Syndicalisme
L'école de la vie des Jeunes agriculteurs

Isabelle Brenguier
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Le réseau JA a beaucoup apporté aux jeunes agriculteurs qui l’ont fréquenté. Il leur a fait découvrir de nouveaux horizons et les a formés. Professionnellement et personnellement, il les a fait grandir.

L'école de la vie des Jeunes agriculteurs
Sur le tas ou grâce à des formations, les JA améliorent leur prise de parole en public.

A 18 ans, aucun d’eux n’auraient imaginé, dix à vingt ans plus tard, devenir les hommes qu’ils sont aujourd’hui. Pas plus qu’ils n’auraient pensé devenir responsables agricoles.

Tous ont commencé à fréquenter le réseau des Jeunes agriculteurs au niveau de leur canton « pour discuter avec des jeunes de leur âge, retrouver des amis de l’école, faire la fête », comme ils le disent souvent. Naturellement, ils ont pris la responsabilité de « président de canton », devenant membre du conseil d’administration de JA Isère. Puis ils sont « montés » au bureau, ont commencé à défendre des dossiers… Et sont devenus le président ou le vice-président de la structure syndicale au niveau du département. Certains sont même partis à l’échelon régional, ou national. Sans l’avoir prémédité... Mais en se prenant au jeu.

Quelques années après ce passage, tous reconnaissent ce que le réseau JA leur a apporté en termes de compétences, de connaissances et d’ouverture d’esprit. Et aucun de ces jeunes responsables agricoles ne regrettent l’expérience.

Extrêmement enrichissant

« On dit souvent que JA est une école de la vie. Je suis bien d’accord. Quand on passe par le réseau, on se forme dans différents domaines, on rencontre tellement de nouvelles personnes. On découvre de nouveaux territoires, de nouvelles productions, de nouvelles pratiques, de nouvelles techniques… On apprend en se mettant au service des autres. C’est extrêmement enrichissant. On apprend aussi beaucoup en termes d’organisation. Comme on est souvent absent, il faut être efficace pour pouvoir se libérer et ainsi bien suivre les dossiers, condition indispensable pour qu’ils avancent », souligne Aurélien Clavel, ancien président de JA Isère, devenu vice-président de la centrale nationale.

« Quand on rentre dans le métier, on connaît ses voisins. En intégrant JA, on développe considérablement son réseau. On est aussi en lien avec toutes les organisations professionnelles agricoles (OPA) et avec leurs responsables. On en profite pour apprendre les mécanismes de formation des filières », ajoute Nicolas Traynard, ancien vice-président de JA Isère, aujourd’hui administrateur à Groupama.

Les mots justes

Ces jeunes ne se voyaient pas comme des leaders et le disent bien volontiers : « Au début, c’est intimidant ». Mais petit à petit, ils gagnent en confiance, prennent de l’assurance, de l’aisance. Sur le tas, ou en suivant des formations, leur prise de parole en public s’améliore et leur permet d’être plus efficace dans leur communication.

« On apprend le moment opportun pour parler, à exprimer plus clairement nos idées pour bien les transmettre », précise Nicolas Traynard. « Certains sujets comme la prédation sont délicats, clivants. Les gens, sans savoir précisément de quoi il en retourne, ont un avis très tranché. Pour dialoguer avec eux, il convient d’apprendre à choisir les mots justes, à ne pas être trop dans l’émotion. Même si le sujet nous touche personnellement », avance Cédric Fraux, actuel co-président des JA de l’Isère.

« On a les crocs »

A leurs débuts, les jeunes agriculteurs sont connus pour être très revendicatifs. Ils défendent leurs intérêts avec beaucoup de conviction. « Lorsqu’on est plus jeune, on a envie d’aller manifester, on a plus de colère », témoigne Aurélien Clavel.

« On a les crocs. On veut tout fracasser et apporter notre pierre à l’édifice. Mais en fait, ça ne se passe pas comme ça. Petit à petit, on prend connaissance des différents paramètres qui entrent en ligne de compte », se souvient Nicolas Traynard, en souriant.

« Quand le temps passe, on s’aperçoit qu’il est préférable de mettre cette énergie à profit de façon plus posée et organisée. On se rend compte que l’impact est plus fort », poursuit Aurélien Clavel. C’est un apprentissage que chacun fait à son rythme.

« On prend de la maturité. S’impliquer chez JA nous fait changer. Dans le bon sens », estime aussi Jocelyn Dubost, ancien président des JA de l’Isère, actuel président de JA Aura.

La fougue de la jeunesse

Pour autant, la position des JA compte et leur revendication sont toujours accueillies avec intérêt. « En réunions, si on n’ose pas trop prendre la parole, les responsables des OPA nous la donnent et nous écoutent. Et nous avons un droit à l’erreur », constate Cédric Fraux.

« Ils savent que ce n’est pas forcément facile. Du coup, on nous tend des perches et on nous aide à entrer dans les conversations », apprécie encore Jordan Desimone, le deuxième co-président actuel des JA. Un point de vue partagé par Jocelyn Dubost.

« On a le droit d’avoir la fougue de la jeunesse et des volontés », estime-t-il. « Mais sur certains sujets, il faut aussi jouer des coudes, montrer qu’on est là et faire sa place », rapporte Nicolas Traynard, se rappelant l’époque où les JA voulaient prendre la présidence de l’Adasea (l’organisme qui gérait l’installation en agriculture il y a 15 ans), obtenant « seulement » un poste de secrétaire général.

