Métier
Pascal Clavel, fil Rouge de l'apprentissage

Aux manettes de la maison Clavel à Voiron, l'artisan-boucher a reçu le 7 octobre le prix spécial Transmission dans le cadre du Trophée national des viandes d'excellence. Une reconnaissance qui signe une manière d'être et de pérenniser le métier.
Pascal Clavel, fil Rouge de l'apprentissage

Lauréat au Trophée national des viandes d'excellence 2020, Pascal Clavel aurait pu être récompensé pour la qualité de ses pièces bouchères. Mais c'est pour son engagement et son art de transmettre le métier que l'artisan de Voiron a été distingué début octobre à Saint-Saturnin (Puy-de-Dôme) par la Fédération interprofessionnelle des viandes Label Rouge et Sylaporc (syndicat des labels porc et charcutier). « C'est toujours intéressant de partager son savoir, surtout avec des jeunes qui ont soif d'apprendre », apprécie-t-il.

L'art de la fugue

Fils de boucher lui-même, Pascal Clavel confie tout devoir à son père. Il assume tout de même une « fugue » en région parisienne, le temps d'« aller voir ailleurs » et suivre une formation de charcutier-traiteur qui complètera la panoplie de la boucherie familiale. C'est lors de cette échappée belle qu'il découvre de nouvelles façons de travailler la viande et parcourt le monde du Label Rouge. « A l'époque, nous étions aux prémices de la vache folle et j'ai conseillé à mes parents, qui ne faisaient que de la bête de pays, de passer en Label Rouge », raconte l'artisan.

Professionnalisation

Depuis, c'est l'image de marque de la maison Clavel. Ce qui ne l'empêche pas de s'intéresser de près à la production locale, notamment aux Eleveurs de saveurs iséroises ou aux agneaux d'alpage de l'Isère, qu'il soutient avec ses casquettes de président du syndicat des bouchers de l'Isère et de président du comité d'agrément de la marque IsHere. « Depuis trois ans, les éleveurs ont fait beaucoup d'efforts pour se professionnaliser et récoltent aujourd'hui le fruit de leur travail, constate-t-il. Ils ont des bêtes de bonne qualité qui correspondent à la demande des clients en quête de circuits courts. »

Savoir informel

Au-delà du geste technique, c'est tout ce savoir informel, la belle complexité de la relation avec la clientèle que Pascal Clavel aime transmettre à ses apprentis. En ce moment, ils sont quatre dans l'équipe. En dépit de profils différents (jeunes en formation, diplômés ou en parcours d'intégration), tous partagent un même appétit pour le métier. « Quand on a des apprentis qui sont en demande, on se régale », savoure l'artisan touche-à-tout que les jeunes ont affectueusement surnommé « marmiton ». « Nous avons un métier reconnu mondialement, poursuit-il. Nous autres, bouchers français, travaillons la carcasse complète et maîtrisons l'art de la découpe comme dans aucun autre pays. Nous avons d'ailleurs un jeune collègue, Victor Dumas, qui caresse l'espoir de faire entrer l’art de la boucherie artisanale française au patrimoine immatériel de l’Unesco. Je m'inscris modestement dans cette filiation. »

Ouverture d'esprit

Une modestie très appréciée des jeunes en formation chez lui, qui saluent aussi sa gentillesse et son ouverture d'esprit. « C'est un bon gars, confirme Massiga Dabo, un ancien apprenti récemment embauché par la boucherie Clavel. Ce n'est pas un métier facile. Mais Pascal, il t'apprend tout comme il faut. Et puis il te donne ta chance. Un patron comme ça, c'est rare. » Massiga sait de quoi il parle. Après l'EFMA de Bourgoin-Jallieu, il est entré à l'IMT de Grenoble pour passer son CAP de boucher et embrayer sur un brevet professionnel. Il a fait pas mal de stages, mais là où il a été le mieux reçu, c'est à la boucherie Clavel. Là, il a appris à travailler la viande en détail. « Ici, on ne se contente pas de couper la viande de manière basique : on prépare des paupiettes, des carrés d'agneau, différentes sortes de hâchis... » Le jeune Malien ne cache pas son enthousiasme. A en croire le patron, le plaisir est partagé. « Nous sommes dans l'échange, explique Pascal Clavel. On apprend les uns des autres. Et puis avoir du sang neuf dans une entreprise, c'est toujours bon. C'est une manière de pérenniser le savoir-faire. »

Marianne Boilève