Sciences
L'institut des Géosciences et de l'environnement conserve la glace

La fonte des glaciers est un problème majeur en tant que réserve d’eau, enjeu culturel et touristique mais également scientifique.

L'institut des Géosciences et de l'environnement conserve la glace
Crédit photo : Institut des Géosciences et de l'environnement.

De petites bulles d'oxygène prisonnières de la calotte glaciaire. Ce sont elles qui détiennent l'histoire du climat. Gaël Durand, directeur adjoint de l'Institut des Géosciences de l'environnement à l'Université Grenoble Alpes et Patrick Ginot, coordinateur du programme Ice memory ont raconté leur histoire à la Maison de l'Avocat le 26 mars dernier. « Ces bulles d'oxygène renseignent sur les masses d'air qui étaient présentes à une période donnée », raconte Gaël Durand.
A Vostok, la base russe située au sud de l'Antarctique, les chercheurs ont réussi à retracer 100 000 ans d'histoire climatique. C'était en 1965. Ensuite, c'est l'équipe de Claude Lorius qui, en 1974, a enregistré 420 000 ans d'histoire climatique. Jusqu'à aujourd'hui. Et le résultat est sans appel : « La quantité de CO2 n'a jamais été aussi élevé depuis les 800 000 dernières années », explique le glaciologue. Mais le premier à avoir pensé le lien entre dioxyde de carbone et réchauffement, c'était Joseph Fourrier en 1824... « L'établissement et le progrès des sociétés humaines sont propres à faire varier dans le cours des siècles la chaleur moyenne »

Air, plomb et virus

Pour découvrir l'histoire climatique, il faut de la glace. Or, celle-ci fond à vue d'œil, littéralement. Patrick Ginot, directeur du projet Ice Memory, s'est donc lancé dans le projet de mener des forages dans sept glaciers qui risquent de disparaître dans les prochaines décennies pour recueillir « leurs mémoires ». Débuté en 2015, le projet regroupe des chercheurs de plusieurs pays. En 2016, c'est le col du Dôme, dans le massif du Mont-Blanc qui a été foré, en 2017, Nevado Illimani dans les Andes en Bolivie, le Mont Béloukha dans le massif de l'Altaï du Causase en 2018 et le Kilimandjaro, en Tanzanie est prévu pour 2019. « On récupère trois carottes de glace : une pour faire des analyses aujourd'hui et deux autres pour les générations futures », raconte-t-il.
Une carotte ne contient pas seulement des bulles d'air mais beaucoup d'autres informations. La quantité de poussières permet de connaître les sécheresses, les cendres, de dater des incendies, le plomb, de mesurer l'activité industrielle... et à termes l'analyse des microorganismes pour déterminer les virus et bactéries qui ont touché les générations passées. Mais la science, avec les techniques actuelles, ne permet d'analyser l'ensemble des composants et le temps presse. Les forages réalisés sont donc conservés dans la base de Dôme C, en Antarctique, « meilleur congélateur naturel à long terme », pour laisser aux futurs scientifiques l'analyse de l'histoire. Selon l'ambition du chercheur, ces carottes devraient être classées patrimoine mondial de l'Unesco en 2023. Toutes les informations récoltées seront enregistrées dans une base de données de référence libre d'accès. « La glace nous survivra », se réjouit Patrick Ginot.

Prévoir la fonte

Ce projet est d'autant plus important que la vitesse de fonte des glaciers est très difficile à prévoir. Il y a trois manières de disparaître pour un glacier : pas de chute de neige, la fonte crée des rivières de surface qui accélère le processus ou l'océan qui érode la base du glacier et arrache des morceaux de glace. Gaël Durand travaille sur la fonte du Groënland et de l'Antarctique. « Au Groënland, il est possible qu'il y ait moins de neige et plus d'arrachage de bloc à l'avenir. Mais il est difficile de prévoir le point de bascule où le Groënland pourra disparaître et faire monter le niveau des mers », explique le glaciologue. Il est prévu que l'eau monte d'un mètre d'ici la fin du siècle. « Il y a 14 000 ans, on pouvait déplacer la tente, aujourd'hui ce sera plus dur de déplacer New York », ironise le chercheur. Les forages des glaciers permettent de collecter des informations pour vérifier que les modèles théoriques et les scénarios du Giec prédisent ce qui est observé sur le terrain. Dans le cas de la fonte des glaciers et de la hausse probable du niveau des mers, il n'est pas encore possible de l'observer. Affiner les modèles, c'est la seconde mission des scientifiques aujourd'hui.

Virginie Montmartin