Bergère depuis cinq ans, Juliette Fortunier commence une saison atypique. Tout au long de l’été, elle va soutenir ou remplacer les bergers des alpages isérois qui ont besoin de renfort.
De la Matheysine à Belledonne, en passant par l’Oisans, le Vercors ou la Chartreuse. Tel sera l’été de Juliette Fortunier, bergère, embauchée pour venir en appui des bergers « titulaires » ayant besoin d’un coup de main ou d’être remplacés.
A la mi-juillet, alors qu’elle vient de rejoindre l’alpage de Claran dans le nord du massif de Belledonne, elle en est déjà à sa quatrième intervention.
Recrutée par les partenaires du nouveau dispositif de berger d’appui (1) pour son expérience et ses capacités d’adaptation, la jeune femme entame sa cinquième saison en alpages.
Âgée de 32 ans, issue d’une famille d’éleveurs de la Loire, Juliette Fortunier ne pensait pas devenir bergère. Après avoir suivi une formation de géographie en aménagement rural, elle a travaillé pour la Fédération des alpages de l’Isère (FAI).
Juliette Fortunier
La curiosité, des rencontres avec des bergers, un goût prononcé pour la montagne, le travail en extérieur et les brebis, lui ont donné envie de découvrir et d’exercer ce métier.
« Se voir confier des troupeaux est une lourde responsabilité. On veut bien faire, mais on doit composer avec de nombreuses incertitudes sur les ressources en eau ou en fourrage, les conditions climatiques, les risques de prédation. Ce n’est pas facile. C’est un travail exigeant et physique. Il nécessite d’être endurant car aux côtés des moutons, on marche beaucoup, dans des terrains en pentes et par n’importe quel temps », confie la jeune femme, mettant également en avant qu’il implique des compétences techniques pour soigner les blessures des animaux.
Elle estime cependant qu’il est plus facile d’exercer ce métier quand les conditions de logement ou quand les équipements fournis sont bons. « Être bien logée, bien considérée, pouvoir mettre en place des parcs de tri ou une infirmerie, sont autant de facteurs qui font la différence », souligne-t-elle.
Rôle de soutien
Pour devenir bergère, Juliette Fortunier a suivi une petite formation sur le métier et une autre sur les chiens de troupeau. Elle a aussi effectué des visites d’alpages et a beaucoup échangé avec des bergers.
En devenant bergère d’appui, elle sait qu’elle devra effectuer de nombreuses tâches et missions, et qu’elle se retrouvera dans des situations très différentes.
« Ce n’est pas tout à fait le même métier. Il faut avoir envie de s’adapter tout le temps. Cela me plaît, car je suis très curieuse et j’aime découvrir de nouveaux endroits, de nouvelles personnes. C’est un voyage en Isère que je suis en train de faire », avance-t-elle, tout sourire.
Le planning de la jeune bergère composé de missions de quelques jours à quelques semaines, est déjà bien rempli. Mais il n’est pas finalisé.
Souhaitant être disponible pour le plus grand nombre, elle imagine qu’elle devra peut-être hiérarchiser ses interventions, si des situations très compliquées survenaient.
Elle sait aussi déjà que moralement, elle aura un rôle de soutien important à jouer auprès des bergers qui subissent beaucoup de stress à cause des problèmes de prédation.
Elle officiera dans les alpages isérois jusqu’au 15 septembre.
Pendant le reste de l’année, Juliette Fortunier travaille comme fromagère et enseignante. Elle effectue régulièrement des vacations à l’Isara (École d'ingénieurs en agronomie, agroalimentaire et environnement) à Lyon.
Isabelle Brenguier
(1) Le Département de l’Isère, la Fédération des alpages de l’Isère, Agriemploi38 et la MSA des Alpes du Nord.
Soutien itinérant
Depuis l’année dernière, Anne et Frédéric Baffert montent leur troupeau de brebis à l’alpage de Claran. Séduits par le dispositif de berger d’appui, ils se réjouissent d’en profiter.
L’alpage de Claran, sur les hauteurs du Collet d’Allevard au nord de Belledonne, dans la commune de La Chapelle-du-Bard, accueille le troupeau de 700 brebis de race mérinos d’Anne et Frédéric Baffert, éleveurs dans les Hautes-Alpes.
Cet été, il est gardé par Charlène Chesnier et Robin Gerber. Mais durant quelques jours, le couple est épaulé par Juliette Fortunier, bergère, embauchée en appui grâce au dispositif porté par le Département de l’Isère, la Fédération des alpages de l’Isère, Agriemploi38 et la MSA des Alpes du Nord.
« La palette d’interventions est très large. Il s’agit autant de mettre en place des parcs, que de soigner des animaux, ou remplacer un berger qui doit s’absenter pour une urgence ou parce qu’il a besoin de quelques jours de repos », explique la jeune femme.
Elle ajoute : « Le métier est exigeant. Les bergers sont des gens comme tout le monde. Il est bon parfois d’anticiper, de demander de l’aide, avant d’être complètement épuisé ».
La présence dans les alpages de l’Isère de la bergère permettra peut-être aussi une meilleure circulation de l’information.
Forte de ses compétences, elle pourra également contribuer à la formation de bergers moins expérimentés et permettre la transmission de bonnes pratiques. Il est aussi prévu qu’elle sensibilise bergers et employeurs à la question du droit du travail.
Même s’il est difficile de compter ses heures, elle est embauchée via un contrat de 44 heures hebdomadaires pour un salaire net mensuel de 3 000 euros.
« Une aubaine »
Jusqu’à la mi-juillet, l’ambiance dans les alpages isérois était encore « plutôt tenable ». Grâce à la venue de Juliette Fortunier, les éleveurs Baffert font paître les brebis dans le quartier de la Balme, qui depuis quelques années, n’était plus exploité.
« Avant, il n’y avait que de la prairie, mais il a été recolonisé par les rhododendrons et les myrtilles », détaille Frédéric Baffert, ravi de la venue de la jeune femme, considérant la mise en place du dispositif comme « une aubaine, une aide qui peut nous sauver psychologiquement face à des situations en alpages qui se dégradent, avec des problèmes de prédation de plus en plus récurrents et stressants. Je pense que ce soutien peut nous apporter de la sérénité, nous rassurer », estime-t-il.
Car d’expérience, les différents acteurs de la montagne savent bien que dans les semaines à venir les attaques de loup sur les troupeaux vont se multiplier et le quotidien des bergers va s’en trouver détériorer. L'aide apportée par Juliette Fortunier sera alors encore plus appréciée.
IB
Charlène Chesnier, la bergère de l'alpage de Claran.
Berger d’appui
A l’origine de la mise en œuvre du dispositif, Fabien Mulyk, vice-président du Département en charge de l’agriculture, croit en ses bénéfices.
Il aurait d’ailleurs souhaité davantage de moyens (notamment de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) pour que chaque massif isérois ait son propre berger d’appui. Ce ne fut pas possible.
Mais il souhaite qu’une évaluation soit réalisée dès la fin de l’été et que les conclusions nécessaires soient tirées pour faire perdurer - et même développer - le procédé.
IB