colomb, son président, dit sa fierté de produire pour ce partenaire dans le cadre de solutions « conconstruites en partenariat », insiste-t-il.



Les contrats couvrent près de 2 000 ha entre blés de force pour les pains rond des burgers ou blés meuniers pour les muffins, tous conduits en qualité CRC label rouge.
Au-delà d’un prix rémunérateur, McDonalds financera en région l’implantation de 500 m linéaires de haies dans 30 exploitations adhérentes de la coopérative Oxyane, soit 15 km. 

Souveraineté alimentaire

« En 2020, nous avons établi notre sixième bilan de réduction des émissions de carbone, annonce Nawafal Trabelsi. Depuis 2005, nous avons réduit de 16% nos émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de nos transactions sur tout le périmètre de notre activité. Notre objectif est d’atteindre une réduction de 35% en 2030. L’agriculture de régénération est un pilier de cette stratégie que nous menons en nous appuyant sur nos fournisseurs et la contractualisation. »
Le PDG de McDonald’s France fait valoir les « intérêts mutuels » de tous les acteurs. Car Dominique Chargé insiste sur la question de la rémunération des agriculteurs, du maintien de la compétitivité des exploitations dans le cadre de cette transformation du modèle agricole.
Si la filière aval est partie prenante à l’instar de McDo, il estime aussi qu’il « n’est pas possible que cela ne coûte pas plus cher au consommateur ». Il en appelle à une prise « de conscience collective », au nom de la souveraineté alimentaire.

Isabelle Doucet

(1) Paiement pour service environnementaux