Reconquête
Pour sauver le dernier commerce du village

Isabelle Doucet
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C’est un montage original qui a permis au dernier commerce du village de Flachères de rouvrir cet automne.

Pour sauver le dernier commerce du village
Le gérant, David Cipro, Cyrille Madinier, maire, la compagne du gérant et le sous-préfet de La Tour-du-Pin, Christian Michalak, devant le commerce de Flachères.

Quand en 2019 La Petite auberge à Flachères a tiré son rideau, c’est un peu l’âme du village qui s’est endormie. En milieu rural, la fermeture du dernier commerce relève de la sourde tragédie. Mais c’était sans compter sur un enfant du pays, David Cipro, bien décidé à réaliser son rêve : « avoir un bar et encore mieux, à Flachères, dans un lieu de vie qui existait déjà ».
Le premier rapprochement avec la mairie a lieu en 2020.
Au prix d’une certaine motivation de la part du porteur de projet, du soutien sans faille du conseil municipal et d’un montage original imaginé par la collectivité, le nouvel établissement - un commerce multiservice, bar, restaurant, PMU, petite épicerie et relais colis - ouvre ses portes cet automne.
La commune de Flachères, 560 habitants, a été lauréate du programme national de reconquête du commerce rural. Elle bénéficie à ce titre d’une importante subvention de 50 000 euros.
Ce qui facilitera largement le rachat des murs par la commune. Pour réaliser cette opération, elle a fait appel à l’EPFL (1) et signe une convention tripartite avec le gérant du commerce.

Échelonner les dépenses

« C’est un montage précurseur dans le département », précise le maire, Cyrille Madinier, par ailleurs président des maires ruraux de l’Isère.
À la demande de la collectivité, l’établissement public assure en effet le portage financier de l’opération - soit un investissement de 260 000 euros - pour le compte de la commune, comprenant l’achat du bâtiment et les travaux de rénovation.
La commune s’est donnée quant à elle jusqu’à la fin du mandat pour racheter à son tour les murs du commerce, soit le temps de purger ses autres emprunts, d’en contracter de nouveaux et de rassembler des subventions. Outre celle du programme de reconquête, elle a fait une demande à la région Auvergne-Rhône-Alpes au titre du rachat du dernier commerce.
David Cipro a quant à lui bénéficié d’aides de la part de la communauté de communes de Bièvre Est et de la Région pour équiper son commerce. Il commencera à verser un loyer à la commune de Flachères après un an d’exploitation.
« Ce montage nous permet d’échelonner les dépenses sans que la commune ne s’endette trop », reprend Cyrille Madinier.
« Ce projet tient compte des besoins des habitants dans leur globalité et notamment du besoin de lien social, indique l’élu. Flachères possède un tissu associatif très actif et le conseil municipal a fait le choix de dynamiser le centre du village. Mais il manquait un lieu de vie. Le rachat de l’auberge rendra son âme au village. »

Un soulagement

« Nous avons hâte de nous amuser », assure le gérant. Issu du monde associatif, ancien président de club de rugby, il est peu inquiet quant au futur succès de son établissement.
Outre la restauration, avec un menu à midi et des pizzas le soir, le bar-restaurant proposera des animations en journée ou en soirée.
Il prévoit de servir 15 à 20 couverts au départ, s’entraîne à la cuisine - « des plats du terroir qui me laissent disponible pour être au contact du client » - et nourrit de nombreux projets comme « faire revenir l’alambic au village » ou encore réhabiliter le jeu de boules.
Dans le village, la rénovation de la bâtisse en pisé est une petite révolution car elle embellit sa traversée, mais aussi un soulagement en raison de l’absence de commerces alentour.
Le maire souligne la qualité de l’accompagnement des services de la communauté de communes de Bièvre Est pour le montage du dossier, l’écoute de la sous-préfète de La Tour-du-Pin et les bons conseils de l’Umih 38 (2). « Ce n’est pas anodin pour une petite commune de demander 50 000 euros », déclare encore Cyrille Madinier. Certains de ses collègues s’intéressent déjà au portage financier de l’EPFL, un levier méconnu pour faire émerger des projets dans les territoires.

Isabelle Doucet

(1) Établissement public foncier local

(2) Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie de l’Isère

Château-Bernard aussi

Dans le Trièves, Château-Bernard, petite commune de 268 habitants, a aussi bénéficié de l’aide du programme de reconquête du commerce rural. Le projet d’épicerie solidaire et participative, porté par l’association Montagnes alternatives et baptisé L’épi 4 saisons, a bénéficié d’une subvention de 6 100 euros. Son mode de fonctionnement sera basé sur le groupement d’achat entre adhérents. « Cette solution permet d’acheter en priorité des produits locaux, direct producteurs, ou faire appel à des grossistes […]. Le principe repose sur le bénévolat. Chaque habitant donne un peu de son temps pour faire fonctionner l’épi », indique le site de l’association. Là aussi, il est question de « développement de l’économie locale et solidaire dans un territoire se situant en moyenne montagne », mais aussi de favoriser le lien social. Le projet prévoit la création d’un coin café où seront organisées des animations. « La mairie de Château-Bernard met un local gracieusement à disposition de l’association pour ses activités », est-il précisé.
ID