Pastoralisme
La Fédération des alpages de l'Isère s'implique sur tous les fronts montagnards
Le 7 avril, les alpagistes étaient réunis à l’occasion de l’assemblée générale de la Fédération des alpages de l’Isère. Ils sont revenus sur l’ensemble des sujets sur lesquels ils se sont investis tout au long de l’année.
D’aucuns pourraient penser que la question du pastoralisme, cette activité ancestrale, est un sujet plutôt simple et facile, qu’il s’agit d’herbe, d’animaux et d’eau. Il n’en est rien. Les – nombreux et divers – travaux présentés lors de l’assemblée générale extraordinaire de la Fédération des alpages (FAI) de l’Isère le 7 avril dernier à Clelles dans le Trièves, l’ont bien montré.
Sanitaire, accès au foncier, équipements pastoraux, logements des gardiens de troupeaux, multi-usage, emploi… Tout au long de l’année, les élus et l’équipe technique de la FAI ne s’ennuient pas, multipliant les opérations pour que la mise à l’herbe des bêtes se passe au mieux.
Nouvelles pratiques
Denis Rebreyend, le président de la FAI, a profité de la rencontre pour revenir sur les difficultés auxquelles les éleveurs ont dû faire face l’été dernier en matière d’eau.
« Malgré l’anticipation des alpagistes sur les équipements de stockage et la sécurisation de la ressource, la saison a été compliquée. Descentes anticipées, gestion plus fine des différents quartiers de pâturage, transport d’eau : les éleveurs ont dû intégrer de nouvelles pratiques. D’ailleurs, 60 % des projets que nous avons menés cette année concernaient la question de l’eau. Cette illustration de l’évolution du climat nous pousse à l’adaptation, à la réflexion, à court et à long terme », a-t-il indiqué.
Actions concrètes
La prédation a aussi été évoquée à plusieurs reprises. « Elle ne faiblit pas sur le terrain, malgré le discours positif qui peut parfois être formulé », a martelé Denis Rebreyend.
La commission dédiée de la FAI a réalisé, en partenariat avec la Chambre d’agriculture de l’Isère, un diagnostic territorial de vulnérabilité sur la question en Matheysine, territoire particulièrement touché. Elle a aussi fait remonter via la DDT, des propositions pour le prochain plan loup.
La mise en place d’une brigade de bergers d’appui fait partie des mesures ciblées. Vice-président du Département en charge de l’agriculture, Fabien Mulyk a indiqué « en avoir assez de ce statu quo. Il faut passer à des actions concrètes. L’État doit donner les moyens nécessaires pour avancer. Le loup n’appartient ni à la Matheysine, ni à la FAI », a-t-il asséné.
S’agissant des bergers d’appui, il s’est montré très mécontent du refus ferme de la Dréal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) d’engager des fonds sur cette possibilité. Ne voulant « rien lâcher », il a annoncé que la collectivité, en lien avec la MSA, allait elle-même embaucher un agent cette année.
Très engagé pour accompagner le monde pastoral, l’élu a profité de la rencontre pour énoncer les dispositifs sur lesquels le Département est impliqué, et revenir sur la mise en œuvre d’« Isère véto ». Si Fabien Mulyk reconnaît qu’il n’y a pas d’agriculture possible sans vétérinaire, il déplore que les deux jeunes installés grâce à ce dispositif à Monestier-de-Clermont souffrent déjà de 80 000 euros d’impayés. « Ce n’est pas possible ! », assure-t-il.
Sensibiliser le grand public
La FAI a conduit une assemblée générale extraordinaire car elle souhaitait modifier ses statuts pour ouvrir ses adhésions aux « collectivités de montagne, de plaine et à la Métro », et renforcer leur collaboration. « Nous avons des approches partagées de la production, du multi-usage, de la communication. Nous avons envie de consolider les multiples liens ville-plaine-montagne », a ainsi indiqué Denis Rebreyend.
Car les personnes qui fréquentent la montagne et les espaces pastoraux sont de plus en plus nombreuses et ont une connaissance de moins en moins bonne de ces territoires et de ses usages. « Ils ont oublié qu’il y a des gens qui vivent et travaillent en montagne. Ils n’en ont pas les codes », souligne l’éleveur.
