Filière laitière
Les producteurs Danone se considèrent comme les plus mal payés de la région
Les représentants de l’OP Danone Sud-Est attendent une meilleure rémunération pour leurs producteurs. Excédés, ils sont prêts à mener la négociation et à aller au bout de leurs revendications.
Trop, c’est trop. Comme les producteurs de lait qu’ils représentent, les membres du bureau de l’OP Danone Sud-Est en ont assez. Le prix du lait payé par l’entreprise n’est pas à la hauteur. Et cela depuis longtemps. Trop longtemps.
Réunis en visioconférence vendredi 20 janvier, Jérémy Epalle, Floriane Burille, Jean-Christophe Vial, Laurent Blanchard et Jérôme Crozat, ont montré leur détermination à faire évoluer l’entreprise sur le sujet. « Nous avons terminé l’année 2022 à un prix bas, autour de 430 euros les 1 000 litres en prix de base, et nous recommencerions 2023 à 415 euros les 1 000 litres ? C’est inacceptable. Le compte n'y est vraiment pas », lance, dégoûté, Jérémy Epalle, producteur dans la Loire et président de l’OP.
Écart considérable
« Comme nous étions en fin de contrat en janvier 2022, nous avons dû réfléchir à une nouvelle formule de prix. Nous avons mis plus de neuf mois pour parvenir à un accord à peu près équitable, même s’il subsistait quelques interrogations. Cette formule de calcul a été utilisée par Danone jusqu’en novembre. En décembre, l’entreprise, s’étant rendue compte des limites de la formule et de l’écart considérable qu’elle entraînait entre le prix auquel elle nous payait et celui des autres groupes, a réhaussé ce prix de façon unilatérale. Sans négociation. Sans qu’il soit suffisant. Et en début d’année, grâce à des échanges avec d’autres OP, nous nous sommes rendus compte que nous étions les producteurs les plus mal payés de la région. Le prix de base est lié aux coûts de production. La technicité des éleveurs, leur capacité à s’adapter, est récompensée par les primes. Mais ce n’est pas parce que nous comptons dans nos rangs des éleveurs compétents, que nous devons avoir un prix de base bas », s’insurge le président de la structure.
Déconnectés
Le constat est accablant et le sujet lasse (sic) les représentants des éleveurs. Car depuis l’été dernier, ils alertent le groupe face aux difficultés climatiques et économiques auxquelles ils sont confrontés. Mais ils ne se sentent pas – ou si peu – entendus.
Si la formule a été légèrement réajustée au mois d’octobre, cela ne s’est pas fait de façon pérenne. Aujourd’hui, les membres du bureau de l’OP Danone Sud-Est attendent que leur entreprise « mette de l’argent sur la table et redonne des perspectives à ses producteurs ». « Le prix qu’on nous a proposé sous forme d’ultimatum pour le premier trimestre, est tout simplement indécent. Il est hors de question que nous l’acceptions. La marge de Danone ne doit pas être faite sur le dos de ses producteurs », objecte Jérémy Epalle.
« Pour bien conduire nos fermes, nous avons besoin de visibilité. Nous avons le sentiment qu’ils (les dirigeants de Danone, ndlr) ne font rien pour comprendre nos situations en termes de charges et de rémunération. Ils sont déconnectés. Nous savons qu’ils ont besoin de lait mais on peut se demander s’ils ont vraiment envie de garder leurs producteurs », assure Floriane Burille. « Dans nos fermes, avec ce prix du lait insuffisant, nous avons l’impression que nous sommes condamnés à vivre, à survivre. Mais sans être en capacité d’investir. Pourtant, si nous n’investissons pas, nos exploitations sont condamnées. Elles ne seront pas reprenables demain. Je me fais encore plus de souci pour les jeunes installés. Quel avenir leur offrons-nous ? », gronde encore Laurent Blanchard, le trésorier de l’OP.
Les responsables de l’OP sont d’autant plus excédés que la filière laitière affiche globalement des voyants plutôt verts. « Il manque de lait de consommation dans le territoire. Le commerce n’est pas saturé. Les autres pays européens sont sur des tarifs bien plus élevés », assurent les éleveurs. C’est pourquoi ils ne comprennent pas la politique menée par leur entreprise. Et ils veulent qu’elle change.
Comme l’indique Jérôme Crozat, « ce n’est pas aux producteurs de payer les erreurs stratégiques réalisées par l’entreprise au cours des décennies passées », explique-t-il, en faisant référence à différentes implantations moins réussies qu’attendues à travers le monde.
Bien décidés à se faire entendre, ils sont prêts à aller plus loin qu’ils ne l’ont jamais été dans le processus de négociation. Surtout qu’ils se savent soutenus par leurs adhérents. Aujourd’hui, ils sont en train de prendre leurs dispositions pour que les producteurs qui le souhaitent puissent livrer à d’autres laiteries. Ils n’hésiteront pas non plus à aller sur le site de l’usine ni à saisir le médiateur.
Ils en ont assez et ils ne se laisseront pas faire. « Danone doit comprendre que son gain de compétitivité ne se fera pas en écrasant ses producteurs », assurent-ils.
* Organisation de producteurs
Isabelle Brenguier
L'OP Danone Sud-Est en chiffres
En 2015, 400 producteurs, 145 millions de litres de référence
Aujourd’hui, 250 producteurs répartis majoritairement, entre la Loire, le Rhône et l’Isère, avec quelques-uns encore en Ardèche, un en Haute-Savoie et un en Savoie, 85 millions de litres de lait livrés.
Trop de communication environnementale
La rencontre qui a rassemblé les membres du bureau de l’OP Danone Sud-Est le 20 janvier, a fait état d’un autre sujet qui fâche les éleveurs. Selon eux, Danone se montre très exigeante sur ce qu’elle attend de ses producteurs en matière d’environnement, investit beaucoup en termes de marketing – « cela fait vendre, cela plaît aux consommateurs », estiment-ils d’une même voix, mais l’entreprise est beaucoup moins regardante sur ses propres pratiques, notamment en termes d’emballages et de plastique.
L’annonce le 17 janvier de son plan d’action mondiale pour réduire de 30 % ses émissions de méthane liées à l’élevage bovin laitier d’ici à 2030, a encore heurté le groupe de producteurs.
Ils ont indiqué que le recours à des races moins émettrices, l’optimisation des régimes alimentaires, le maintien prolongé en production des vaches, la captation des émissions du fumier pour les valoriser en biogaz... faisaient partie des leviers que l’entreprise souhaitait utiliser. « Mais Danone ne possède pas de vache. C’est facile de s’engager pour les autres. Danone veut augmenter nos contraintes. Mais sans rémunérer nos efforts. Cela ne fonctionne pas comme cela », assurent-ils. « En tant que producteurs, quand nous prenons des engagements en faveur de l’environnement, quand nous nous investissons dans une démarche bas carbone, nous mesurons les évolutions que nous obtenons. Dans le cas de Danone, c’est beaucoup plus flou. L’entreprise fait toujours état de pourcentages. On ne sait jamais où elle en est vraiment », estime Jean-Christophe Vial, membre du bureau de l’OP Danone.
IB