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« Des évolutions de société à prendre en compte »

Isabelle Brenguier
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Bruno Neyroud, producteur de lait à Varacieux. Il a représenté la section laitière de la FDSEA de l'Isère aux Assises de la FNPL (1) qui se sont tenues les 1er et 2 décembre, aux Sables d’Olonne. 

« Des évolutions de société à prendre en compte »
Bruno Neyroud a représenté les producteurs isérois lors des Assises de la FNPL aux Sables d'Olonne.

La rencontre entre l'ensemble des producteurs de lait du territoire a t-elle été l'occasion de réaliser un tour de France de leurs préoccupations ?

Oui, tout à fait. Il nous a permis de constater que malgré une bonne année fourragère, la tendance de la production laitière est quasiment à la baisse dans toutes les régions. Nous n'avons plus les animaux pour produire et le prix du lait n'est pas suffisamment incitatif. Nos perceptions ont été confirmées par les analyses et les prévisions de Benoît Rouyer du Cniel. Il nous a indiqué que depuis 2015, date de la fin des quotas laitiers, la collecte a baissé de 3 %.

Cela pose la question de la pérennité de la production ?

Absolument. Avec la moitié des éleveurs français qui ont plus de 50 ans, la filière se trouve particulièrement concernée par le renouvellement des générations. Il va falloir intégrer les aspirations des jeunes. On ne peut pas leur demander de travailler sans relâche, d'avoir peu de temps à consacrer aux loisirs et de ne pas gagner leur vie. Ce n'est pas tenable à long terme. Ce sont des évolutions de société à prendre en compte.

Quels ont été les autres principaux sujets abordés lors de cette rencontre ?

La question de la rémunération est restée au cœur des échanges, avec notamment une partie importante consacrée au prix conforme. Imaginé par la FNPL, ce prix repose sur trois indicateurs qui correspondent aux trois débouchés de la filière laitière : le prix de revient du lait publié annuellement par le CNIEL, le prix du lait allemand publié mensuellement et exprimé avec trois mois de décalage, et la valorisation beurre/poudre qui correspond à la valorisation des produits industriels sur le marché export. La discussion a montré que sa mise en place risquait d'être compliquée. Si on est d'accord sur la nécessité d'intégrer les coûts de production qui ne cessent d'augmenter dans le prix du lait, on se rend compte que tous les acteurs de la filière ont aussi des hausses à faire passer. Même si en théorie, la priorité doit être accordée au prix du lait, on sait bien que personne ne voudra perdre de l'argent.

Il était question de parler de la mobilité des producteurs vis-à-vis de leurs entreprises. Avez-vous évoqué le sujet ?

En effet. Il fait référence à la possibilité offerte aux producteurs de quitter une fromagerie pour une autre. Nous avons bien compris que techniquement c'était possible. Mais dans notre département où la densité laitière n'est pas particulièrement importante, c'est plus compliqué. Cela n'aurait aucun sens que des producteurs, engagés dans des démarches de qualité telles la HVE (Haute valeur environnementale) ou l'IGP (Indication géographique protégée) par exemple, quittent une entreprise labellisée pour une autre qui ne le serait pas. Pour moi, la mobilité des producteurs, possible par les contrats, peut être limitée par l'environnement dans lequel ils évoluent. Chez nous, nous sommes vite touchés par les problèmes de croisement de collecte. La tendance est plutôt à les éviter pour diminuer les coûts.

(1) Fédération nationale des producteurs de lait
(2) Centre national interprofessionnel de l’économie laitière 

Propos recueillis par Isabelle Brenguier