FILIÈRE QUALITÉ
Egalim 2 : les AOP laitières demandent une exemption

La fédération des appellations laitières souhaite que les fromages AOP soient exemptés de l'article 4 de la loi qui oblige les fournisseurs à faire la transparence sur le coût de la matière première agricole dans les tarifs qu'ils présentent à leurs clients.

 

Egalim 2 : les AOP laitières demandent une exemption
Les fromages AOP demandent à être exemptés de l'obligation de transparence sur le coût de la matière première agricole dans les conditions générales de vente (CGV) envoyées par les industriels à leurs clients.

À l'instar des vins et spiritueux, les fromages AOP demandent à être exemptés de l'obligation de transparence sur le coût de la matière première agricole dans les conditions générales de vente (CGV) envoyées par les industriels à leurs clients. Un dispositif instauré par l'article 4 de la loi Egalim 2, adoptée en octobre. Le conseil national des AOP laitières (Cnaol) a « engagé un travail » auprès du ministère de l'Agriculture pour que les fromages sous appellation d'origine soient intégrés à la liste des produits exclus du champ d'application de l'article 4 de la loi. Aux côtés des boissons alcoolisées, un décret d'application du 29 octobre exclut, entre autres, le miel, les fruits et légumes frais, les céréales, les sucres et les huiles végétales. Des exemptions dues à des particularités de marché et de production. Dans le cas des vins et spiritueux, la date de commercialisation est décorrélée de la production : une bouteille de vin peut être commercialisée plusieurs années après la récolte du raisin. Et la matière première agricole ne représente qu'une petite partie de la valeur totale d'une bouteille.

Des conséquences potentiellement néfastes

Un argument repris par la fédération des appellations laitières qui estime que l'obligation de transparence n'est pas adaptée à ses produits. Le délégué général du Cnaol, Sébastien Breton, considère ce dispositif « plutôt vertueux », mais signale « des conséquences induites ». « Restreindre la valeur économique d'un produit AOP laitier seulement au poids du lait entrant dans la transformation de produit, c'est la réduire très fortement, argumente-t-il. On est sur un produit qui a une valeur alimentaire, mais aussi culturelle, sociétale et symbolique, que les consommateurs sont prêts à valoriser ». Le risque, selon lui, est que les distributeurs soient tentés de renégocier « à la baisse ». « Ce qui n'est pas du tout l'objectif d'Egalim 2. » L'idée d'un rééquilibrage des rapports de force entre producteurs, industriels et distributeurs a été un signal fort dans la plupart des filières, où l'amont agricole avait du mal à peser. Mais elle a connu beaucoup moins de résonance parmi les cinquante-et-une AOP laitières françaises. Le cadre des appellations d'origine permet déjà « une forme de bouclier avec la distribution et au sein même de la filière » et, de façon générale, une meilleure répartition de la valeur, assure Sébastien Breton qui est aussi le directeur de l'association des fromages traditionnels des Alpes savoyardes (Aftalp). « La mise en place de règles de régulation de l'offre permet aussi une régulation de la mise sur le marché des produits et d'éviter une forme de dumping à la baisse qui pourrait exister par la distribution ou des acteurs intermédiaires pour contraindre les opérateurs à baisser les prix », rappelle-t-il.

Les fournisseurs en position de force

Les AOP de l'Est de la France (Savoie-Jura) sont nombreuses à avoir mis en place de tels outils de régulation, et sont souvent celles où le ruissellement de la valeur fonctionne le mieux. Ce sont aussi les plus mobilisées sur le dossier de l'exemption à l'article 4. Le président de la coopérative du Beaufortain, Yvon Bochet se dit « gêné » par cette obligation de transparence qui contraint le transformateur « à fournir le détail de son prix » et donc de « ses marges ». S'il ne remet pas en cause l'intérêt de la loi Egalim 2, il explique que les transformateurs de Beaufort sont en position de force par rapport à leurs acheteurs, en raison d'un manque de fromage par rapport à la demande. « Nous proposons un prix et nos clients achètent ou ils n'achètent pas. » Peu ou pas de négociation donc, et un prix d'achat suffisamment élevé pour renoncer aux dispositifs corrélés à l'obligation de transparence : la garantie de la non-négociabilité du coût de la matière première agricole et la clause de révision automatique des prix en fonction de la variation de ce coût.

J.G