Agriculture biologique
Des débouchés pour les productions végétales bio

Isabelle Doucet
-

Lors de la journée portes ouvertes sur la bio organisée début octobre au Touvet, les différentes pistes de commercialisation des productions végétales ont été étudiées.

 

Des débouchés pour les productions végétales bio
« La vie du sol, c’est la base », répète André Rucat dont l'exploitation, reprise par son fils, est depuis plus de 50 ans en agriculture biologique.

« D’octobre à mars, c’est intéressant de faire des légumes plein champ pour la restauration collective : des poireaux, des pommes de terre par exemple, c’est-à-dire des légumes qui se stockent », avance Édouard Guillet, maraîcher en cours d’installation à Montbonnot.
Car la discussion est allée bon train autour des opportunités de marchés en produits bio et des comportements des consommateurs, lundi 10 octobre, lors de la journée portes ouvertes organisée au Touvet par la Chambre d’agriculture de l’Isère et l’Adabio. De nombreuses pistes ont été explorées.
Les participants à cette journée d’information – des agriculteurs de la vallée du Grésivaudan - qui s’est déroulée à la ferme Bio Rucat, ont fait aussi part du besoin de structuration de la filière, notamment en production végétale.

1 800 hectares

Dans le Grésivaudan, dans le périmètre reprenant les contours de celui de la communauté de communes, de Saint-Martin-d’Uriage à Chapareillan, l’agriculture biologique occupe 16 % des surfaces, soit plus de 1 800 ha. Ce taux est supérieur aux chiffres départementaux et nationaux.


En 2021, 74 exploitations agricoles sont engagées en bio, soit plus de 21 % des fermes du secteur. La production fourragère, suivie de celle de fruits et légumes, sont les filières végétales les plus dynamiques en agriculture biologique. Elles font encore l’objet de conversions.

Un rayon de 200 km

Ces filières peuvent s’inscrire dans différents circuits de commercialisation. En filière longue, les opérateurs sont nombreux : coopératives Oxyane et Jura mont Blanc ou négociants comme la Maison Cholat et les Établissements Bernard.
Oxyane collecte les céréales pour l’alimentation humaine (clients huiliers, malteurs ou meuniers) et l’alimentation animale via ses propres filières. Le rayon de commercialisation ne dépasse pas 200 km.
Les cultures à valeur ajoutée sont souvent contractualisées. La coopérative insiste sur l’importance, en agriculture biologique, de connaître ses marchés avant l’implantation des semis.
En grandes cultures, les prix sont en outre au plus haut, excepté le blé meunier, dont le cours s’est contracté après une envolée en 2020. Trois paramètres sont à considérer en filière longue : la guerre en Ukraine, l’évolution du cours du blé meunier et la tension sur les protéines.

Restauration collective

En circuits courts, qui intéressent plus particulièrement les filières fruits et légumes, les producteurs recherchent un juste prix.
Plusieurs modes de commercialisation se côtoient : la vente directe individuelle (sur les marchés, à la ferme), les points de vente collectifs, les groupements d’achat, les magasins spécialisés (27 dans le secteur) ou généralistes et enfin, l’e-commerce.
Clothilde Charon, animatrice à l'Adabio, fait observer l’opportunité que représente la restauration collective dans le Grésivaudan, qui connaît une forte dynamique des approvisionnements en produits issus de l’agriculture biologique.


L’objectif affiché par le territoire est de 80 % d’approvisionnement durable, dont 50 % de produits bio d’ici 2030. Parmi les 43 communes du périmètre, 39 ont un service de restauration scolaire et 21 % sont en régie directe.
À l’échelle nationale, si la part des produits bio était portée à 20 % dans les 80 000 cantines, comme le prévoit la loi Egalim, « cela générerait 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires supplémentaire pour l’agriculture biologique », ajoute l’animatrice.

Aires de captage

« 4 à 5 communes du Grésivaudan sont en réflexion pour une reprise de gestion directe », annonce Amélie Claudepierre, en charge de l’agriculture à la communauté de communes.
Elle précise que les cahiers des charges des cantines concernant les appels d’offres peuvent être hybrides et prévoir certains aliments en gestion directe avec des prestataires locaux.
Pour accompagner ce mouvement, la collectivité s’appuie sur le PAIT (1) ainsi que sur sa politique agricole et alimentaire.
Cette dernière a pour ambition de parvenir à l’horizon 2030 à 100 % d’agriculture bio et HVE dans le périmètre de ses aires de captage (trois aires prioritaires et près de 300 ha au total) et 50 % sur les autres surfaces. Son plan d’action prévoit des accompagnements techniques individuels et collectifs, un accompagnement sur les filières et la commercialisation, ainsi que des actions sur le foncier.

Isabelle Doucet

(1)   Le projet alimentaire interterritorial de la région alpine, réunit sept partenaires territoriaux dont la CC du Grésivaudan et défend deux grands axes : la préservation et la transmission du foncier agricole d’une part, l’augmentation de la part des productions locales dans les assiettes.

Bio depuis les années soixante
André Rucat est un des précurseurs de l'agriculture biologique en Isère.

Bio depuis les années soixante

André Rucat a été précurseur de l’agriculture biologique dans laquelle il s’est lancé à la fin des années soixante.

 

André Rucat est un pionnier. Sa ferme maraîchère du Touvet est en agriculture biologique depuis 1969. « Je voulais faire de l’agriculture sans pesticide et puis j’ai lu Le Printemps silencieux de Rachel Carlson. Cela m’a beaucoup fait réfléchir. »
Des formations, des rencontres, des lectures, une histoire personnelle, ont forgé ses convictions. Il est un des fondateurs de l’Adabio.
La ferme du Touvet a été reprise par son fils Davy, tandis que son autre garçon, Christian, a créé une exploitation dans le Gard.
Leurs productions sont désormais complémentaires permettant de proposer une large palette de fruits et légumes à la clientèle.
Le modèle économique repose sur la vente directe : vente à la ferme et sur les marchés de Crolles, du Touvet et d’Annecy. Seuls les navets sont vendus à un grossiste, le Relais Vert et les poireaux à Manger Bio Isère.

Paille contre fumier

L’exploitation du Touvet comprend une SAU de 13 ha irrigués : 5 ha de blé, 3 ha de tournesol, 3 ha de maraîchage et quelques serres.
Les productions sont : navets, poireaux, choux, pommes de terre, carottes, salades, fraises, courgettes, tomates, aubergines, poivrons et concombres.
L’engrais vert est obtenu par échange de paille contre du fumier d’un centre équestre à proximité.
« La vie du sol, c’est la base », assène André Ruca.


Le bâtiment de la ferme est entouré de matériels de travail du sol : bineuse rotative, herse rotative, herse étrille, mais aussi planteuse à pommes de terre (2 rangs avec butte), rotobutte, brûleur désherbeur thermique et trois tracteurs de 96 CV.
Érudit et fin connaisseur des molécules, André Ruca profite de sa retraite pour préparer un ouvrage sur son expérience en agriculture biologique.
ID