L’OFB mène régulièrement des opérations de reconnaissance de la présence de meutes par hurlement. Début septembre, les agents sont intervenus à Presles dans le Vercors.
Premier appel : aucune réponse. Deuxième appel : toujours rien. Au troisième, ce fut un concert de hurlements.
Une meute au complet, plusieurs jeunes loups aux jappements aigus, mais aussi des adultes, à la voix plus lancinante, hurlaient de concert sur les hauteurs du village de Presles.
Ils étaient bien là, sur les contreforts du Vercors, ainsi qu’avaient porté l’alerte les éleveurs et les habitants alentour.
Durant tout l’été, des attaques ont eu lieu sur les troupeaux ovins, dans les secteurs de Presles, Malleval-en-Vercors, Saint-Pierre-de-Chérenne et Saint-Romans.
L’OFB, l’Office français de la diversité (ex ONCFS) a donc été missionné pour effectuer une opération de reconnaissance par hurlement de la présence d’une meute de loups dans ce périmètre.
Cette dernière a été conduite au début du mois de septembre et a réuni plus d’une trentaine de personnes sous la responsabilité des agents de l’OFB : les louvetiers, les chasseurs et les pêcheurs, les agents du parc régional du Vercors ainsi que des éleveurs.
Une fois sur dix
Très encadrée, l’opération menée de nuit répond à des conditions particulières.
Le principe est simple, la réalisation incertaine. « On entend les loups environ une fois sur dix », estime Stéphane Mollet, agent de l’OFB.
Ce soir-là, sur le terrain, huit équipes ont quadrillé le secteur, dans l’obscurité, oreilles tendues, à l’écoute de la présence du loup.
Tour à tour, selon un protocole chronométré, ils ont procédé à des hurlements, attendant une réponse des loups en retour.
L’appel est rudimentaire : l’agent hurle dans un cône de chantier. Cela suffit à stimuler les loups, surtout les plus jeunes, ceux nés durant l’été et moins rompus au subterfuge.
« S’il y a des louveteaux, ils rappellent au premier ou deuxième hurlement. Ils sont très réactifs, prévient Nicolas Blanc, le chef de l’unité. Les louveteaux de trois mois sont naïfs. Les adultes, eux, ne répondent quasiment jamais. »
Des louveteaux, des adultes
Dans ce type d’opération, la discrétion est requise. La traque aux hurlements s’opère en silence. Seuls les bruits de la forêt, baignée d’un rayon de lune, doivent être perceptibles.
Un silence que ne déchirent que les hurlements des loups.
La mission consiste ce soir-là à établir si une meute de loup s’est séparée de celle installée dans les hauts plateaux du Vercors ou s’il s’agit uniquement de la présence d’un individu isolé.
Les jappements entendus confirment bien la présence de deux ou trois louveteaux, couverts par l’appel d’un ou deux loups adultes.
Il n'y a plus de doute
Les agents de l’OFB organisent des opérations de hurlements provoqués entre le 15 août et le 15 septembre « lorsque nous avons des doutes sur la reproduction des loups », poursuit Nicolas Blanc. Un secteur est décrété zone de présence permanente lorsque la reproduction y a été observée durant deux années consécutives. Si nous avons un doute quant à l’installation d’une meute, nous provoquons des hurlements. »
À Presles, les loups ont hurlé, une fois, deux fois, trois fois sans qu’il soit même plus besoin de les appeler.
Si bien que les agents de l’OFB, renseignés, ont levé le dispositif. Car il n’y a désormais plus de doute, une meute est bel et bien installée dans les bois au-dessus du village.
Les éleveurs inquiets
Florence Sirand-Pugnet, éleveuse ovine à Presles, subit régulièrement des attaques depuis 2016.
« En tout, j’ai perdu 34 brebis », déclare-t-elle désabusée. Alors elle prend part à l’opération pour voir, pour savoir.
Le prédateur rôde autour du village et inquiète les éleveurs.
La préfecture a accordé un tir de défense afin que les éleveurs puissent se protéger et garder le prédateur à distance, avec l’intervention de la louvèterie.
Des loups habitués
« Cette opération nous permettra de prévenir les éleveurs », déclare à son tour Philippe Caterino, le président des louvetiers qui participe au repérage.
Il observe que les loups sont très en mouvement cette année. « Ils changent de comportement, on ne comprend pas toujours ce qu’ils font et puis, ils sont habitués à nos modes de fonctionnement. »
Il a aussi l’impression que la situation évolue pour les élevages. « Cela fonctionne mieux avec les chiens et les moyens de protection mis en place. »
Mais aussi, l’augmentation du quota de loups prélevés donne aux louvetiers « plus de souplesse pour intervenir, explique le président. Et puis on nous écoute. On propose des secteurs d’intervention qui sont plus facilement acceptés. »
Leur connaissance du terrain en fait de précieux auxiliaires.
Isabelle Doucet