Le robot Sentiv, développé par la start-up iséroise Meropy, scanne les cultures pour en identifier tous les agresseurs. Une dizaine d’exemplaires vont entrer en application.
C’est un drôle d’insecte qui se déplace désormais dans les champs. Sentiv est un robot embarqué sur deux roues d’un mètre de diamètre montées sur douze rayons.
Bourré d’électronique, de capteurs et de caméras, il surveille et scanne les cultures. Ravageurs, adventices, maladies, il a l’œil sur tout. Ce robot est développé par la start-up Meropy (Crolles, 8 salariés), créée en 2019 par Guillemin Raymond et William Guitton, respectivement roboticien et ingénieur agronome.
En phase de décollage, l’entreprise s’apprête à livrer sur le marché une dizaine de ses engins et prévoit une levée de fonds d’un million d’euros cette année.
« L’idée est venue d’un besoin, explique William Guitton. Avec nos connaissances dans le monde agricole et le numérique, nous voulions proposer aux agriculteurs une solution simple à utiliser pour surveiller la pression sur les cultures. »
Intelligence artificielle
Sentiv est capable de délivrer « une information au m2 près », assure le dirigeant. Et répond donc à la nécessité « de rationaliser les pratiques et de réduire les doses d’intrants ».
« Nous sommes les seuls au monde à avoir un tel vecteur, peu coûteux et capable de fournir autant de données. Le potentiel de l’entreprise repose dessus », assure William Guitton.
Car ce qui fait la force de ce robot, c’est son intelligence artificielle. La collecte des données, leur extrême précision, permet de délivrer une cartographie de la parcelle et un diagnostic ciblé.
Dans les locaux de l’atelier relais de la ville de Crolles où est installée la start-up, les ingénieurs travaillent sur des bases de données de façon à « entraîner l’intelligence artificielle » et ainsi améliorer la traque de la moindre pousse de mauvaise herbe, trace de fusariose ou arrivée d’insecte.
« C’est un cercle vertueux, plus nous aurons de robots qui tournent et plus nous enrichirons notre base de données », note le dirigeant.
Les principaux clients de Meropy sont les coopératives, le négoce, les semenciers, les instituts techniques et de recherche « et tous les acteurs qui font de la prescription technologique au monde agricole », précise William Guitton.
Les bénéficiaires sont les agriculteurs, de façon à optimiser leurs itinéraires culturaux et à baisser leurs IFT (1), en sachant quand intervenir au plus près de la plante.
Les tests et la qualification de Sentiv sont menés sur les parcelles de céréales de David Amblard, à Saint-Nazaires-Les-Eymes. Le robot a connu de nombreuses versions. Son développement épouse le pas de temps de l’agriculture, le cycle des cultures. Réputé autonome, les ingénieurs veulent limiter au maximum les risques en bordures de parcelle ou de sortie de zone de Sentiv.
L’objectif est de pouvoir installer plusieurs robots dans des parcelles d’un secteur, les laisser établir leur cartographie pendant 8 heures et les récupérer en fin de journée.
Sentiv présente l’avantage d’être rapidement escamotable et facilement transportable. Les rayons des roues se fixent en quelques secondes et il ne pèse que 15 kg.
Il peut intervenir durant toute la phase de levée des cultures, mais les ingénieurs réfléchissent aussi à des rayons télescopiques pour augmenter le diamètre des roues et pouvoir enjamber les plantes encore plus longtemps.
Enjeux parallèles
Repérée avant même d’avoir lancé son premier prototype, la start-up a présenté son projet dans des salons nationaux et internationaux et s’est distinguée par de nombreux prix. L’occasion pour les créateurs de prendre la mesure « des enjeux parallèles ».
« À chaque fois que nous allons au Salon de l’agriculture, on nous demande si notre robot peut faire peur aux oiseaux », expliquent les créateurs. L’effarouchement, ils n’y avaient absolument pas pensé.
« Nous allons livrer un robot en Bretagne pour un dispositif expérimental mené par le CTIFL et un semencier sur le brocoli », déclare William Guitton.
Si Sentiv est capable de faire peur aux corneilles corbeaux, pigeons et autre choucas au moment des semis, cette nouvelle application peut offrir une diversification du produit sans le complexifier.
« Les gens qui voient notre robot se projettent. À l’origine, c’est un robot enjambeur de grandes cultures et nous n’aurions pas pensé qu’il puisse être utilisé en maraîchage ! »
Maïs, lavandes, les développeurs sont prêts à relever les défis, à condition que des partenaires les épaulent.
Dès sa création, la start-up a su s’entourer.
Les créateurs ont bénéficié du dispositif Arce, d’Aide à la reprise et à la création d’entreprise pour les demandeurs d’emploi.
Ils ont été accompagnés par le Réseau entreprendre, ce qui leur a permis d’obtenir un prêt d’honneur, un prêt bancaire et aides BPI. Ils ont aussi été incubés par le Village by CA.
Ils ont effectué une première levée de fonds au printemps 2022 avec les Business angels de Grenoble et ont également bénéficié de subventions.
Ils commencent aussi à dégager un peu de chiffre d’affaires et préparent une nouvelle levée de fonds d’environ un million d’euros.
« Nous avons fait beaucoup de concours et de prix, mais nous avons arrêté car c’est trop chronophage », expliquent les deux créateurs.
Aujourd’hui, la start-up « fabless » a confié la fabrication de Sentiv à Axandus, une société lyonnaise, accélérateur industriel qui accompagne les jeunes pousses dans les préséries et les séries.
Lors de la visite du sous-préfet à la relance, Samy Sisaid.
L’entreprise sera lauréate France 2030 en Agritech. Le plan mobilise 1,5 milliard d’euros au bénéfice de la transition agroécologique. Une dizaine d’appels à manifestation d’intérêt sont en cours.
Isabelle Doucet
(1) Indice de fréquence de traitement