Irrigation
Les bons tuyaux

Isabelle Doucet
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Le chantier de substitution et d’extension du réseau d’irrigation de l’ASA du Sud-Grésivaudan permet de sécuriser plus de 3 000 ha de cultures.

Les bons tuyaux
Jean-Claude Darlet pdt de la Chambre d'agriculture de l'Isère, Franck Falcou conducteur des travaux, Jean-Pierre Martin, président de l’ASA, sur le site de la station de pompage. Photo : Richard Effantin

« Nous avons eu de la chance à tous les niveaux », reconnaît Jean-Pierre Martin, le président de l’ASA du Sud-Grésivaudan.
Le 16 juillet dernier, à Saint-Lattier et à Saint-Bonnet-de-Chavagne, il a inauguré les plus gros travaux de substitution de prélèvements individuels et collectifs, ainsi que l’extension du réseau d’irrigation de l’ASA.
Une réalisation d’un montant de 20 M€ menée en six ans seulement.
L’objectif de ce chantier de substitution, d’extension et de restructuration était de remplacer 36 prélèvements, d’étendre le réseau de 1 000 ha et d’installer une artère principale avec des conduites de diamètre supérieur, le tout raccordé à une unique station de pompage dans l’Isère.

Une situation contraignante

« Il y a six ans, il y a eu une volonté du territoire. Lors des enquêtes publiques, 99 % des personnes ont été favorables au projet », raconte le président.
L’alerte est intervenue bien avant 2018 : les études sur les volumes prélevables du bassin versant du Furand Merdaret, faisaient état d’un secteur souvent soumis aux restrictions.
« Nous sommes une des seules ZRE (zone de répartition des eaux ndlr) du département, explique Jean-Pierre Martin. En raison de la fragilité des ruisseaux, la situation devenait contraignante. » Les irrigants conduisirent donc leur réflexion dans le cadre du plan de gestion quantitative de la ressource en eau (PGRE). « C’était évoluer ou disparaître. Nous avions déjà perdu un tiers de nos quotas en eau. »
Rapidement, les agriculteurs se sont retrouvés confrontés à un timing serré, face à l’urgence de trouver des solutions pour la ressource en eau.
« On pensait alors qu’il pouvait y avoir un risque à engager un investissement de 15 M€. Puis il y a eu une série de crises, il a fallu rajouter de l’argent, mais nous avons profité de fonds disponibles pour conduire le projet. Nous avons été accompagnés par le bureau d’études CA Eau. Nous avons décidé de regrouper deux ASA et de couvrir tout un territoire. Nous avons essayé de substituer un maximum de prélèvements menacés dans la limite de nos financements et tissé une toile d’araignée dans les sept communes du périmètre. Sur 7 000 habitants, 1 000 sont concernés par le projet », développe Jean-Pierre Martin.

Économies d’eau et d’énergie

Densifier le périmètre, rajouter des canalisations plus grosses pour que l’eau coûte moins d’énergie à être transportée, jouer sur l’effet de masse pour optimiser chaque investissement : l’ASA du Sud-Grésivaudan a su conduire ce chantier d’optimisation de la ressource en eau, mais aussi de l’énergie en un temps record.
« Nous espérions économiser 15 à 20 % de notre consommation électrique, ce qui ramène le coût en énergie à 1 kW /h pour 1 m3. La vente du m3 d’eau nous revient à 10 cts €, tout compris, soit une charge « raisonnable ». Nous économisons un gigawatt par an, sur une consommation moyenne de quatre à cinq gigawatts », détaille encore le président.
Il ajoute : « L’agence de l’eau fait partie de nos financeurs. Si elle a accepté de suivre ce projet, c’est parce qu’il est vertueux. »
Dans ce territoire où domine la production de noix, les vergers ont évolué vers des systèmes de goutte à goutte enterrés. La contrepartie est la nécessité de filtrer l’eau, mais l’apport en eau se fait au plus juste.
« Avec le bulletin d’irritation de la Chambre d’agriculture de l’Isère, nous maîtrisons la mise en route et l’arrêt de l’irrigation. Il y a des tensiomètres dans toutes les communes pour gérer les besoins à la parcelle. »
Parmi les aménités positives, le président renchérit que le système d’irrigation joue aussi un rôle dans la protection des incendies.
« Il y a 260 points de branchement dans les communes qui sont une garantie d’apport d’eau à volonté dans les territoires. La protection des populations, c’est un argument qui parle. Il y a bien entendu une borne à proximité de l’abbaye de Saint-Antoine. Et nous avons même des demandes de la part de particuliers ! »

Clés de réussite

Jean-Pierre Martin confie sa recette d’un chantier mené à son terme et à grande échelle : « Il faut croire en l’avenir et ne pas subir. Chacun peut modifier le cours des choses en croyant en ses capacités. Nous avons su créer une dynamique qui est arrivée au niveau des politiques qui ont financé le projet. Et nous avons eu la chance d’avoir un bureau d’études qui avait une vision de territoire. Et puis, il y a un savoir-faire, des compétences, une intelligence en France. Nous n’avons utilisé que du matériel français. C’est une excellence qui existe encore ! »
Il reconnaît que dans ce genre de projet, la pertinence est de raisonner à l’échelle d’un bassin-versant et d’une masse d’eau, « dans un intérêt public et collectif ».
Une des autres clés de réussite est le travail en équipe de la part des membres de l’ASA qui ont su se répartir les tâches. « Nous avons eu la chance d’avoir une équipe motivée qui nous a fait gagner du temps », insiste le président.
Les politiques étaient d’ailleurs venus nombreux lors de l’inauguration, démontrant leur foi dans ce projet qu’ils ont accompagné financièrement. Fabrice Pannekoucke, vice-président de la Région Aura en charge de l’agriculture, Jean-Pierre Barbier, président du Département de l’Isère, accompagné de plusieurs vice-présidents, dont Bernard Perazio, en charge des mobilités et de la construction publique et Cyrille Madinier, en charge de l'agriculture et de la ruralité, Nicolas Moulon, directeur général de l’agence de l’eau, Jean-Claude Darlet, président de la Chambre d’agriculture de l’Isère, Frédéric de Azevedo, président de la communauté de communes de Saint-Marcellin Vercors Isère et Jean-Pierre Gaillard, président du Crédit agricole Sud-Grésivaudan, faisaient partie des personnalités venues assister au lancement de ces installations… qui n’ont pourtant pas encore pompé une goutte dans l’Isère en raison de la météo plutôt humide cette saison.
Isabelle Doucet

Elus et personnalités, lors de l'inauguration du chantier de l'ASA. Photo : Richard Effantin

Un projet de titans

- construction d’une station de pompage et d’une station de surpression de 4 000 m3/h chacune
- Installation d’une artère principale de 800 mm de diamètre sur 8 km
- pose de 55 km de conduites soit 4 600 t de fonte
- 160 km de conduites au total
- 260 bornes d’irrigation
- 3 000 ha de parcelles irriguées
- 240 exploitations adhérentes et 570 propriétaires
- sept communes desservies
- Six entreprises, 25 sous-traitants, des centaines d’emplois pendant deux ans

Les pompes prélevant l’eau de l’Isère à Saint-Lattier. Photo : Richard Effantin

Financements

Coût total : 20 M€ HT, subventionnés à hauteur de 80 % (coût initial estimé à 15 M€).

- Département de l’Isère : 4,3 M€ €

- Région Auvergne-Rhône-Alpes : 4,1 M€

- FEADER : 4,3 M€

- Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse : 1, 7 M€

- Ministère de l’Agriculture : 0,7 M€

- Autofinancement ASA : 4,4 M€