C’est pourquoi, la FAI consacre une partie importante de son action à communiquer et à sensibiliser le grand public aux thématiques du pastoralisme. En partenariat avec d’autres structures du monde pastoral, elle a ainsi réalisé quatre petits clips permettant de mieux comprendre l’activité.
Dans ce même objectif, elle organise aussi chaque année le Festival Pastoralismes et Grands Espaces à Grenoble. En 2022, en raison de financements promis non honorés, le festival s’est trouvé largement déficitaire. Mais le conseil d’administration ne remet pas en cause son édition 2023. « Même si elles ne sont pas toujours visibles au premier coup d’œil, les retombées de cet évènement qui porte la voix du pastoralisme sont bien réelles », assure le président Rebreyend.
Isabelle Brenguier
Le financement insuffisant des MAEC
Année de transition, 2023 ne permettra pas à tous les agriculteurs qui souhaitent contractualiser une MAEC de le faire. Seuls les groupements pastoraux en auront la possibilité.
La PAC et les MAEC (mesures agro-environnementales et climatiques) faisaient partie des « sujets qui fâchent » de l’assemblée générale de la FAI, tenue à Clelles le 7 avril dernier. Car, selon Denis Rebreyend, le président, « il y en a eu du travail investi par nos structures, par la profession, par le Département aussi, pour concrétiser des contrats environnementaux pertinents ».
Mais le fait que le Département n’ait pas eu le droit de les financer, et donc que tous les agriculteurs qui auraient souhaité en faire la demande ne pourront en bénéficier, a suscité une grande colère. Tant du côté des agriculteurs que des élus de la collectivité. Jérôme Crozat, le président de la FDSEA de l’Isère a indiqué que cela faisait perdre 800 000 euros à la ferme Isère.
72 euros l’hectare
Pour cette année, aucun contrat individuel ne pourra donc démarrer. Les MAEC ne pourront être mises en œuvre que de façon collective, via les groupements pastoraux (GP), ces derniers ayant été considérés prioritaires par l’ensemble des partenaires. « A condition bien sûr qu’ils soient implantés dans des territoires porteurs d’un PAEC (Projet agro-environnemental et climatique) », a rappelé Hermann Dodier, chargé de mission à la FAI, lors de la réunion. Et, faute de budget suffisant, il n’est même pas sûr que tous puissent contractualiser. Mais il est quand même demandé à chacun d’entre eux d’en faire la demande.
Contrairement à ce qui était prévu initialement, il n’y a plus qu’une seule mesure mobilisable par les groupements pastoraux. Il s’agit de la MAEC biodiversité « Amélioration de la gestion des surfaces herbagères et pastorales par le pâturage », la PRA 3. Financée par l’Europe et l’État, son montant est de 72 euros l’hectare. Pour en bénéficier, les éleveurs doivent déclarer l’ensemble de leurs parcelles implantées dans la limite d’alpage, réaliser un diagnostic, puis un plan de gestion définissant leurs obligations et les critères de contrôle. Ils doivent aussi mettre en œuvre des enjeux localisés avec des obligations spécifiques. « A noter qu’un enregistrement des pratiques doit être effectué, en indiquant que les couverts n’ont pas été détruits et qu’aucun produit phytosanitaire n’a été appliqué », précise encore le technicien.
IB
Une étude et un séminaire
La guerre de l’eau. Fabien Mulyk, vice-président du Département en charge de l’agriculture estime que nous n’en sommes pas loin. La situation est telle que, même s’il n’y a pas d’agriculture sans eau, chaque décision, chaque projet, devra être étayé, objectivé. C’est pourquoi, le Département investit 300 000 euros dans la réalisation d’une grande étude indépendante de 18 mois. Grâce à un hydrogéologue et un bureau d’études spécialisés, les élus souhaitent avoir des éléments chiffrés, concrets, leur donnant les bases d’une réflexion mesurée.
Le lancement de cette étude est concomitant à l’organisation des Assises de l’eau à La Côte-Saint-André le 4 mai, un séminaire sur la gestion structurelle de l’eau et l’adaptation au changement climatique.
IB