Les agriculteurs de demain

Si les jeunes agriculteurs sont ainsi écoutés et même respectés, c’est aussi parce que leurs aînés l’ont bien compris : ce sont eux les agriculteurs de demain. « Les JA sont sur un espace-temps plus long. Ceux qui sont à JA en ce moment seront encore là dans 20 ans. Il est normal qu’on soit à l’écoute de la génération qui arrive », soutient Aurélien Clavel.

Et plus ils s’impliquent, plus ils gagnent en compétences. « On doute souvent au début de nos capacités. Mais en fait, nous avons le potentiel nécessaire. Il faut simplement passer outre la timidité, la peur de mal faire et veiller à nous former. Sans cesse. Toujours apprendre et toujours découvrir. Pour avoir les moyens de réfléchir au métier que nous voulons pour demain », souligne Jocelyn Dubost. De la même façon, les JA sont considérés comme les futurs responsables des organismes agricoles.

« On sait que nos conseils d’administration sont scrutés puisqu’ils permettent de fournir aux OPA des personnes déjà formées », reconnaît Cédric Fraux. Car beaucoup le disent : « quand on a goûté aux responsabilités chez JA, on aime bien poursuivre l’aventure dans d’autres instances ».

Ce qu’ils font généralement passés 38 ans, la limite d’âge chez JA, laissant ainsi la place à d’autres jeunes. Un éternel recommencement. Qui ne se sait fait pas tout seul. Il est réfléchi et construit. Comme le précise Jocelyn Dubost : « Il faut laisser le réseau se diversifier, faire en sorte qu’il soit à l’image de l’agriculture d’aujourd’hui et qu’il intègre des jeunes hors cadre familial, des hommes, des femmes, et investis dans toutes les productions. »

Isabelle Brenguier

« Acteurs de la vie agricole de nos territoires »
Jordan Desimone et Cédric Fraux sont tous les deux éleveurs dans le Sud-Isère... et co-présidents de JA Isère.
Jeunes engagés

« Acteurs de la vie agricole de nos territoires »

Les deux co-présidents et la trésorière de l’actuel bureau de JA Isère partagent le même enthousiasme que leurs aînés sur le rôle formateur de leur syndicat.

Actuels co-présidents des Jeunes agriculteurs de l’Isère, Jordan Desimone et Cédric Fraux, tous deux éleveurs dans le Sud-Isère, portent le même regard positif que leurs prédécesseurs sur l’intérêt d’intégrer le réseau. « Je suis arrivé presque « périmé » à JA et pourtant, j’ai tellement grandi. Quand on est agriculteur en montagne, on peut être un peu enfermé. Intégrer le réseau JA m’a beaucoup enrichi », souligne ainsi Cédric Fraux.

« Même si en tant qu’exploitant, on est déjà chef d’entreprise, en devenant président d’une structure départementale, on est confronté à de nombreuses problématiques qu’on ne soupçonnait même pas. Et on prend des responsabilités administratives, juridiques, pénales... C’est tout un paquet. Cela prend aussi beaucoup de temps. Il arrive parfois qu’on se dise qu’on est fou de faire ça. Mais en même temps, cela nous fait vivre des moments tellement intéressants. Au final, on est hyper content. D’autant que cet investissement nous permet d’être forces de proposition et acteurs de la vie agricole de nos territoires. J’invite tous les jeunes à ne pas hésiter et à nous rejoindre. Ils ne peuvent qu’en tirer profit », souligne Jordan Desimone.

« Soudé et solidaire »

Installée à Chozeau au sein d’un Gaec familial, Marine Dufour est la trésorière et la responsable des ressources humaines de JA Isère depuis l’année dernière. Elle est très intéressée par toutes les actualités qu’elle suit grâce au syndicat et considère que ses fonctions lui permettent de découvrir d’autres aspects du métier d’agriculteur et d’améliorer la conduite de son exploitation.

Bien intégrée dans le bureau, qu’elle juge « soudé et solidaire », elle reconnaît toutefois que le milieu agricole reste assez masculin. « Même si cela évolue tout doucement, il y a encore assez peu de filles qui prennent des responsabilités. Ce serait bien qu’il y en ait plus car sur certains sujets, nous avons une approche différente. On pourrait être plus complémentaires », souligne la jeune femme.

IB

Réinvestir dans la formation

Aujourd’hui président de la FDSEA de l’Isère, Jérôme Crozat est aussi passé par le réseau JA. Il a été président de JA Isère, puis de JA Rhône-Alpes, et, très attaché à la formation des agriculteurs, président du Comité Vivea Rhône-Alpes (le Fonds pour la formation des entrepreneurs du vivant).

Il a été à l’origine de la mise en place de la formation « Acteurs demain », qui a permis à plusieurs générations de jeunes agriculteurs de se former de manière à assumer pleinement leurs fonctions de responsables. « Je trouve essentiel de créer un lieu d’échanges et de formations de proximité, car il n’est pas facile de partir de nos exploitations, d’aller à Paris. Alors que la formation « Acteurs demain » n’existe malheureusement plus depuis cinq ans, j’en appelle à la solidarité de nos politiques pour nous permettre de réorganiser ce genre de formations. Réinvestir dans la formation des jeunes agriculteurs et des jeunes agricultrices, c’est essentiel pour l’avenir de notre agriculture et de nos territoires, pour qu’ils aient les moyens de défendre l’entité agricole et rurale de nos villages et de nos cantons », souligne-t-il.

IB

« Quand on est agriculteur, on peut facilement être isolé. En intégrant JA, on rencontre d’autres personnes. Cela fait du bien. Cela peut aussi être utile dans le cas où on s’installe avec des membres de notre famille et que des petits conflits de génération apparaissent. Cela peut aider à prendre du recul, à faire sa place, à confronter les expériences ».

Nicolas Traynard