Prédation
Une villarde tuée par le loup

Isabelle Doucet
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Dans le Vercors, les attaques de loup se poursuivent. Une vache de race villarde a été tuée le 22 octobre à l’alpage de Charmette. 

Une villarde tuée par le loup
La génisse de race villard-de-lans a été tuée le 22 octobre sur l'alpage de Charmette dans le Vercors.

Une vache de le race villard-de-Lans de 18 mois a été attaquée vendredi 22 octobre sur l’alpage de Charmette, appartenant au groupement pastoral des Ecouges, dans le Vercors.

La bête a été mordue au cou, puis le prédateur lui a ouvert la cage thoracique, lui a dévoré le poitrail et le foie.
« C’est du loup, on le sait », assure Catherine Duboucher, éleveuse à Izeron.
L’exploitation, la ferme des Villardes, a été reprise par son fils Lucien Idelon en 2019. Le troupeau est constitué d’une quarantaine de mères de races à petits effectifs, dont 90% de villardes et 10% d’hérens. 

Il restait encore une dizaine de génisses à descendre de l’alpage lorsque les éleveurs ont constaté qu’une d’elles avait été tuée et dévorée.
Catherine Duboucher pose la question du nombre de loups pour s’attaquer à une si grosse bête. « Le problème c’est que la population de loups dans le secteur est sous-estimée, poursuit-elle. Nous demandons un vrai comptage des animaux. »

Le loup dans le Royans

Depuis l’an dernier et parce que le troupeau a déjà été attaqué en 2019, les éleveurs disposent de tirs de défense. « Nous essayons de faire de la surveillance, mais le loup vient en plein jour. Nous l’avons surpris, grâce au piège photo, à 7 h du matin, au milieu des vaches. » 
Le Royans est particulièrement sous pression. « Il y a aussi beaucoup d’attaques chez des gens dont les animaux ne sont pas déclarés, des moutons ou des chèvres qui servent à tondre l’herbe », explique encore Catherine Duboucher.
Le loup est autant dans les alpages que dans la plaine. « L’an dernier, au mois de décembre, il a été vu à Saint-Just-de-Claix aux abords de l’école. Et cela s’est enchaîné. On l’a vu à Saint-Pierre-de-Chérenne, Cognin-les-Gorges et à Beauvoir-en-Royans. A Izeron, ces derniers jours, on entend hurler les loups tous les soirs. Les gens ne veulent plus sortir. »

Réserve sauvage ?

Si tout le troupeau de villardes a été redescendu sur l'exploitation, les éleveurs ne se disent « pas sereins ».
« Cet été, le loup était à 200 m des maisons. Nous sommes à proximité d’un lotissement, on ne peut pas faire de tir de défense dans ces conditions »,
commente Catherine Duboucher. 
Le week-end dernier, elle a rencontré les élus du secteur. « Je leur ai demandé si, dans la mesure où la ministre de l’Écologie souhaite transformer 10% du territoire français en réserve sauvage, le Royans en ferait partie ? Qu’on nous le dise tout de suite et on changera de métier car mon fils s’est installé il y a tout juste deux ans. » 
Elle s’inquiète aussi du développement de cette sorte de tourisme qui veut que dès qu’il y a une attaque de loup, des camping-cars ou des vans s’installent alentour pour espérer le prendre en photo. Ils agissent au mépris des règles de propriété et de sécurité en cas de déclenchement de tirs de défense. 

Attaques sur bovins

Phénomène très nouveau, les attaques sur bovins vont bon train au mois d’octobre : le 23 à Charnècles et Sousville, le 22 à Nantes-en-Ratier, le 21 à Saint-Guillaume, le 20 à Cholonge, le 19 à Saint-Pierre-de-Chèrenne, le 17 à Monsteroux-Milieu et à Saint-Honoré, les 16 et le 21 à Villard-Saint-Christophe, le 13 à Babières (26). «
Le problème, c’est qu’en élevage bovins, les troupeaux ne sont pas protégeables »,
estime l’éleveuse. 

Race à faible effectif

Elle insiste sur le fait que « ce n’est pas n’importe quelle vache » qui a été prédatée. Les villardes (ou villard-de-lans) font partie des races à faible effectifs. La Ferme des Villardes compte à elle seule près de 10% de l’effectif total de la race.
« C’est une génisse que nous avions achetée car nous comptions sur elle pour devenir une mère à taureaux. Nous voulons être indemnisés en conséquence. D’autant que nous sommes engagés dans la PAC au titre des petites races (1) », fait observer Catherine Duboucher.
Lors du constat de prédation, elle a également rappelé que l’exploitation pratique la vente directe. « Nous mettons un point d’honneur à produire et vendre local », insiste-t-elle. 
Échaudée par l’administration qui lui a refusé l’indemnisation de la dernière vache tuée en 2019, au motif que le constat était intervenu trop tard, Catherine Duboucher est décidée à tenir bon pour obtenir la juste indemnisation de cette bête. 

Isabelle Doucet

 

(1)         La villarde ou villard-de-lans est inscrite à liste des races bovines menacées de disparition.
Elle fait partie d’un programme national de protection des races menacées (PRM) et bénéficie d’aides PAC dans le cadre des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC). Cette aide est de 200 euros/UGB/an pendant 5 ans, à condition de respecter un cahier des charges : détenir suffisamment d’UGB, les faire reproduire et tenir un registre d’élevage.

Le loup photographié dans le Vercors par un piège photo installé en alpage.