Conduite d’exploitation
Une ferme familiale du Vercors dans la voie de l'innovation

Isabelle Brenguier
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Eleveurs à Méaudre dans le Vercors, Aurélie Blanc et Francis Buisson développent différentes stratégies pour moderniser la ferme familiale. Lauréats du PEAR, ils ont reçu le Prix de l’innovation dans la démarche commerciale, décerné par le Crédit agricole Sud Rhône Alpes.

Une ferme familiale du Vercors dans la voie de l'innovation
Aurélie Blanc et Francis Buisson, installés à Méaudre, ont mis en œuvre différentes stratégies de développement pour leur exploitation. Ils ont notamment investi dans un poulailler mobile écologique.

Cela fait 12 ans qu’ils sont ensemble. Cela fait 12 ans aussi qu’ils mûrissent et mettent en œuvre leur projet d’exploitation. Passionnés, pleins d’idées et d’envie, Aurélie Blanc et Francis Buisson ont déjà beaucoup fait évoluer la ferme familiale de Méaudre qu’ils ont repris en sixième main en janvier 2018, à la suite du départ à la retraite du père de Francis.

Les travaux ne sont pas terminés, mais tout prend forme petit à petit. Grâce aux deux jeunes agriculteurs, la ferme traditionnelle cède la place à une exploitation moderne, innovante, dans laquelle la transition écologique occupe une place de premier choix.

Toujours se perfectionner

Aurélie Blanc et Francis Buisson élèvent 45 vaches allaitantes de race charolaise et exploitent 82 hectares qui leur permettent d’être autonomes en fourrages. Agréés AB depuis leurs débuts, ils ne cessent d’améliorer leurs pratiques.

Et Aurélie Blanc de donner quelques exemples. « Au niveau du cheptel, plutôt que d’agrandir le troupeau d’origine, nous avons préféré investir dans des bêtes issues d’élevages réputés pour parfaire leurs caractéristiques. S’agissant des cultures, nous développons le foin de trèfle luzerne pour qu’il remplace le tourteau de soja. Nous allons aussi implanter quelques hectares de triticale pour apporter de la protéine dans l’alimentation de nos animaux », explique l’agricultrice.

Afin de toujours se perfectionner, le couple se forme chaque année : « une année, Francis, une année, moi », souligne la jeune femme. Conformément à leur projet d’installation, la commercialisation de leurs productions se fait à 70 % en vente directe.

« Préparer l’avenir »

La conduite d’exploitation est soigneusement réfléchie. Aurélie Blanc et Francis Buisson ont d’ailleurs davantage le sentiment de gérer une entreprise qu’une ferme. Car, s’ils sont pointus dans leurs pratiques agricoles, ils le sont tout autant dans leur stratégie de développement.

Preuve en est, Aurélie passe beaucoup – beaucoup – de temps sur la partie administrative et financière. Tous deux installés avec la DJA (Dotation jeune agriculteur), ils ont aussi monté trois dossiers PCAE (Plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles) qui leur ont permis de financer avantageusement leurs bâtiments et poulaillers. Sur 240 000 euros d’investissement, ils ont reçu environ 100 000 euros d’aides.

« C’est vrai que cela prend du temps de se renseigner, demander les devis, constituer les dossiers, les suivre… mais au final, cela fait gagner de l’argent. J’ai parfois le sentiment de renier une partie de mon installation pour avoir ces subventions, mais en fait, je prépare l’avenir. Je fais en sorte que nous ayons un meilleur confort de travail », avance Aurélie Blanc. Et devant la complexité des tâches, la jeune femme reconnaît aussi s’appuyer sur son réseau, autant sur son entourage que sur les personnes compétentes des différents organismes agricoles, bancaires ou techniques.

Motivés pour faire vivre leur territoire, Aurélie Blanc et Francis Buisson sont tous deux engagés dans la vie locale. Lui comme conseiller municipal, elle en tant que bénévole au CCAS de la commune. Ce qui est important pour eux, c’est de mettre du sens dans ce qu’ils font. Aujourd’hui, ils travaillent beaucoup, mais ils sont heureux. Ils disent avoir la vie qu’ils ont choisie.

Isabelle Brenguier

Des œufs frais, H24
Pour que leurs clients aient accès à des œufs frais 24h sur 24 et 7 jours sur 7, Aurélie Blanc et Francis Buisson ont installé un distributeur d’œufs dans leur exploitation.

Des œufs frais, H24

Production d’œufs /

Qu’il s’agisse de leurs outils de productions ou de leurs modes de commercialisation, Aurélie Blanc et Francis Buisson font preuve d’innovation. En témoigne leur atelier de poules pondeuses.

« Nous avions envie de dynamiser notre vente directe et de proposer un produit plus attractif que le colis de viande bovine. Nous cherchions notamment à capter une clientèle plus jeune. Comme nous avons eu une forte demande d’œufs pendant la pandémie, nous avons pensé que la création d’un atelier de poules pondeuses pouvait être une bonne idée », explique Aurélie Blanc, agricultrice au sein de la ferme « les Reines des Prés », à Méaudre.

C’est ainsi qu’Aurélie Blanc et Francis Buisson se sont lancés. Attachés à utiliser un poulailler qui corresponde à leurs attentes et à leurs valeurs, ils ont eu un coup de coup de cœur pour un poulailler mobile disponible en Allemagne. « Equipé de panneaux solaires qui lui fournissent l’énergie nécessaire pour faire fonctionner les filets, les trappes d’entrées et de sorties des poules et les lampes, il est totalement autonome », s’enthousiasme Aurélie Blanc.

Même si son coût était de 40 000 euros, Aurélie Blanc et Francis Buisson en ont acheté un premier en juillet 2020 et sont sur le point d’en acquérir un second. Ainsi, grâce à deux lots de 255 poules rousses, ils produisent 400 œufs par jour.

« Créer du positif »

A l’image de ce poulailler mobile, les deux associés ont aussi opté pour un mode de commercialisation de leurs œufs original. En plus de les proposer à un revendeur et de participer à deux marchés, ils ont installé un distributeur d’œufs en accès libre à l’entrée de la ferme pour permettre à leurs clients de venir quand ils le souhaitent. Dans un abri de jardin à la décoration soignée, ils ont installé une armoire réfrigérée qu’ils approvisionnent quotidiennement en œufs frais. Les clients se servent et glissent le paiement dans une urne.

« C’est un système qui repose sur la confiance. Mais honnêtement, ça marche. Nous avons de nombreux petits messages qui nous remercient pour cette initiative et nous encouragent. Ils apprécient de pouvoir venir chercher des œufs frais en rentrant du travail, le samedi soir ou le dimanche après-midi quand ils souhaitent faire des crêpes ou un gâteau. Du coup, nous aussi, nous sommes ravis. Que ce soit aux marchés ou à la ferme, nous reconnaissons avoir des liens assez privilégiés avec nos clients. C’est ce que nous souhaitions. Nous voulions créer du positif autour de l’exploitation, avoir un espace d’échanges pour parler de notre métier et de notre quotidien d’agriculteurs », avance la jeune femme.

Quand ils ont acheté leurs poulaillers, le vendeur leur avait dit que très vite, ils ne produiraient pas suffisamment d’œufs pour répondre à la demande. C’est déjà le cas. Ils espéraient les commercialiser à hauteur de 50 % en vente directe. Ils sont à 70 %.

IB