Arboriculture
Le cercle des Croqueurs de pommes
Pour ses 30 ans, le verger conservatoire de Gémens à Estrablin, près de Vienne, s’offre une rénovation. Ce projet original est à découvrir pour la 30e Fête de la pomme de pain, le 1er octobre.
Pour ses 30 ans, la fête de la Pomme de pain à Gémens s’offre un joli renouveau.
En effet, le verger conservatoire, prétexte à ce rendez-vous automnal, s’apprête à accueillir 40 nouveaux arbres.
Il s’agit essentiellement de pommiers, mais il y a aussi des amandiers, des pruniers et des pêchers. Ce nouveau verger sera implanté dans une parcelle de 2 000 m2 en prolongement du premier.
Les bénévoles de l’Association des Croqueurs de pommes ont creusé les trous au mois de mai. Puis la terre a été laissée meuble, enrichie d’engrais organique et semée de fleurs, œillets d’Inde et pavots de Californie, des espèces répulsives pour les insectes.
Les arbres greffés, des scions de 1,50 à 1,70 m, seront plantés durant l’automne. Ils respecteront un alignement des plus particuliers, car ils épouseront la forme d’un cinquième de cercle, selon la méthode testée au verger expérimental de Gotheron dans la Drôme. Le but : une meilleure résistance à la pression des maladies et des insectes.
Christophe Delay, pépiniériste et pionnier du verger, explique la nécessité de rénover le verger.
« Il est vieillissant, les charpentières se dessèchent. Elles sont affaiblies par le chancre européen et parce qu’elles ont subi des coups de soleil sur les écorces. »
Il rappelle les intentions qui, il y a 30 ans, sont à l’origine de la création de ce verger.
« Nous souhaitions sauver des variétés peu communes, limiter l’érosion génétique. Contrairement à la viticulture où l’on assiste à un renouveau des cépages autochtones, en fruit tout le monde est surtout intéressé par les variétés nouvelles. Pourtant, quand on presse un jus de fruit, les variétés anciennes donnent un goût que l’on n’a pas dans les variétés modernes. »
Des pommes et des poires
C’est dans le parc du château de Gémens, à Estrablin, que les Croqueurs de pommes ont trouvé l’écrin de leur verger.
Cette maison de maître est le témoin du passé industriel du site. Au XIXe siècle, les manufactures se sont en effet développées le long de la Gère.
Le château est la propriété de la commune d’Estrablin depuis 1990. Les fruitiers faisaient déjà partie de l’environnement puisque les poiriers palissaient les murs d’enceinte du château.
C’est le résultat d’une pratique ancienne, retrouvée par l’ethnobotaniste et historien des jardins Stéphane Crozat. Ainsi au XIXe siècle, la bourgeoisie locale s’échangeait de nouvelles variétés de poires qu’elle faisait parfois venir de l’étranger. Les murs de Gémens en ont été le réceptacle.
L’association des Croqueurs de pommes compte 65 adhérents, dont une dizaine de membres actifs autour du verger conservatoire.
Le verger initial est composé d’une centaine d’arbres représentant une trentaine de variétés de pommes (trois arbres par variété) ainsi qu’une quinzaine de poiriers.
Parmi les variétés de pommes locales, on retrouve la Double rose ou la Rainette de Saint-Savin, sans oublier la Viennoise de l’étape, la Pomme Fer, une belle pomme rouge à chair blanche et croquante.
« Elle a été trouvée entre Eyzin-Pinet et Meyssiés, précise Christophe Delay. En raison de sa fermeté, on ne peut pas la manger le jour où elle est cueillie. Elle devient excellente transformée en compote ou cuite au four, lorsque sa chair devient rose. C’est la meilleure ! »
Un point d’attache
« C’est un verger conservatoire, il a une dimension de transmission, ajoute Madeleine Lagier, la présidente de l’association des Croqueurs de pomme. Il y a des variétés à découvrir, des goûts intéressants, que l’on ne connaît pas. Si l’on ne s’occupe pas de ces variétés anciennes, si l’on ne les greffe pas, elles vont disparaître. Un verger conservatoire n’est pas quelque chose de figé, ces mélanges de variétés, pour la biodiversité, c’est important. Et quoi qu’il arrive, le verger est là, il est vivant. C’est un point d’attache. »
Le verger conservatoire porte une dimension pédagogique.
Les enseignants des écoles primaires alentour peuvent bénéficier, à l’automne, d’intervention de bénévoles qui viennent presser des pommes en classe.
« Puis les écoliers reviennent parfois voir le verger en fleur, ajoute Christophe Delay. Ce sont souvent des écoles de zones prioritaires, avec des CP dédoublés, de petits groupes de dix enfants qui participent bien, sont à l’écoute et impliqués. Ils découvrent le verger, peut-être en auront-ils un souvenir. C’est aussi un travail d’éducation au goût. »
Les temps forts de l’association sont les ateliers organisés tout au long de l’année : taille d’hiver, de printemps, greffe etc.
