Agriculture de montagne
Le massif de la Chartreuse, un territoire à la croisée des problématiques
L’assemblée générale de l’AAC (Association des agriculteurs de Chartreuse) le 9 mars à Plateau-des-Petites-Roches, fut l’occasion d’aborder de nombreux sujets importants pour le territoire de Chartreuse.
Ce n’est pas un hasard si l’assemblée générale de l’AAC (Association des agriculteurs de Chartreuse), organisée le 9 mars dernier, s’est tenue dans la nouvelle commune de Plateau-des-Petites-Roches (1). Le bureau qui dirige l’association (2) voulait clairement donner envie aux agriculteurs de ce secteur de rejoindre le groupe, qui peine à rassembler des exploitants de l’ensemble du territoire chartrousin.
« Sans aucun doute, la Chartreuse dispose d’une unité montagnarde et paysagère homogène, mais le territoire fonctionne davantage en bassins de vie avec les différents EPCI (3) qui cohabitent les uns à côté des autres, qu’en massif », déplorent ainsi les représentants de l’association. Cette problématique est d’ailleurs évoquée à chacun des événements organisés en Chartreuse. « Comment trouver un lieu qui rassemble ? », se demandent-ils systématiquement.
Le territoire est ainsi fait qu’il n’est pas facile de faire venir des personnes qui vivent à l’autre bout de la chaîne. Pour autant, le découragement n’est pas à l’ordre du jour. Malgré une reprise d’activités post crise sanitaire difficile, la volonté de trouver de nouveaux membres permettant de représenter tous les secteurs – et toutes les productions – est bien présente.
L’association qui a eu 30 ans en 2022 souhaite bien « mener des projets concrets pour et avec les agriculteurs ». « Elle n’est pas une boite à subventions. Elle est là pour faire émerger des projets collectifs, comme des magasins de producteurs, des Cuma… », a souligné Stéphanie Barbian, la secrétaire. La question de la ressource en eau et de la ressource fourragère des élevages font aussi partie des priorités sur lesquelles elle souhaite travailler.
Piliers du Parc
Dominique Clouzeau, maire de la nouvelle commune de Plateau-des-Petites-Roches et Stéphane Gusméroli, maire de Saint-Pierre-de-Chartreuse et vice-président délégué à l'agriculture et à la transition alimentaire au sein du PNR de Chartreuse, ont montré beaucoup d’enthousiasme vis-à-vis de la question agricole. Dominique Clouzeau a rappelé combien la commune s’est investie pour installer des agriculteurs. « Nous avons toujours accueilli des exploitants de la vallée du Grésivaudan et du massif de Belledonne. Mais nous nous réjouissons de voir ces installations. Nous avons à cœur de mélanger le tourisme et l’agriculture et de faire de la place pour tout le monde », assure-t-elle.
Quant à Stéphane Gusméroli, il a réaffirmé l’intérêt que porte le Parc naturel régional de Chartreuse aux questions d’agriculture et d’alimentation, qu’il considère « comme des piliers du projet du Parc, de son bon fonctionnement et de son développement ». « C’est grâce à vous que nous avons ces paysages. L’enjeu agricole, c’est l’enjeu de l’alimentation des habitants du territoire », a-t-il martelé, indiquant également que « le Parc essaye de mettre des moyens importants pour accompagner les agriculteurs ».
Abordant le sujet du PAIT (Projet alimentaire inter-territorial) de la grande région Grenobloise, Alain Pajon a fait remarquer que « les décisions prises par les collectivités sont très positives pour l’agriculture de montagne, pour maintenir les cheptels bovins lait et viande et fournir une alimentation de qualité aux citoyens. La Chartreuse peut profiter d’une vraie opportunité. A condition que nous soyons en capacité de produire pour les agglomérations environnantes », s’est-il exclamé.
Veille foncière
En Chartreuse, le foncier se révèle comme une autre question primordiale. Afin de fa
re face à l’importante pression qui touche le territoire, un groupement foncier agricole (GFA) a été créé en 2015. « Son objectif est d’acheter du foncier et de le louer à long terme pour aider et sécuriser de nouvelles installations », explique ainsi Alain Pajon. Son action est très concrète puisque mi-2023, 25 hectares doivent être achetés sur la commune de Plateau-des-Petites-Roches au profit de huit exploitations agricoles.
Le GFA assure également une veille foncière avec les communautés de communes du territoire, en analysant les notifications Safer (4), pour trouver des solutions et préserver le foncier agricole. Suite à cette présentation, les débats se sont rapidement enchaînés prouvant une nouvelle fois tout l’intérêt que portent les agriculteurs à cette question ainsi qu’aux règles de vente et de circulation des notifications.
(1) Cette nouvelle commune rassemble Saint-Pancrasse, Saint-Bernard et Saint-Hilaire-du-Touvet
(2) L’AAC fonctionne depuis trois ans sans président grâce aux 4 membres du bureau : Stéphany Barbian, Alain Pajon, Christophe Bernard et Nicolas Chenal
(3) Etablissements publics de coopération intercommunale
(4) Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural
Isabelle Brenguier
Les éleveurs isérois doivent s’adapter au changement climatique
Le changement climatique impose la mise en œuvre de nouvelles pratiques pour valoriser toutes les ressources fourragères.
A l’occasion de l’assemblée générale de l’AAC, Jean-Pierre Manteaux, conseiller changement climatique et production fourragère à la Chambre d’agriculture de la Drôme, est revenu sur la question des prairies et du pâturage.
Les suivis qu’il réalise avec une soixantaine d’éleveurs installés dans différents secteurs de l’Isère et de la Drôme ont révélé une remontée du climat méditerranéen de cinq kilomètres par an, même si les territoires de montagne échappent quelque peu à cette règle puisque l’altitude atténue ces effets.
Indiquant que le calendrier de la pousse de l’herbe a changé - elle a lieu plus tard en octobre, novembre (en décembre même en 2022) et plus tôt à la sortie de l’hiver – , Jean-Pierre Manteaux met en avant l’adaptation à laquelle les éleveurs doivent dorénavant se soumettre en sortant leurs bêtes plus tôt dans l’année et en les rentrant plus tard. « Il ne faut ni sous-exploiter, ni sur-pâturer », indique-t-il encore. Il préconise également un changement de mode de pâturage en considérant les friches comme des ressources fourragères et en découpant davantage.
« Les avantages sont nombreux : cela stimule l’appétit des animaux. Cela évite le surpâturage et fait gagner du temps de repousse. Cela permet aussi une meilleure répartition des déjections et cela valorise mieux les espèces les moins appétentes », explique-t-il ainsi. Il détaille ensuite de nouvelles pratiques mises en place par certains éleveurs de brebis. « Ils les font pâturer d’abord dans des landes et des parcours, puis dans de la luzerne, et enfin dans des prairies temporaires. Les animaux se régulent eux-mêmes, car ils ont bien compris qu’ils auraient accès aux trois types de surface », souligne le spécialiste.
Différentes clés d’adaptation sont donc possibles. Mais quelque-soit le couvert, le tout est d’éviter le gaspillage.
IB