« Au mois de janvier (1), nous organisons un atelier sur trois jours avec taille, greffe et conférence. Cette année, nous invitons Romain Nattier, entomologiste, spécialiste des coccinelles au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, précise Christophe Delay. L’an dernier, nous avions fait une initiation à la pomologie avec Yves Barbier, des Croqueurs de Pomme Ain, Isère, Savoie. Nous avions accueilli 60 personnes durant le week-end, des gens qui souhaitent approfondir leur connaissance sur la pomme. »
Isabelle Doucet
(1) Les 19, 20 et 21 janvier à Gémens
Une fête populaire pour célébrer la pomme
Beaucoup de nouveautés pour la 30e Fête de la pomme de pain de Gémens.
« La 30e édition de la Fête de la pomme de pain aura une saveur particulière, celle de la pomme ! », déclare Madeleine Lagier, la présidente de l’association des Croqueurs de pommes qui organise la manifestation.
Elle se déroulera le 1er octobre dans le parc du château de Gémens à Estrablin, près de Vienne.
« C’est une fête importante pour l’association et les Viennois y sont très attachés. Elle nous permet de montrer les valeurs qui nous animent : la connaissance des produits locaux, la transmission, notre verger et sa rénovation, la biodiversité, les actions que nous mettons en place tout au long de l’année », reprend la présidente.
Comme chaque année, les Croqueurs de pommes auront leur stand dédié avec leur pressoir à l’ancienne pour presser les pommes sur place. Christophe Delay, cheville ouvrière de la manifestation, le reconnaît : le verger a souffert de la sécheresse cette année et les pommes manquent, mais il y aura quand même des fruits à presser.
« Chaque année, nous essayons de diversifier les animations, mais le fond reste le même », ajoute-t-il.
Les incontournables sont la visite du verger - l’ancien et le futur - mais aussi la cuisson des tartes aux pommes par les bénévoles et le marché de producteurs et artisans qui rassemble cette année une trentaine d’exposants locaux.
Quant au troc de graines (de 10 heures à 12 heures), Christophe Delay insiste : il n’a de sens que si tout le monde apporte des graines, « que ce soit un vrai échange ». Pour sa part, il proposera quelques graines de tomates anciennes dont il a le secret.
Et puis, comme son nom l’indique, la Fête de la pomme de pain, consiste à marier les fruits et le pain. « Nous avons quatre fours à pain ambulants d’une tonne chacun, qui seront transportés spécialement dans le parc, raconte l’organisateur. Au début nous n’en avions qu’un seul. Au fil des années, nous sommes passés de 50 à 300 kg de farine que nous transformons. Il faut pouvoir les cuire ! La farine vient du Moulin de Julien à Serpaize. Le boulanger, Frédéric Lentillon est là depuis le début, lorsqu’il était apprenti. Il n’a pas raté une année. S’il a changé de métier, en revanche, il revient juste pour la fête. Il sera aidé par deux autres personnes. Cette année, il y aura aussi un nouveau stand de crêpes. »
Nouveauté également, les habitants du secteur pourront venir à vélo et bénéficier des services de l’atelier mobile de réparation du Foyer Reynard, un lieu d’accueil pour personnes présentant un handicap intellectuel.
« On trouve de tout »
Le traditionnel repas, qui réunit 250 convives dont la centaine de bénévoles, bénéficie lui aussi d’un renouveau.
Car c’est un nouveau chef qui sera au fourneau. Pierre-Luc Feschet, viennois d’origine, proposera un menu à base de produits de saisons et locaux : tatin d’endives aux châtaignes, pommes et chèvre, en entrée ; effiloché de porc mariné sur butternut rôti avec confit de pommes et d’oignons, accompagné d’une sauce champignon, en plat ; demi-poire pochée sur thé matcha, en dessert.
Par ailleurs, les causeries au verger sont toujours d’un très haut niveau.
Jeanne Morinnière, écologue, présentera son projet de création de vergers en agroforesterie dans les exploitations agricoles (à 10 heures).
Jean-Luc Petit, pionnier de l’arboriculture biologique, auteur des ouvrages « Des médecines douces pour vos fruitiers » (Terre vivante 2021) et « La taille douce des arbres fruitiers en permaculture » (éditions Rustica 2021), évoquera la culture et les soins du pommier (à 14 heures).
Jean-Louis Michelot, géographe et naturaliste, qui a beaucoup exploré le Rhône depuis son canoë, et auteur de « Sur le Rhône, Navigations buissonnières et autres explorations sensibles » (Éditions du Rouergue 2020), retracera l’histoire d’un caillou, « une épopée géopoétique » (à 16 heures).
Enfin, pas de fête sans musique. Là aussi, les organisateurs ont joué la carte de la diversité avec, l’après-midi, le duo Rambla Latina et ses musiques latines et sud-américaines ainsi que le trio Kaïmalis, de blues méditerranéen (à 14 h 30 et 15 h 30)
Près de 3 000 personnes sont attendues à la Fête de la pomme de pain de Gémens, si le beau temps est au rendez-vous.
La manifestation attire des visiteurs du pays viennois et des départements alentour et les organisateurs insistent sur le soutien des collectivités pour sa mise en place.
« Les gens viennent de loin, cela a apporté une ouverture à la région, constate Christophe Delay avec le recul. C’est une fête populaire, où l’on vient un peu comme au supermarché, on trouve un peu de tout, un marché paysan, des causeries, de la musique, des animations. »
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